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COSMOGONIE MOSAÏQUE — COSTER


2° Système rest-ilutionniste. — Les commentateurs qui au début du siècle eurent à expliquer la Genèse conformément aux enseignements de la géologie naissante hésitèrent d’abord à attribuer au jour un sens différent du sens littéral, auquel ils étaient habitués. Ils préférèrent placer en dehors de la cosmogonie biblique, entre la création et le premier jour, la longue série des âges géologiques. D’après eux, après les millions d’années exigés par la science pour l'évolution de notre planète et la formation des couches terrestres, un cataclysme serait survenu. Toute vie eût été anéantie sur la terre, et le Créateur aurait repris son œuvre cette fois en six jours de vingtquatre heures, conformément au dire de l'écrivain sacré.

— Cette théorie, qui porte le nom de l’Anglais Buckland et est encore appelée restitutionniste ou de restauration, est aujourd’hui presque totalement abandonnée, pour des motifs qu’on peut réduire à trois. 1° Il est difficile de se faire une idée d’un cataclysme qui ait bouleversé la terre au point d’anéantir plantes et animaux, de faire disparaître jusqu'à la lumière et de réduire notre globe à l'état exprimé par le terra inanis et vacua de Moïse. — 2° Il répugne d’admettre que Dieu, qui avait mis des siècles Bans nombre à organiser une première fois le monde, eût procédé une seconde fois par jours de vingt-quatre heures.

— 3° Enfin la géologie ne nous présente nulle part et à aucune époque de traces du cataclysme supposé. Elle contredit même cette hypothèse de la façon la plus formelle ; car si elle nous montre des modifications dans la faune et dans la flore des temps géologiques, ces modifications s’effectuent lentement. Nulle part il n’y a d’interruption absolue dans la vie végétale et animale. Plantes et animaux passent toujours en partie d’une époque à la suivante, montrant ainsi qu’il n’y a point eu d’anéantissement complet dans l’intervalle. — Donc, au point de vue scientifique comme au point de vue rationnel, le système restitutionniste est inadmissible.

3° Système idéaliste. — Il en est un autre, qui compte un plus grand nombre d’adhérents ; c’est le système idéaliste. Il consiste à nier le caractère historique du récit génésiaque de la création. Moïse n’a point eu, nous dit-on, l’intention de raconter scientifiquement l’origine du monde. Son but était de donner au peuple hébreu un enseignement religieux qui lui apprit l’existence d’un Dieu créateur et les devoirs qu’il avait à remplir vis-àvis de Dieu. C'étaient donc des vérités de l’ordre philosophique et moral qu’il voulait leur imprimer dans l’esprit. Mais il ne les présenta pas sous la forme didactique, que le peuple saisit difficilement et qui est spécialement en opposition avec l’esprit des Orientaux ; il eut recours à une mise en scène. Prenant tour à tour ce que les Israélites avaient sous les yeux, il représenta Dieu créant tout cela : le ciel et la terre, l’herbe des champs, les plantes que l’on sème, les arbres, les animaux qui vivent dans l’eau, sur la terre, dans les airs, le soleil qui nous éclaire le jour, la lune qui brille pendant la nuit, enfin l’homme lui-même. Puis, comme il avait une loi positive à établir, la loi du repos sabbatique, il distribua dans les six jours de travail d’une semaine les œuvres de la création. Il est bien probable qu’il ne s’est jamais demandé combien il avait fallu de temps à Dieu pour créer le monde. Cette question de pure curiosité ne l’occupe point. Ce qu’il veut, c’est donner à son peuple le seul enseignement qui put lui convenir, un enseignement religieux.

Ce système n’est point celui que nous adoptons. Nos préférences sont pour le système concordiste, et la meilleure raison que nous puissions en donner consiste dans l’admirable exactitude que nous avons constatée au point de vue scientifique dans le récit biblique de la création. En se refusant à admettre le caractère historique de ce récit, les partisans de l’idéalisme se privent volontairement d’un grave argument à l’appui de l’inspiration de nos Livres Saints ; car l’accord sur lequel ils s’obstinent à

fermer les yeux ne nous semble pas pouvoir être l’effet du hasard. N’est-ce pas une chose étonnante que les trois seuls jours génésiaques qui puissent être contrôlés par la géologie, le troisième, le cinquième et sixième, correspondent précisément, quant aux caractères qui leur sont attribués, aux trois grandes époques géologiques ? Qui donc aussi avait pu apprendre à Moïse que le monde avait commencé par le chaos ? que la matière était à l’origine dans un état de ténuité telle qu’elle échappait, pour ainsi dire, à la vue, âôpaTo ; x « t àxaraoTte’jaffTo ; , invisibilis et incomposita ? que plus tard l’eau recouvrit toute la surface du globe ? que les animaux aquatiques apparurent sur la terre à la même époque que les « volatiles » et précédèrent les animaux terrestres ? enfin que la lumière précéda l’apparition du soleil ? L'écrivain sacré eût-il songé à ce dernier, trait, s’il n’avait eu d’autre guide que sa raison ? Les prétendues contradictions qu’on a signalées entre la cosmogonie biblique et l’enseignement scientifique n’ont pas la moindre réalité. Quiconque s’en tient aux enseignements certains de la géologie, et, d’un autre côté, sait faire la part de l’image et de la métaphore, qui' jouent un si grand rôle dans le langage oriental, est obligé de' reconnaître l’accord frappant des deux ordres de connaissances. — On répète sans cesse que la Bible ne fait pas de science. C’est vrai ; mais s’ensuit-il qu’elle puisse se tromper sur les faits qui touchent à la science ? On n’oserait sans doute le soutenir. Concluons donc que si la répartition des œuvres de la création en six jours ou périodes peut être considérée comme arbitraire, elle se présente du moins dans l’ordre chronologique.

VI. Bibliographie. — Vigouroux, Manuel biblique, 9= édit., t. i, n » s 263-277, p. 448-501 ; Id., Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iii, p. 235-265 ; Id., La cosmogonie mosaïque d’après les Pères, dans les Mélanges bibliques, 2e édit., p. 11-122 ; Thomas, Les temps primitifs et les origines religieuses, in-8°, Paris, 1890, t. i, p. 24-90 ; Duilhé de Saint-Projet, Apologie scientifique de la foi chrétienne, 3e édit., in-12, Paris, 1890, p. 90-110 et 131-152 ; A. Arduin, La religion en face de la science, 3 in-8°, Lyon, 1877-1883 ; Jean d’Estienne (de Kirwan), Comment s’est formé l’univers, 2e édit., in-8°, Paris, 1882 ; J. Fabre d’Envieu, Les origines de la terre et de l’homme, in-8°, Paris, 1873 ; La terre et le récit biblique de la création, in-8°, Paris, 1874 ; Marin de Carranrais, Études sur les origines, in-8°, Paris, 1876, p. 329-500 ; Moigno, Les Livres Saints et la science, 1884, p. 74-130 ; Les splendeurs de la foi, t. ii, chap. m ; Motais, Mo’ise, la science et l’exégèse, in-12, Paris, 1882 ; Origine du monde d’après la tradition, in-12, Paris, 1888 ; Lavaud de Lestrade, Accord de la science avec le premier chapitre de la Genèse, 2e édit., in-12, Paris, 1885 ; Molloy, Géologie et révélation, in-8°, Paris, 1890, p. 342-407 et 456-469 ; Hamard, L’origine du monde, dans La Controverse et le Contemporain, novembre 1885 ; M. Faye et le système cosmogonique de Laplace, dans le Cosmos, 29 mars et 19 avril 1886 ; J. Mir, La création, in-8°, Madrid, 1890 ; Xavier de Fourvières, La creacioun dou moundo, 2 in-8°, Avignon, 1891 (Conférences sur la création du monde, exposant le système concordiste, en langue provençale, avec traduction française) ; C. Braun, S. J., Ueber Kosmogonie vom Standpunct christlicher Wissenschaft, in-8°, Munster, 1895 ; J. Guibert, Les origines, in-8°, Paris, 1896 ; 5e édit. 1908. P. Hamard.

    1. COSTER François##

COSTER François, jésuite belge, né à Malines le 16 juin 1532, mort à Bruxelles le 6 décembre 1619. Reçu au noviciat de la Compagnie de Jésus par saint Ignace, le 7 novembre 1552, il fut envoyé à Cologne pour y expliquer l'Écriture Sainte et enseigner l’astronomie, et y prit le grade de docteur en théologie. Il fut recteur des collèges de Bruges et de Douai, deux fois provincial de Bel-