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DANIEL (LE LIVRE DE)


donc d’après cela, entre le décret et le Messie -Roi, soixante-neuf semaines ou 483 ans. — Le fait assigné à la fin des sept semaines, premier groupe, est la reconstruction de Jérusalem, de ses portes et de ses murs ou de ses fossés dans des temps difficiles. Plusieurs précisent davantage. Ils pensent que la ville a été restaurée en 49 ans, comme il est dit ; mais, coupant le verset, ils avancent que les places et les murs l’ont été dans un temps plus court, très court. D. Palmieri, Vaticinium, p. 78. Il n’est pas nécessaire de faire cette coupure, car le féminin nibenefâh peut très bien avoir pour sujet le féminin rehôb, qui suit immédiatement. Mais remarquons, par contre, que la conjonction ve est tombée du texte devant fâHûb (iterum), car l’autorité et la critique s’accordent pour en réclamer la présence. — Le fait qui se rattache aux soixantedeux semaines, second groupe, est la mort violente du Messie, avec les deux effets terribles qu’elle entraîne. Il s’agit du déicide. Le verbe ikkàrép (occidetur) est usité des grands coupables à qui l’on applique une mort violenté. Voir Gen., xviii, 14 ; Num., ix, 13 ; Exod., xii, 15 ; Lev., vii, 20 ; xvii, 4, 9, etc. Il est donc bien affirmé que le Messie sera frappé de mort. Au lieu du Messie, plusieurs, entre autres Théodotion, ont lu l’abstrait : « onction » (x ?ia>a). Mais c’est manifestement une faute, le texte, Aquila, Symmaque, la Vulgate, portant uniformément le Messie. Le premier effet de cette mort violente est l’abandon et le rejet du peuple, ce qui est exprimé par : ve’én lô (et non ei). Phrase obscure, une croix pour les interprètes. Littéralement traduite, - elle donne ce sens : « il n’y a pas à lui, » ou mieux : « n’est pas à lui (le Messie). » Il y a évidemment ellipse. Le "supplément de l’ellipse doit se trouver dans le contexte. Parmi les hypothèses possibles, deux paraissent probables. L’une : « Il sera frappé de mort, mais il n’y aura pas de mort pour lui ; » opinion qui s’autorise du contexte prochain (logique) et d’une analogie étroite avec, en particulier, la doctrine d’Isaïe, qui, dans le même contexte, présente le serviteur de Dieu comme étant tué et comme n’étant pas tué. Is., lui, 3-9 ; cf. Ps.xxi, 22, 23 ; xv, 10. Voir J. Knabenbauer, In Daniel, p. 236. L’autre : « Il sera frappé de mort, et il n’aura pas ce qu’il doit avoir, ce qui lui appartient. » Or ce qui lui appartient comme Messie, c’est le peuple, qui en le répudiant cessera d’être un peuple à lui. La Vulgate, en ajoutant fopulus, qui eum negaturus est, a paraphrasé justement le texte : c’est le sens qu’il faut suivre. D. Palmieri, Vaticinium, p. 99. Le second effet prédit du déicide est, dans un intervalle imprécis, la destruction complète de la ville et du Temple et le renversement du culte et de la nation. Le peuple d’un prince marchera, habbâ’(= « venir » dans un sens militaire hostile, i, 1 ; xi, 10), contre la ville et le sanctuaire, et les ruinera. Cette destruction finale aura la violence rapide et l’enveloppement absolu de l’inondation ; du grand déluge sans doute. Le mot du texte rendu par vaslitas est basétéf (avec l’article), qui exprime l’image du cataclysme universel auquel est comparée l’armée vengeresse qui viendra. La guerre, en effet, durera jusqu’à l’extrême fin : c’est une dévastation irrévocablement décrétée. Hébreu : Et finis ejus (erit) in inundatione, et usque ad fineni (extremitatem ) ejus, bellurn ; decretum vastationum. — Il ne reste plus qu’une semaine, la soixante-dixième. Il s’y passe deux faits précis qui la distinguent : 1. l’affermissement de l’alliance et 2. la cessation du culte ancien. L’alliance, qui renferme les biens messianiques mentionnés plus haut, est confirmée ou affermie, en ce sens que de promise seulement elle devient un fait et une réalité ; et c’est le Messie qui en est l’auteur. C’est lui également qui fait tomber le culte ancien, au milieu, — non pas dans une moitié, — de cette dernière semaine. L’hostie et l’oblation, ce sont les deux grandes divisions des sacrifices mosaïques, désignent le culte tout entier, dont le sacrifice est le centre. Au fond, c’est la prédic tion que la nouvelle alliance est substituée à l’ancienne ; car, les sacrifices abrogés, il est nécessaire que l’économie dont ils font partie soit abrogée aussi : abrogation de droit d’ailleurs plutôt que de fait. — Ensuite, après cette semaine, à une date non fixée, il y aura dans le Temple des abominations qui causeront une irréparable et éternelle ruine. Les auteurs sontpartagés sur le sens de ces phrases difficiles, que nous entendons ainsi : « Il y aura (hébreu : ’al kenaf = « sur l’aile [dû Temple], » pour : dans le Temple ; Septante : lits to îepov ; Vulgate : in templo ; Matth., xxiv, 15) des choses abominables, savoir des idoles, des actes d’idolâtrie, des crimes horribles (Siqûçîm), qui amèneront comme châtiment la dévastation complète. Voir t. i, col. C9. Et ce sera ainsi jusqu’à la ruine finale décrétée, qui couvrira au loin, comme un voile de deuil étendu, ces lieux désolés (hébreu : Et [erit] usque ad internecionem eamque décrétant [quss] effundet se super vastatum). » Septante, Théodotion, Symmaque. — La prophétie ainsi comprise peut se ramener à ce qui suit : 1° Il y a soixante-dix semaines de fixées pour établir un nouvel ordre de choses, que distinguent la cessation du péché et l’avènement de la sainteté morale. 2° Il y aura soixante-neuf semaines qui s’ouvriront’au décret enjoignant de reconstruire Jérusalem et qui finiront à l’arrivée du Messie -Roi. Ces soixante-neuf semaines se divisent en deux séries : l’une de sept semaines, pendant lesquelles la ville sera rebâtie belle et forte ; l’autre de soixante-deux semaines, après lesquelles le Messie -Roi sera violemment mis à mort. L’effet de cette mort violente sera 1. la répudiation du peuple qui l’a sacrifié et 2. la destruction totale de la cité sainte et du Temple. 3° Il y aura une dernière semaine durant laquelle la nouvelle alliance sera conclue. Exactement au milieu de cette semaine le culte ancien cessera en droit. Puis l’abomination, qui causera la ruine, pXe-Suyixi tij ; Ipmuaaini, régnera dans le Temple, et il en sera ainsi jusqu’à la destruction complète décrétée. Voyons maintenant à qui s’applique cette prophétie.

m. Interprétation réelle. — Il existe présentement deux grandes conceptions de la prophétie, l’une rationaliste, l’autre catholique. Ajoutons-en une troisième, qui l’applique à la fin des temps. N’ayant pour elle ni le texte ni le nombre, il suffit de l’avoir nommée. Voir J. Knabenbauer, In Danielem, p. 266-268. — Les rationalistes rapportent donG cette prophétie aux temps d’Antiochus IV Épiphane, et ils en fixent l’accomplissement final avant l’an 163 au plus tard. Pour eux, c’est non pas une prophétie, — ils n’en reconnaissent point, — mais un vaticinium post eventum, c’est-à-dire une histoire passée écrite en style prophétique. Ils n’admettent pas qu’il y soit aucunement question du Messie. Ils l’interprètent à peu prés chacun à sa guise, et ils se divisent à l’envi les uns des autres en l’interprétant. Division sur le point de départ des soixante-dix semaines, sur leur point d’arrivée, sur la nature de ces semaines (les uns en faisant des semaines de jours, d’autres des semaines d’années, d’autres des semaines symboliques, imprécises), sur la fin des sept semaines, sur le commencement et la fin des soixante-deux semaines, sur la succession des différents groupes de semaines, et enfin sur la date initiale de la dernière semaine. Puis division sur les Messies nommés JK 25 et 26 : les uns les identifient, les autres les distinguent. Division sur la personne de ces Messies ; ils nomment, quand ils les séparent : pour le premier, Cyrus, Onias III, Josué, Zorobabel, Nabuchodonosor, Sédécias ; pour le second, Onias, Séleucus Philopator, Alexandre, le sacerdoce (unctio), le souverain pontificat suspendu par Antiochus ou interrompu après Onias. Naturellement l’exégèse du texte répond à cette divergence de conceptions, elle est d’une variété infinie : l’on s’y perd. Impossible donc d’exposer, même très rapidement, ce chaos d’opinions. On s’en fera quelque idée en lisant A. Rohling, Dos Buch Daniel, p. 302, et en étudiant le tableau des vingt-cinq