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CRÉATION


mière production du ciel, Gen., i, 1 ; Is., XL, 28 ; xlv, 18 ; Ja première production de l’homme, Gen., i, 27 ; v, 1, 2 ; vi, 7 ; Deut., iv, 32 ; Is., xlv, 12 ; Eccle., xii, l ; Ps.lxxxviii (lxxxix), 48 ; ci (en), 19 ; la première production chez les animaux de la vie, qui, dans la conception des Hébreux, ne s"étendait pas aux fonctions des végétaux (voir Ame, t. i, col. 456), Gen., i, 21 ; la production du chérubin sous la figure duquel est représenté le roi de Tyr, Ezech., xxviii, 13 ; enfin des prodiges divers, qui exigent une intervention immédiate de Dieu. Exod., xxxiv, 10 ; Num., xvi, 30 ; Is., iv, 5 ; xli, 20 ; xlviii, 7 ; lvii, 19 ; lxv, 18 ; Jer., xxxi, 22 ; Ps. l (li), 12 ; cm (civ), 30. Le sens usuel et unique de ce terme marque donc une action qui demande la toute-puissance divine.

On a fait trois objections à cette interprétation. — l re Difficulté. À la forme piel, le verbe bdrâ' signifie « tailler, couper, émonder ». Or la forme pivet a souvent le sens le plus conforme à la racine des mots. Gesenius, Thésaurus philologus lingues hebraicse, Leipzig, t. i, 1829, p. 235. — Réponse. C’est par l’usage plutôt que par la racine des mots qu’on en reconnaît la signification. C’est aussi l’usage qui déterminait le sens de chaque forme des verbes hébreux, comme il détermine l’acception dans laquelle on doit entendre toutes les formes des diverses langues. Or jamais bdrâ' n’a eu, à la forme kal, le sens de « tailler », qui lui était donné à la forme pihel. — 2e Difficulté. Les Septante ont traduit le verbe bdrâ', au premier verset de la Genèse, par mo(ravi, qui signifie « faire ». — Réponse. À l'époque où les Septante rédigèrent leur traduction, la langue grecque ne possédait pas encore de terme consacré spécialement à exprimer la création. C’est pourquoi ils se servirent du mot général èhoItictev, qui n’exclut pas du reste la création, puisqu’il est aussi employé par la mère des Machabées, qui dit, II Mach., vii, 28, que Dieu a fait de rien, l Jux 'j’vtcov è7ro[ï)a£v, le ciel et la terre. Plus tard, le verbe îxuo-ev reçut plus particulièrement le sens de « créer » ; aussi a-t-il été adopté par Josèphe, Aquila, Symmaque et Théodotion, pour exprimer la première production du monde par Dieu. Hummelauer, Comment, in Genesim, Taris, 1895, p. 87. — 3e Difficulté. Les termes 'âsâh, a faire ; » yâsar, « former ; » bânâh, « bâtir, » sont employés dans l’Ancien Testament pour exprimer les mêmes actions qui sont marquées par le verbe bdrâ'. La Genèse dit, au ꝟ. 26 du chapitre i, que Dieu fit l’homme, 'âsâh, et au verset suivant, qu’il créa l’homme, bdrâ'. Elle dit, au ꝟ. 19 du chapitre ii, que Dieu forma, yâsar ; au y. 25 du chapitre I, qu’il fit, 'âsâh, et au ꝟ. 1 du même chapitre, qu’il créa, bârd', les animaux. Isaïe, xliii, 7, emploie ces trois verbes simultanément ; car il dit que Dieu a créé, qu’il a formé, et qu’il a fait pour sa gloire tous ceux qui invoquent son nom. C’est ainsi encore qu’après avoir raconté que Dieu créa la femme, Gen., i, 27, la Genèse dit dans un second récit, ii, 22, qu’il la bâtit, bânâh, d’une côte d’Adam. — Réponse. Ces diverses expressions hébraïques ne sont pas synonymes, bien qu’elles s’appliquent à une même action de Dieu. Les termes âsâh, yâsar, bânâh, sont des mots qui expriment des opérations humaines ou des opérations divines, tandis que le terme bdrâ' signifie une action nécessairement divine. Nous disons bien en français que Dieu a fait, qu’il a formé, qu’il a constitué, qu’il a créé l’homme. Cependant nos verbes « faire, former, constituer », signifient une action qui peut être le fait de Dieu ou le fait dune créature, tandis que notre verbe créer, pris au sens propre, signifie une action nécessairement divine. Ainsi en est-il à plus forte raison du verbe hébreu bdrâ' ; car nous avons montré qu’il n’a jamais été pris dans un autre sens.

Quelques auteurs, même catholiques, comme Petau, De opificio sex dierum, lib. I, c. ii, n° 8, dans ses Dogmat. theolog., Paris, 1866, t. iv, p. 151, ont cru que ce verbe bdrâ' ne signifiait point par lui-même une création pro prement dite, ou une production de rien. Mais la plupart des exégèles pensent, au contraire, que son sens propre est celui de création de rien. Quoi qu’il en soit, il est incontestable que ce verbe a toujours été entendu par les Hébreux d’une action qui ne saurait avoir d’autre cause que la toute-puissance de Dieu. Nous verrons d’ailleurs tout à l’heure que l’intervention divine par laquelle le monde reçut l’existence fut une véritable création.

3° Le monde a été produit par un acte libre de la volonté de Dieu. — La question de la liberté de Dieu dans l’acte créateur est susceptible de deux sens. On peut se demander si Dieu était libre de produire ou non des créatures. On peut se demander aussi si, après s'être décidé à créer, il dépendait de lui d’appeler à son gré tels ou tels êtres à l’existence. Or il est certain que Dieu possédait à la fois une entière liberté de produire ou de ne pas produire le monde et une entière liberté de le produire tel qu’il le voudrait. L'Écriture affirme cette liberté de deux manières principales. D’une part, elle présente la création comme le résultat d’un commandement de Dieu ; or ce commandement suppose dans le Créateur et la toute-puissance à qui rien ne résiste, et la liberté en vertu de laquelle il était maître de choisir et d’exécuter l'œuvre qu’il a accomplie. D’autre part, l'Écriture déclare que Dieu a fait tout ce qu’il a voulu, et par conséquent qu’il n’a obéi à aucune nécessité dans la production de ses œuvres. Indiquons les principaux textes où se rencontrent ces deux affirmations. On se souvient du magnifique tableau où la Genèse, i, 3-26, met sur les lèvres du Créateur ces commandements qui s’exécutent aussitôt : « Qje la lumière soit ! » « Qu’il y ait un firmament ! » Ce tableau a été résumé d’un mot par le psalmiste : [Dieu] a dit, et [tout] a été fait ; il a commandé, et [tout] a été créé. » Ps. cxlviii, 5. Voici d’autres paroles de nos Saints Livres qui marquent que Dieu a choisi à son gré les créatures à qui il a donné l'être : « Le Seigneur a fait toutes les choses qu’il a voulues. » Ps. cxxxiv, 6 ; cxiii, 3. « Il opère toutes choses, selon le gré de sa volonté. » Ephes., i, 11. « Vous avez créé toutes choses, et c’est par votre volonté qu’elles sont (Vulgate : qu’elles étaient) et qu’elles ont été créées. » Apoc, iv, 11 ; cf. Sap., xi, 26 ; Dan., iv, 32.

4° Le monde a été fait pour la gloire de Dieu. — La pleine liberté de Dieu dans l’acte créateur suppose qu’il n’avait aucun besoin de ses créatures. Cf. Job, xxii, 3. Mais, d’autre part, Dieu n’a pu vouloir la création que pour une fin digne de lui, c’est-à-dire pour sa propre gloire. Il est Valpha et Voméga, le commencement et la fin. Apoc, i, 8 ; cf. Is., xliv, 6 ; Deut., xxvi, 19. Aussi les cieux célèbrent-ils sa gloire, Ps. xviii, 2, et toute la terre en est-elle remplie. Is., vi, 3. Toutes les œuvres de Dieu sont conformes à ce but. Cf. Prov., xvi, 4. Elles sont donc toutes très bonnes, comme le Créateur se complaît luimême à le remarquer à la fin de la création. Gen., i, 31. C’est surtout l’homme intelligent qui a été créé pour glorifier Dieu ; car le spectacle des créatures doit l'élever à la connaissance de la puissance et de la divinité du Créateur, et l’amener à lui rendre gloire. Eccli., xvii, 7, 8 ; Sap., xiii, 5 ; Rom., i, 20, 21. Aussi l’homme a-t-il été formé après la terre, les plantes et les animaux. Gen., I, 26. Il est d’ailleurs appelé à une connaissance de Dieu plus parfaite que celle qui résulte de la vue des créatures. Cette connaissance surnaturelle sera le partage des élus dans la béatitude du ciel. C’est pourquoi les élus ont été créés particulièrement pour la gloire de Dieu. Is., xliii, 7. Dans son plan éternel, Dieu rapporte toutes ses œuvres aux élus et à Jésus-Christ. Ephes., i, 4-10 ; Col., i, 16 ; cf. Luc, ii, 14.

5° Le monde a été fait de rien. — 1. Beaucoup d’auteurs invoquent en preuve le terme bdrâ', qui exprime la première production des êtres, au début de la Genèse et en divers autres passages de la Bible. Tel paraît bien être, en effet, la signification de ce verbe, qui marque tou-