Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/663

Cette page n’a pas encore été corrigée

-1261

    1. DANIEL##

DANIEL (LE LIVRE DE)

1262

vants sont une preuve plus ou moins décisive que l’auteur est plus jeune que Daniel : — 1. La place donnée au livre dans le canon, non pas avec les prophètes, mais dans la classe mixte des écrits que Ton nomme hagiographes, et encore au dernier rang de ceux-ci, dans le voisinage d’Esther. On sait peu de chose de certain sur la formation du canon. On sait cependant que « les Prophètes » furent antérieurs aux hagiographes. Si le livre de Daniel eût existé alors, on peut croire qu’il eut été admis comme œuvre de prophète et classé avec les prophètes. — 2. Jésus, fils de Sirach (environ 200), dans son « numération des gloires d’Israël, Eccli., xliv-l, parle d’Isaïe, de Jérémie, d’Ézéchiel et des douze petits prophètes (collectivement). Il est muet sur Daniel. — 3. Que Uabuchodonosor ait assiégé Jérusalem et emporté les vases du Temple « la troisième année de Joakim », Dan., 1, 1, c’est bien improbable, quoiqu’on ne puisse, strictement parlant, démontrer le contraire. Non seulement le livre des Rois n’en dit mot, mais Jérémie, l’année suivante, parle (xxv et ailleurs) des Chaldéens de manière à faire croire que leurs armées n’avaient pas encore été vues en Juda. — 4. Les « Chaldéens », Dan., i, 4 ; ii, 2 et suiv., sont une expression qui équivaut à la caste des sages. Ce sens « est inconnu » au vocabulaire assyro-babylonien ; il n’apparaît qu’après la chute de l’empire babylonien, son emploi dans Daniel prouve ainsi que ce livre a été composé après l’exil. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, p. 4’29. Il date nommément du temps où, en fait, les seuls Chaldéens connus appartenaient à la caste en question. Cf. Meinhold, Beitràge, 1888, p. 28.

— 5. Baltassar est donné comme roi de Babylone, et Nabuchodonosor, chap. v, 2, 11, 13, 18, 22, comme son père. Mais en réalité, c’est Nabonide (Nabu-nahid) qui fut le dernier roi de Babylone ; c’était un usurpateur, sans lien avec Nabuchodonosor, et dont un fils est connu sous le nom de Belsarusur. Schrader, Keilinschriften, p. 433 et suiv. On peut regarder comme probable, quoique nous n’en ayons encore aucune preuve dans les textes cunéiformes, que Baltassar commanda à Babylone pour son père, quand celui-ci (voir Sayce, Fresh Light, 1883, p. 170 et suiv.) marcha contre Cyrus ; mais il est difficile de croire qu’un contemporain ait pu, à cause de cela, lui donner le titre de roi. Pour sa parenté avec Nabuchodonosor, il est possible que Nabonide ait pu songer à s’affermir en prenant pour femme une fille du grand roi, lequel alors aurait été le père (le grand-père, en style hébreu) de Baltassar. Les termes du chap. v causent d’ailleurs l’impression que, dans l’idée de l’auteur, Baltassar est vraiment le fils de Nabuchodonosor. Quoique Baltassar soit un personnage historique, ayant probablement occupé une haute position au temps de la conquête, il faut bien avouer que le portrait qui en est tracé confirme l’opinion qu’il provient de la tradition juive postérieure. Cf. Schrader, Keilinschriften, p. 434 et suiv. — 6. Darius, fils d’Assuérus, un Mède, est « établi roi sur le royaume des Chaldéens », après la mort de Baltassar, "V, 31 ; vi, 1 et suiv. ; ix, 1 ; xr, 1. Il semble qu’il n’y ait pas place pour ce roi. D’après tous les auteurs, c’est Cyrus qui succéda immédiatement à Nabonide, et devint roi de l’empire perse tout entier. On a conjecturé que Darius avait pu régner comme un vice-roi, — par conséquent, qu’on peut l’identifier avec Cyaxare II (de Xénophon ) ou un plus jeune frère d’Astyage, — que Cyrus aurait établi sur Babylone. D’ailleurs, vi, 1, où il organise l’empire en le partageant en cent vingt satrapies, et VI, 27, il est représenté comme roi absolu de la Babylonie, sans aucune limitation de pouvoir. De plus, vi, 1, on est très incliné à croire à une confusion avec Darius, fils d’Hystaspe. Toutefois les circonstances marquées ne sont pas telles qu’on ne puisse, absolument parlant, les adapter au rôle et à l’existence de Darius le Mède ; et le critique prudent n’appuiera pas trop sur le silence des inscriptions, car il en est encore qui n’ont pas paru au

jour. — 7. Il est dit, ix, 2, que Daniel o comprit par les livres », bas-sefârim, le nombre d’années pendant lesquelles Jérusalem devait être dévastée, selon Jérémie. L’expression dont on se sert implique que les prophéties de Jérémie faisaient partie d’une collection de livres saints, laquelle cependant, on peut l’affirmer hardiment, n’existait pas en 536. — 8. D’autres indications montrent que le livre n’est pas d’un contemporain, telles que les suivantes : l’improbabilité que Daniel, un Juif si religieux, ait consenti à entrer dans la classe des Chaldéens « sages », et que ceux-ci l’aient reçu parmi eux (i ; cf. ii, 13) ; la folie septennaire de Nabuchodonosor (lycanthropie), et l’édit qui s’y rapporte ; les termes absolus qu’ils emploient tous deux, lui et Darius (iv, 1-3, 34-37 ; VI, 25-27), pour, tout en persévérant vraisemblablement dans leur idolâtrie, confesser la suprématie du Dieu de Daniel et ordonner qu’on lui rende hommage. » S. R. Driver, Introduction, p. 467, 468, 469.

Réponses aux objections. — 1. Il est vrai que le livre se trouve actuellement parmi les hagiographes, mais primitivement il se trouvait parmi les Prophètes, comme on. l’a conclu de l’état des manuscrits des Septante et du texte de Josèphe, Contr. Apion., i, 8. Le Talmud et les talmudistes l’ont fait passer dans les hagiographes pour une raison d’école, très probablement parce qu’ils s’avisèrent de distinguer entre les prophètes d’office et les prophètes de grâce. Daniel étant plutôt un de ceux-ci, ils le séparèrent de ceux-là, et reléguèrent son livre, avec Esther et les autres ; dans la classe inférieure. Voir R. Cornely, lntroductio generalis, 1. 1, p. 29. Mais cette manière d’agir n’est certes pas une preuve de l’origine postérieure du livre. D’autant plus que les auteurs du canon n’ont pas suivi dans leur classement l’ordre du temps de composition. — 2. Le silence du livre de l’Ecclésiastique n’est pas une meilleure preuve. L’auteur ne se propose pas de donner une liste complète des gloires d’Israël ; il en est, et des plus pures, dont il ne dit mot. Puis, il n’observe aucun ordre dans l’éloge de celles qu’il célèbre. Enfin il n’est pas impossible que le manuscrit sur lequel la version fut faite n’ait été en mauvais état. On soupçonne fort les derniers chapitres d’être mutilés et interpolés. J. Fabre d’Envieu, Daniel, i, t. i, p. 764-765. — 3. « Il n’est pas improbable » que Nabuchodonosor ait assiégé Jérusalem « la troisième année de Joakim ». Du moins, ce qu’affirme Daniel (i, 1), c’est qu’  « il vint », bâ", se mit en marche pour cette campagne, la troisième année de Joakim. Nul ne peut convaincre d’erreur cette date ainsi comprise. Il marcha donc sur la Judée cette année, mais ce n’est que l’année suivante qu’il prit la ville. L’expédition est attestée non pas seulement par cet endroit, mais expressément par II Par., xxxvi, 6-7, et implicitement par IV Reg., xxiv, 1, 2. Cf..1er., xlvi, 2. Et c’est bien « l’année suivante », savoir, en fait, la quatrième année, que le prophète (xxv, 1) rappelle l’arrivée prédite des Chaldéens, que l’on allait voir à Jérusalem incessamment. Voir A. Hebbelynck, De auctoritate, p. 75-78. — 4. Le mot « Chaldéens » (hébreu : Kasdim) offre, dans Daniel, deux sens : l’un général, i, 4, celui de « sages » babyloniens ; l’autre plus strict, ii, 2, celui d’  « astrologues », une des cinq classes dans lesquelles les premiers se divisaient. Le sens strict n’apparaît pas, que l’on sache, dans les textes cunéiformes publiés jusqu’ici ; mais dira-t-on pour cela que notre livre est écrit après l’exil ? Ce serait illogique. Que savons-nous d’ailleurs de l’assyro-babylonien, de ses éléments, de l’histoire de ses mots ? Peu de chose. E. B. Pusey, Daniel, p. 423, à propos de cette difficulté, se contente de dire : « Ce titre [de Chaldéens] ne s’applique pas à tous les mages, comme on l’a prétendu ; mais il est pris cette fois seulement dans son sens historique. » Cf. J. M. Fuller, Holy Bible, t. vi, p. 252. — 5. On refuse d’admettre que Baltassar ait porté le titre de roi. Or on ne peut guère douter aujourd’hui qu’il n’ait eu le titre de roi ou au moins de vice-roi, 11 était fils da Nabonide, et fut