Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/705

Cette page n’a pas encore été corrigée
1345
1346
DÉLUGE


le pied, revint. Sept jours après, il la fit sortir de nouveau, et le soir elle rapporta dans son bec un rameau d’olivier dont les feuilles s’étaient conservées vertes sous les eaux ou avaient déjà repoussé. À ce signe, Noé comprit que les eaux s’étaient entièrement retirées. Après sept autres jours, il envoya une troisième fois la colombe, qui ne reparut plus. Ouvrant le toit de l’arche, Noé constata que la surface de la terre était sèche. C’était le premier jour du premier mois de la six cent et unième année de Noé. Le vingt-septième jour du deuxième mois, la terre fut entièrement desséchée. Alors Dieu commanda à Noé de sortir de l’arche, lui, sa famille et tous les animaux. Le déluge avait donc duré dans sa totalité une année et onze jours. Or, comme les mois se rapportent, dans le récit biblique, à l’année lunaire, voir 1. 1, col. 637645, et t. ii, col. 67, la durée totale du déluge correspond à une année solaire de trois cent soixante - cinq jours. Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, 2e édit., Paris, "1880, t. i, p. 410-412. Le patriarche sauvé offrit au Seigneur un sacrifice d’action de grâces. Jéhovah en agréa l’odeur et promit de ne plus punir l’humanité coupable par les eaux du déluge. Désormais les saisons et les travaux agricoles, que l’inondation avait interrompus, ne seront plus bouleversés de cette manière. Gen., viii, 1-22. Dieu bénit Noé et ses enfants, conclut avec eux une alliance, et choisit l’arc-en-ciel comme signe visible et perpétuel de sa promesse de ne plus submerger la terre par un déluge pareil à celui qui venait d’avoir lieu. Gen., ix, 1-17. Voir Arc-en-ciel, t. i, col. 910-911.

Les critiques modernes tiennent la narration biblique, que nous avons rapidement analysée, comme la combinaison assez maladroite de deux récits différents et contradictoires du déluge, l’un élohiste et l’autre jéhoviste. A les en croire, la distinction des documents résulte avec évidence des contradictions, des répétitions qu’il est aisé de remarquer, du style particulier de chaque source et notamment de l’emploi des noms divins Élohim et Jého"vah. Le récit élohiste est complet, tandis que le jéhoviste ne nous est parvenu que par fragments. Ces conclusions n’ont pas l’évidence qu’on leur attribue, et l’analyse critique de la narration du déluge est loin d’être aussi certaine qu’on le prétend. Les parties élohistes ne constituent pas un tout complet, dont la trame est suivie et serrée ; elles présentent des lacunes et ne sont pas exemptes de répétition. Nonobstant ses redites, la narration actuelle forme un ensemble harmonique et progressif, et les répétitions, en insistant sur les circonstances principales, les précisent de plus en plus et sont d’un effet très frappant. Elles sont d’ailleurs conformes aux usages des Hébreux et aux récits amples et redondants des Orientaux. La légende cunéiforme du déluge, dont nous parlerons bientôt, et qui n’offre aucune trace d’élohisme et de jéhovisme, a les mêmes répétitions et réunit les traits qu’on déclare propres aux deux documents originaux. La narration biblique est l’oeuvre d’un seul et unique rédacteur, qui, s’il a employé des sources antérieures, les a ordonnées avec une remarquable unité. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1896, 1. 1, p. 333-336 ; Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iv, p. 241-253 ; Bickell, dans la Zeitschrift fur katholische Théologie, Inspruck, 1877, p. 128-131 ; Flunck, ibid., 1885, p. 634 ; J. Halévy, Recherches bibliques, p. 115-145 ; de Hummelauer, Commentarius in Genesim, Paris, 1895, p. 25-27 ; Schopfer, Histoire de l’Ancien Testament, trad. franc., Paris, 1897, t. i, p. 73-77 ; A. Loisy, Les mythes chaldéens de la création et du déluge, Amiens, 1892, p. 82-91.

II. Réalité historique du déluge. — Le déluge biblique n’est pas un mythe astronomique ; c’est un fait dont la vérité historique résulte du seul récit mosaïque. Ce récit reproduit la tradition hébraïque du souvenir du cataclysme. Mais il y a de ce fait d’autres preuves, qui ont été providentiellement mises en lumière à l’époque

où la narration biblique était le plus fortement attaquée.

I. les traditions DILUVIENNES. — 1° La tradition chaldéenne. — Il existe, en dehors de la Genèse, beaucoup de traditions diluviennes. La plus importante et la plus rapprochée du récit mosaïque est la tradition chaldéenne, dont nous possédons deux versions inégalement développées : celle de Bérose, conservée par Eusèbe, Chronic, 1. 1, c. iii, t. xix, col. 114-116, et celle du poème de Gilgamès, déchiffrée en 1872. D’après l’interprétation de Bérose, sous le règne de Xisouthros arriva le grand déluge dont l’histoire est racontée de la manière suivante dans les documents sacrés : « Chronos lui apparut (à Xisouthros ) dans son sommeil et lui annonça que le 15 du mois de daisios tous les hommes périraient par un déluge. Il lui ordonna donc de prendre le commencement, le milieu et la fin de tout ce qui était consigné par écrit et de l’enfouir dans la ville du Soleil, à Sippara, puis de construire un navire et d’y monter avec sa famille et ses amis les plus chers ; de déposer dans le navire des provisions pour la nourriture et la boisson, et d’y faire entrer les animaux volatiles et quadrupèdes ; enfin de tout préparer pour la navigation. Et quand Xisouthros demanda de quel côté il devait tourner la marche de son navire, il lui fut répondu : « Vers les dieux, » et de prier pour qu’il arrivât du bien aux hommes. — Xisouthros obéit et construisit un navire long de cinq stades et large de deux ; il réunit tout ce qui lui avait été prescrit et embarqua sa femme, ses enfants et ses amis intimes. — Le déluge étant survenu et bientôt décroissant, Xisouthros lâcha quelques-uns des oiseaux. Ceux-ci, n’ayant trouvé ni nourriture ni lieu pour se poser, revinrent au vaisseau. Quelques jours après, Xisouthros leur donna de nouveau la liberté ; mais ils revinrent encore au navire avec les pieds pleins de boue. Enfin, lâchés une troisième fois, les oiseaux ne retournèrent plus, Alors Xisouthros comprit que la terre était découverte ; il fit une ouverture au toit du navire et vit que celui-ci était arrêté sur une montagne. Il descendit donc avec sa femme, sa fille et son pilote, adora la Terre, éleva un autel et y sacrifia aux dieux ; à ce moment, il disparut avec ceux qui l’accompagnaient. — Cependant ceux qui étaient restés dans le navire, ne voyant pas revenir Xisouthros, descendirent à terre à leur tour et se mirent à le chercher en l’appelant par son nom. Us ne revirent plus Xisouthros, mais une voix du ciel se fit entendre, leur prescrivant d’être pieux envers les dieux ; qu’en effet il recevait la récompense de sa piété, en étant enlevé pour habiter désormais au milieu des dieux, et que sa femme, sa fille et le pilote partageaient un tel honneur. La voix dit en outre à ceux qui restaient qu’ils devaient retourner à Babylone, et, conformément aux décrets du destin, déterrer les écrits enfouis à Sippara, pour les transmettre aux hommes. Elle ajouta que le pays où ils se trouvaient était l’Arménie. Ceux-ci, après avoir entendu la voix, sacrifièrent aux dieux et revinrent à pied à Babylone. Du vaisseau de Xisouthros, qui s’était enfin arrêté en Arménie, une partie subsiste encore dans les monts Gordiens, en Arménie, et les pèlerins en rapportent l’asphalte qu’ils ont raclé sur les débris ; on s’en sert pour repousser l’influence des maléfices. Quant aux compagnons de Xisouthros, ils vinrent à Babylone, déterrèrent les écrits déposés à Sippara, fondèrent des villes nombreuses, bâtirent des temples et restituèrent Babylone. » Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, 2e édit., 1880, t. i, p. 387-389.

L’autre version, qui est plus intéressante encore, est écrite sur des tablettes cunéiformes exhumées de la bibliothèque d’Assurbanipal, à Ninive, et conservées au Musée britannique, à Londres. Ces tablettes ont été copiées, au vu « siècle avant notre ère, sur un exemplaire très ancien, qui provenait d’Érech, en Chaldée. La date de l’original est inconnue. Cependant George Smith la fait remonter à dix-sept siècles au moins avant Jésus-Christ. Le récit du déluge n’est qu’un épisode d’une épopée en.

II. - 43