Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/697

Cette page n’a pas encore été corrigée
1329
1330
DÉBLATHA.— DÉBLATHAÏM


l’arabe, et traduit ainsi : « désert de raine, de destruction ; » opinion condamnée par toutes les versions et rejetée par la plupart des commentateurs, nous nous arrêtons aux hypothèses suivantes, qui peuvent se ramener à deux chefs principaux : la manière de rendre le passage en question, et la leçon adoptée pour Déblatha.

1° On peut traduire de trois façons les deux mots de notre texte. — 1. « Depuis le désert de Déblatha ; » c’est ce qu’ont fait les Septante : âjrô ttjî Ipruiou AeëXaOoc, et la Vulgate : a deserto Déblatha. Mais alors la phrase semble incomplète, le terminus a quo ou point de départ appelant comme corrélatif le terminus ad quem ou point d’arrivée. En outre Diblâtâh est bien semblable à Timnâfâh, Jud., xiv, 1, mis pour Timnâh, Jos., xv, 10, et par conséquent possède le hé local qui le distingue de midbar, auquel même il l’oppose. Aussi, — 2. lit-on plus généralement : « depuis le désert jusqu’à Diblah, » expression qui embrasse toute l’étendue du pays menacé, du sud au nord. Keil, Ézéchiel, Leipzig, 1882, p. 83, dit cependant que, dans ce cas, midbar devrait non seulement être à l’état absolu, mais encore avoir l’article, puisqu’il s’agit d’un désert déterminé, le désert arabique. A cela s’ajoute la difficulté propre à Diblah, qu’on ne sait comment rapporter à la frontière septentrionale. — 3. Enfin quelques-uns voient dans le préfixe mim, pour min, la particule comparative, et traduisent : « plus que le désert de Déblatha. » Outre que cette conjecture supprime, comme la première, le hé local, on peut se demander pourquoi le prophète eût été chercher son terme de comparaison dans un lieu très peu connu, pour ne pas dire inconnu, puisqu’il n’est cité qu’en ce seul endroit de la Bible, à moins, comme nous le verrons, qu’on n’assimile Déblatha à Déblathaïm. Certains exégètes, en effet, acceptant cette forme d’interprétation, rendent différemment la lin du texte, et disent : « plus que le désert [qui va] vers Diblah, » ou Déblathaïm. Qu’on adopte n’importe laquelle de ces hypothèses, la difficulté n’est pas résolue : reste à savoir où se trouvait Déblatha. Et pour arriver à une solution, on a examiné quelle pouvait être la leçon primitive du texte original.

2° Déblatha étant inconnue, saint Jérôme supposait qu’en raison de la très grande ressemblance entre le i, daleth, et le "i, resch, il fallait plutôt lire Réblatha, ville signalée par Jérémie, xxxix, 5, 6, « dans la terre d’Émath, » sur l’Oronte. Cf. S. Jérôme, Comment, in Ezech., t. xxv, col. 62. Cette opinion, renouvelée par J. Michælis, a été admise par un grand nombre d’auteurs. Cf. J. Knabenbauer, Comment, in Ezech., Paris, 1800, p. 78-79. Elle donne cependant prise à plus d’une objection. — 1. Si elle a en sa faveur cinq ou six manuscrits du texte original (cf. B. Kennicott, Vêtus Testamentum hebr. cum variis lect., Oxford, 1780, t. ii, p. 179), elle a contre elle l’autorité de toutes les versions anciennes. — 2. Les Septante, dans plusieurs passages, Jer., lii, 9, 10, 26, 27, mettent bien AeëaXitâ pour Riblafâh, Vulgate : Réblatha ; mais ils portent aussi’Ps6Xa81, IV Reg., xxv, 6, 20, 21 ; Jer., xxxix, 5, 6. D’ailleurs cette ville du pays d’Émath, qui existe encore aujourd’hui sous le même nom de Ribléh, au-dessous de Homs (Émèse), à la hauteur de Tripoli, est en dehors de la frontière septentrionale de la Terre Promise. Voir Réblatha. D’un autre côté, la Rébla (hébreu : Ed-Riblâh) de Num., xxxiv, 11, appartient à la frontière orientale, et on la cherche dans les environs du lac de Tibériade. Voir Rébla. Aucune de ces localités ne semble donc convenir exactement au texte prophétique. — 3. Enfin quand l’Écriture veut désigner toute l’étendue de la Terre Sainte, du sud au nord ou du nord au sud, elle emploie d’autres expressions, par exemple : « depuis le désert de Sin jusqu’à Rohob, à l’entrée d’Émath, » Num., xiii, 22 ; « depuis l’entrée d’Émath jusqu’à la rivière d’Egypte, » III Reg., viii, 65. Cf. IV Reg., xrv, 25 ; I Par., xiii, 5 ; II Par., vii, 8 ; Am., vi, 15. Ézéchiel lui-même, xlviii, 1, détermine le nord par « l’entrée

d’Emath ». Cf. Keil, Ezéchiel, p. 83-84. On peut, il est vrai, répondre à cette dernière objection que Réblatha étant « de la terre d’Émath », les deux manières d’indiquer la partie septentrionale sont au fond les mêmes. — Si l’on maintient Déblatha, faut-il l’identifier avec Déblathaïm (hébreu : ’AlmônDiblâtâyemâh ; Vulgate : HeU mondeblathaim, Num., xxxiii, 46, 47 ; Bêt-Diblàtâim ; domus Deblathaim, Jer., xlviii, 22), ville de Moab, située au nord de Dibon (Dhibân)l Mais, dans ce cas, on ne pourra évidemment traduire : « c depuis le désert jusqu’à Déblatha. » Quel sera alors « le désert de Déblatha » ? Serait-ce la région désolée et stérile (hébreu : Ha-YeSîmô » ; Vulgate : desertum, solitudo) que la Bible mentionne près du Phasga et du Phogor, Num., xxi, 20 ; xxiir, 28, c’est-à-dire sur la rive nord-est de la mer Morte ? La position certaine de Déblathaïm n’étant pas connue, on ne peut faire sous ce rapport que des conjectures. — Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 409, a proposé de reconnaître Déblatha dans le village actuel de Dibl, au sud-est de Beit-Lif (l’ancienne Héleph), dans la tribu de Nephthali. Il n’y a dans ce rapprochement qu’une simple coïncidence. — En résumé, de toutes les hypothèses que nous avons exposées, c’est encore celle de saint Jérôme qui, malgré ses difficultés, satisfait le mieux l’esprit, qu’on accepte la leçon Réblatha au lieu de Déblatha ou que la ville ait porté les deux noms.

A. Legendre.
    1. DÉBLATHAÏM##

DÉBLATHAÏM (hébreu : Bêt Dibldtâim ; Septante, Codex Vaticanus : olxo ; Aa16Xa6ai|i ; Codex Alexandrinus : oîxoi ; AeoXaOai’ji ; Vulgate : domus Deblathaim), ville de Moab dont Jérémie, xlviii (Septante, xxxi), 22, annonce la ruine. Les versions grecque et latine ont traduit Bel par le nom commun « maison » ; mais ce mot entre dans la composition du nom propre BethDéblathaïm comme dans Bethgamul ( hébreu : Bêt Gâmûl ; Septante : olxo ; r « t(itiX) et Bethmaon (hébreu : Bêt Me’ôn ; Septante : oïxo ; Mativ), qui suivent, ꝟ. 23. Déblathaïm se retrouve dans un autre mot composé, Helmondéblathaïm (hébreu : ’Almôn Diblâtâyemdh ; Septante : rEXu.(iv AsêXaSaîu.), une des dernières stations des Israélites avant d’arriver au Jourdain. Num., xxxiii, 46, 47. Avons-nous là une seule et même localité ? La comparaison des deux passages conduit à une réponse affirmative. Le campement indiqué est mentionné entre Dibongad ou Dibon (aujourd’hui Dhibân), au-dessus de l’Arnou, et les monts Abarim ou la chaîne moabite, dont un des principaux sommets est le Nébo. D’un autre côté, Jérémie associe Beth-Déblathaïm à Dibon, Cariathaïm (Qoureiyat), Bethgamul (Djémaïl) et Bethmaon (Ma’in), toutes villes situées non loin les unes des autres. Ajoutons^ qu’elle est citée entre la première et la dernière dans la stèle de Mésa (ligne 30), qui se vante de l’avoir bâtio. Cf. A. Héron de Villefosse, Notice des monuments provenant de la Palestine et conservés au Musée du. Louvre, in-12, Paris, 1879, p. 2 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iii, p. 474. Voir la carte de Moab ou celle de Ruben. C’est donc bien au nord de Dhibân qu’il faut la chercher ; mais son emplacement n’est pas connu. Conder a essayé de l’identifier avec Khirbel Deleiydt, au sud de Ma’in. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 9, 30. La position répond bien aux données de l’Écriture ; mais fautil voir dans Deleiydt une corruption de Diblah ? On peut en douter. Plusieurs auteurs ont cru qu’elle existait encore au temps de saint Jérôme, parce que certaines éditions de son livre De situ et nominibus locorum hebr., au mot Jassa, portent : inter Medaban et Deblatham ; mais c’est une lecture fautive pour Debus, Aijëoù ; dans Eusèbe. Cf. S. Jérôme, t. xxiii, col. 904, note de Martianay ; Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 131, 264. Doit-on assimiler Déblathaïm à Déblatha, Ezech., vi, 14 ?

Rien ne le prouve. Voir Déblatha.

A. Legendre.