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COSMOGONIE MOSAÏQUE


pas sans analogie avec celle de nos régions tropicales, cette végétation a pour résultat de purifier l’air, auquel elle enlève l’excès d’acide carbonique et peut-être les autres impuretés qui jusque-là sans doute avaient mis obstacle à l’action directe des rayons solaires. Désormais les animaux terrestres à respiration aérienne et pulmonaire pourront vivre sur la terre. Aussi apparaissent-ils à l'époque secondaire, d’abord sous la forme de reptiles plus ou moins amphibies, car sans doute les continents ont encore peu d'étendue et l’air n’a pas acquis sa pureté définitive. Vers la fin seulement des temps secondaires apparaissent les oiseaux, dont la respiration énergique exige un air riche en oxygène, et quelques mammifères inférieurs. À la faveur de ces mêmes conditions, les grands animaux terrestres viennent à leur tour animer la nature désormais prête à recevoir l’homme lui-même, le dernier venu des êtres créés. C’est l'époque tertiaire,

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374. — Ripparion gracile.

dont les temps actuels ne sont, pour ainsi dire, que la continuation.

IV. Accord de la science et de la Bible. — Si maintenant on veut bien se reporter au premier chapitre de la Genèse, qtte nous avons donné en tête de cet article, on y constatera, au lieu d’un prétendu désaccord, une ressemblance frappante avec la cosmogonie qui précède. Pour nous en convaincre, examinons successivement chacun des jours génésiaques.

Création de la matière. — La création de la matière précéda toute autre intervention de la divinité dans la production du monde visible, la science l’exige non moins que la logique. Elle prouve, en effet, que la matière ne saurait être éternelle. En nous enseignant qu’elle a pris des formes successives sans cesse en progrès les unes sur les autres, passant de l'état simple et gazeux à l'état composé et solide, elle nous la montre au début dans un état de simplicité telle, qu’on ne saurait en concevoir une plus grande. Impossible de remonter plus loin que l’origine de la période évolutive. À ce moment du passé, qui pour être extrêmement reculé ne saurait, cependant être infini, la création s’impose. C’est l’instant où Dieu lança les atomes matériels dans l’espace en les soumettant à des lois qui en ont fait notre monde actuel. — Les expressions dont se sert l'écrivain sacré semblent indiquer qu’il avait sur l'état de la matière au sortir des mains du Créateur une idée conforme à celle de la science contemporaine. « La terre, nous dit-il, Gen., i, 2, était informe et vide. » (Septante : àôpaTo ; xoti ixaTauTsùauTOç, « invisible et sans consistance. » ) Ces mots peuvent s’appliquer à la nébuleuse primitive dont les éléments étaient tellement raréfiés, qu’elle le cédait en densité, nous dit-on, à l’air qui reste dans la machine pneumatique après qu’on y a fait le vide.

i"jour. — Il fut marqué par l’apparition de la lumière. Elle précéda ainsi de trois jours celle du soleil. Ce fait, loin d'être en contradiction avec la science, comme on l’a longtemps soutenu, dénote, au contraire, chez l'écrivain sacré une intuition extraordinaire, qui ne s’explique guère sans une révélation spéciale. Parler de lumière avant de signaler l’existence du foyer qui en est aujourd’hui l’unique source devait jadis sembler paradoxal, et un écrivain ordinaire n’y eût sans doute point songé. Il a fallu les progrès de la science moderne pour donner raison à l’auteur de la Genèse. On sait maintenant que le soleil n’a pas dû être le premier foyer de lumière qui ait éclairé la terre.

La géologie nous enseigne que longtemps après que la vie avait apparu sur le globe sous la forme de végétaux et d’animaux inférieurs, au moins jusqu'à la période car S75. — Mnotkerium (Crflne).

bonifère, notre planète était entourée d’une atmosphère opaque chargée d’acide carbonique, de matières gazeuses et de vapeurs d’eau, qu’une température élevée empêchait de se condenser totalement. Par suite de ces nuées perpétuelles, du reste très favorables à la végétation quand elles sont jointes à la chaleur et à l’humidité, les rayons lumineux émis par les astres étaient comme interceptés, et la terre ne percevait qu’une lumière diffuse. C’est seulement lorsque la température se fut quelque peu abaissée et que la merveilleuse végétation des temps carbonifères eut absorbé la plus grande partie du carbone dont l’atmosphère était saturée, que les humbles habitants de la terre purent apercevoir le disque solaire et les autres astres. Ce n’est donc pas sans raison que le récit sacré renvoie jusqu'à cette date, postérieure à la grande manifestation végétale du troisième jour ou de la période carbonifère, l’apparition du soleil, de la lune et des étoiles. Car, il ne faut pas l’oublier, l'écrivain sacré ne nous dit pas que ces astres furent créés en ce jour. Le mot >na, bârâ', qui signifie créer en hébreu, n’est employé par lui que dans de rares circonstances et toujours avec intention, par exemple pour l’apparition première de la matière. Le mot ici employé, rwy, 'âsâli, n’a évidemment point la même portée. Il signifie tout au plus faire, et nous n’avons point le droit d’en exagérer ni d’en altérer le sens. — Concluons de ce qui précède, d’une part, que le soleil ne fut point le premier foyer de lumière qui éclaira la terre ; d’autre part, que son disque ne fut visible que fort tard, longtemps sans doute après que déjà il remplissait son rôle actuel : double raison pour que l'écrivain sacré ait pu, ait dû même, en dépit des railleurs