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CORNE


peut servir de récipient. C’est ainsi qu’on met dans la corne l’huile qui sert à sacrer Saùl, I Reg., xvi, 1, 13, et ensuite Salomon. III Reg., i, 39. On utilisait les cornes des plus grands animaux pour porter de l’eau à boire. Cf. Buxtorf, Lexicon, Leipzig, 1869, p. 1059. Job appela sa troisième fille Qérén-happûk, « corne d’antimoine, » Job, xlii, 14, c’est-à-dire corne contenant l’antimoine. Voir Antimoine, 1. 1, col. 670. Les cornes destinées à conserver des substances plus précieuses étaient sans doute polies, ou même ornées de dessins et de ciselures. Eschyle, fragment 170, et Xénophon, Anabase, vii, 32, parlent de cornes servant de vases à boire.

3° Corne, instrument de musique. — Voir Corne 2.

4° Corne, dent d'éléphant. — Ézéchiel, xxvii, 15, appelle « cornes d’ivoire » (Vulgate : dénies eburneos) les défenses d'éléphant, parce qu’elles ont une forme analogue à celle des cornes de ruminants. Pline, H. N., xviii, 1, emploie la même expression.

5° Cornes, symboles de puissance. — Comme la corne est la grande arme offensive et défensive du ruminant, elle devient au figuré le symbole de la force et de la domination. Elle peut ainsi désigner : 1° la force et la prospérité matérielles. Moïse compare la puissance des fils de Joseph à la corne du re'êm (Vulgate : rhinocéros). Deut., xxxin, 17. Pour faire croire aux rois Josaphat et Achab qu’ils triompheront de la Syrie, le faux prophète Sédécias se met des cornes de fer, en leur disant qu’avec ces cornes, symboles de la force de leur armée, ils détruiraient les Syriens. III Reg., xxii, 11 ; II Par., xviii, 10. Cf. Deut., xxxiii, 17. Autrefois les femmes druses du mont Liban avaient l’habitude de porter une grande corne droite sur leur coiffure de fête. Ce même usage est encore en vigueur chez les Bédouines de la presqu'île sinaïtique. Jullien, Sinaï et Syrie, in-8°, Lille, 1893, p. 152. L’idée de force et de victoire sur les ennemis est fréquemment exprimée dans la Sainte Écriture sous le symbole de la corne. Ps. xliii, 6 ; lxxxviii, 18, 25 ; xci, 11 ; exi, 9 ; cxxxi, 17 i cxlviii, 14 ; Eccli., xlvii, 6, 8, 13 ; Jer., xlviii, 25 ; Lam., il, 3, 17 ; Ezech., xxix, 21 ; Mich., iv, 13 ; I Mach., vii, 46. Dans les auteurs profanes, l’idée de cornes implique aussi au figuré celle de force et de courage. Cf. Horace, Od., III, xv, 18. — 2° L’orgueil qui se fie à sa propre puissance. Ps. lxxiv, 5, 6, 11 ; Ezech., xxxii, 2 ; xxxiv, 21 ; Am., VI, 14 ; I Mach., ii, 48. — 3° La force spirituelle et le salut que Dieu communique à l’homme. La « corne du salut », c’est-à-dire la grâce divine qui fortifie et sauve, est ainsi mentionnée par Anne, mère de Samuel, I Reg., n, 1, 10 ; par David, II Reg., xxii, 3 ; Ps., xvii, 3, et par Zacharie, père de saint JeanBaptiste. Luc, i, 69.

6° Cornes dans les visions prophétiques. — Zacharie, Daniel et saint Jean voient dans leurs visions des animaux symboliques, munis de cornes plus ou moins nombreuses. Ces cornes sont encore ici des symboles de puissance, de même que dans les monuments figurés assyrochaldéens. Voir t. i, fig. 316, 317, col. 1154, 1155. Les quatre cornes que voit Zacharie désignent les puissances qui ont dispersé Israël et Juda. Zach., i, 18-21. Un animal à dix cornes apparaît à Daniel, vii, 7-24. Ces cornes figurent dix rois qui succèdent à Alexandre, ou plus probablement dix empereurs romains. Dans une autre vision, le prophète a devant lui un bélier à cornes inégales, désignant l’empire des Mèdes et des Perses ; ensuite un bouc qui a une grande corne remplacée d’abord par quatre autres, puis par une plus petite qui finit par devenir toute-puissante. Ce bouc figure l’empire des Grecs, et ces cornes représentent, la première Alexandre, les quatre suivantes les royautés de Thrace, de Macédoine, de Syrie et d’Egypte, enfin la plus petite Antiochus Épiphane. Dan., viii, 4-21. Dans l’Apocalypse, les cornes sont aussi l’emblème de la puissance. L’Agneau a sept cornes, Apoc, v, 6, symboles de son pouvoir souverain qui va s’exercer par une série de manifestations septennaires. Le dragon, Satan, a dix cornes, Apoc, XII, 3,

indiquant les différentes formes de sa puissance malfaisante. La bête, qui est l’Antéchrist, a aussi dix cornes, Apoc, xiii, 1, qui représentent dix rois. Apoc, xvii, 3, 7, 12. Enfin l’autre bête, qui est le faux prophète, n’a que deux cornes, Apoc, xiii, 11, signifiant peut-être son action sur l'àme et sur le corps.

7° Cornes de l’autel. — L’autel des holocaustes avait quatre cornes que l’on inondait avec le sang des victimes et qui, participant ainsi en quelque façon au pouvoir propitiatoire du sacrifice, rendaient inviolable le coupable qui les saisissait. Exod., xxvii, 2 ; xxix, 12 ; xxx, 2, 3, 10 ; Lev., iv, 7, 18, 30, 31 ; III Reg, i, 50, 51 ; Ps. cxvii, 27 ; Ezech., xliii, 15, 20, etc. Voir Ariel 6, t. i, col. 957 ; Autel, 1. 1, col. 1268, et fig. 369, col. 1269. La signification symbolique de ces cornes ressort du sens général qui est attaché au mot « cornes » dans la Sainte Ecriture. Elles symbolisent les perfections divines et tous les pouvoirs dominateurs et bienfaisants de la divinité. Cf. Bàhr, Symbolik des mosaischen Cullus, Heidelberg, 1837, t. I, p. 472. Les Juifs regardaient comme impropre aux usages du culte un autel dépourvu de ses cornes. Succa, ꝟ. 49 a ; Sebouhot, ꝟ. 62 a.

8° Cornes, sommets de montagnes. — Par métonymie, les auteurs sacrés donnent le nom de cornes à des objets qui en rappellent la forme. Isaïe, v, 1, appelle une colline : « la corne du fils de l’huile, » c’est-à-dire tout simplement une petite élévation dont le sol est gras et fertile. Un bon nombre de pics montagneux dans tous les pays prennent le nom de « cornes ». En Palestine, il y a Karn Hattîn, les cornes d’Hattin, ou montagne des Béatitudes, à six kilomètres à l’ouest du lac de Génésareth, et Karn Sarfabe, montagne à deux pointes à l’ouest du Jourdain, à une trentaine de kilomètres au nord de Jéricho. Le mot xépa ; est employé dans le même sens par Xénophon, Anabase, 5, 6, 7 ; Lycophron, 534 ; Philostrate, édit. 1870, p. 09.

9° Cornes, rayons de lumière. — Le verbe qâran signifie « rayonner ». Gesenius, Thésaurus linguse hebreese, Leipzig, 1853, p. 1238. Les qarnaylm sont les rayons de la foudre. Hab., iii, 4. Quand Moïse descendit du Sinaï, sa face « rayonnait », qâran. Exod., xxxiv, 29, 30, 35. Septante : SeSoÇaaTat, « fut glorieuse. » Saint Paul parle aussi de « la gloire du visage » de Moïse. II Cor., iii, 7. Aquila et la Vulgate traduisent donc trop servilement par « était cornue ». Les rabbins, en expliquant le titre du Psaume xxii (hébreu), « Sur la biche du matin, » comparent l’aurore à deux « cornes de lumière ». Berachoth, ꝟ. 2, 3.

10° Cornes d’une armée. — Chez les Grecs et les Romains, on donnait le nom de « cornes » aux ailes d’une armée. C’est en ce sens que le mot est employé I Mach.,

ix, 1, 12, 16.

H. Lesêtre.

2. CORNE (hébreu : qérén), instrument de musique. Ce mot, dans plusieurs passages de l'Écriture, désigne un instrument de forme courbe, du genre des trompettes, qui avait été fait, au moins primitivement, avec une corne d’animal. Il semble n'être dans ce sens qu’un synonyme de sôfâr. La version des Septante traduit en effet indifféremment ces deux termes par xepa-u’v » ], criXiriyÇ et cràXT.'.-r^ xEpaxivïj. Saint Jérôme, In Ose., v, 8, t. xxv, col. 861, dit que la trompette de corne de forme recourbée, dont se servent les bergers, est proprement celle que l’on appelle en hébreu sôfâr, en grec xspats’vï ; . Au reste, les deux termes hébreux sont mis l’un pour l’autre, non seulement dans les passages parallèles, mais encore dans un même verset (voir, par exemple, Jos., vi, 5), où ils ne paraissent pas signifier deux instruments de forme et de matières différentes. Conséquemment, nous les appliquons ensemble à la désignation de la trompette courbe qui fut en usage dans l’antiquité asiatique.

La trompe primitive était formée simplement d’une corne d’animal. Plus tard, on donna le nom de corne