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CORBEAU


d’animaux, de détritus de toutes sortes, d’insectes, de vers et de larves qu’il déterre et même de grains qu’il dérobe dans les sillons après les semailles. Cet oiseau est le plus répandu de tous à travers le monde. On le rencontre de l’Islande au Japon, dans toute l’Asie et dans le nord de l’Afrique. Le corbeau du continent américain diffère très peu du nôtre, si bien qu’on l’a souvent regardé comme identique.

I. Les corbeaux dé Palestine. — On trouve en Palestine huit espèces de corbeaux : le corvus corax, corbeau commun ou grand corbeau, qui vit par troupes en hiver et abonde autour de la mosquée d’Omar ; le corvus umbrinus, ou corbeau à gorge brune, commun à Jérusalem et dans la vallée du Jourdain et parfois solitaire dans les rochers ; le corvus af finis, à queue carrée, le plus petit corbeau connu et ne se rencontrant qu’auprès de la . mer Morte ; le corvus cornxx ou corneille, voir Corneille ; le corvus agricola ou freux, à la tête d’un vert presque noir, au bec droit et effilé, à la taille longue de cinquante centimètres, habitant les ruines et les rocs en certains districts de Palestine, surtout autour de Jérusalem et de Naplouse ; le corvus monedula et collaris, le choucas ou corneille de clocher, le kak des Arabes, qui a le même habitat que le précédent ; le pyrrhocorax alpinus, le choquard ou choucas des Alpes, qui ne se trouve que dans les plus hautes montagnes et fréquente quelques parties de l’Hermon et du Liban ; enfin le garrulus atricapillus, qui ne diffère pas beaucoup du geai d’Europe, autre corvidé voisin des corbeaux ; il réside dans les bosquets d’oliviers, du Liban à l’Hermon, et dans quelques forêts de Galaad et de Basan. À Jérusalem, ce sont les corbeaux qui l’emportent de beaucoup en nombre sur tous les autres oiseaux. Ils partagent d’ailleurs avec les chiens et les chacals le soin de la voirie dans tous les environs. Ils font grand tapage avec leurs cris discordants, surtout lorsque le soir ils se préparent à choisir leur gîte pour la nuit. Les freux, les choucas et les grands corbeaux réunis déchirent l’air par leurs croassements lugubres. Mais au-dessus de leurs cris s’élève la voix plus claire et moins disgracieuse des corbeaux à gorge brune, plus petits, mais plus nombreux. Les oiseaux semblent tenir un bruyant conseil dans les arbres du mont des Oliviers et de la vallée du Cédron. Mais, après le coucher du soleil, ils battent en retraite en silence et partagent indistinctement tous les perchoirs qu’ils peuvent trouver autour des sanctuaires bâtis sur remplacement ds l’ancien Temple. Chaque matin, au point du jour, ils s’envolent en longues files vers le nord. Les freux forment alors une solide phalange qui ouvre la voie, et les corbeaux composent l’arrière-garde, mais en rangs moins serrés. Ces oiseaux se retrouvent en troupes nombreuses dans un bon nombre de vallées sauvages et au sud de la mer Morte, auprès de l’ancienne forteresse de Massada. Les corbeaux sont sédentaires et n’émigrent pas du pays qui les a vus naître. Trislram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 198-201 ; Fauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 74 ; Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 439-448.

IL Les corbeaux dans la Bible. — Le nom de’ôrêb désigne certainement toutes les variétés de corbeaux et même de corvidés, pies, geais, etc., qui vivaient autrefois en Palestine. Moïse parle, en effet, de « tout corbeau selon son espèce », c’est-à-dire de toutes les espèces d’oiseaux auxquels convient le terme générique de’ôrêb. Lev., xi, 15 ; Deul., xiv, 14. Les Livres Saints mentionnent plusieurs fois ces animaux, à raison de leur caractère, de leurs mœurs ou du rôle qui leur est dévolu. — 1° Le corbeau de l’arche. Le corbeau est le premier oiseau nommé dans la Bible. Le quarantième jour après le commencement du dixième mois, Noé fit sortir un corbeau par la fenêtre de l’arche ; mais celui-ci ne revint pas. Il avait trouvé à se nourrir abondamment avec les cadavres qui flottaient sur les eaux, et s’était réfugié sur

les sommets déjà abandonnés par l’inondation. Gen., viii, 5-7. Noé pouvait conclure de ce départ définitif de l’oiseau que les eaux ne recouvraient déjà plus toute la surface de la terre. Dans le récit chaldéen du déluge, col. 111, lign. 140-152, Samasnapishtin raconte aussi qu’il lâcha successivement une colombe et une hirondelle, qui revinrent toutes deux ; puis il ajoute, lign. 153-155 : « Je fis sortir un corbeau, je le lâchai ; le corbeau alla, et le décroissement des eaux il vit, et il s’approcha, il pataugea ( ?), il croassa, et ne revint pas. » Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit, 1896, t. i, p. 320.

— 2° Le corbeau animal impur. La loi mosaïque range le corbeau parmi les animaux qu’il n’est pas permis de manger. Lev., xi, 15- ; Deuf., xiv, 14. Cet oiseau, surtout le grand corbeau, se nourrit de chairs pourries qui lui communiquent à lui-même une odeur fétide et le rendent impropre à servir de nourriture. Les freux et les choucas, dont l’alimentation diffère, constituent un gibier moins répugnant. Mais la prohibition visait toutes les espèces, sans doute à cause de la difficulté de les distinguer. — 3° Séjour des corbeaux. Isaïe, xxxiv, 11, nomme le corbeau parmi les animaux sauvages qui habiteront les ruines de l’idumée dévastée. Cet oiseau, à l’état sauvage, s’envole toujours à l’approche de l’homme ; il se rencontre dans les régions les plus désolées de la Palestine. — D’après les Septante et la Vulgate, Soph., ii, 14, le corbeau crie aussi sur les portes de l’Assyrie ruinée. Mais, au lieu de’ôrêb, l’hébreu actuel lit en cet endroit horéb, « sécheresse » et « dévastation ». Aquila a lu héréb, « glaive. » Si l’on tient compte du parallélisme, c’est la leçon représentée par les Septante et la Vulgate qui doit être préférée. On a alors : « La voix [des oiseaux] chantera à la fenêtre, et le corbeau sur le seuil. » — 4° Leur couleur. L’époux du Cantique, v, 11, a les cheveux « noirs comme le corbeau ». La couleur noire et soyeuse d’une chevelure ressemblant au plumage du corbeau a toujours été fort estimée en Orient. Cf. Rosenmûller, Canticum, Leipzig, 1830, p. 383. — 5° Leur nourriture. On lit dans Job, xxxviii, 41 :

Qui prépare sa nourriture au corbeau

Et à ses petits qui crient vers Dieu, Quand ils errent sans pâture ?

Au Psaume cxlvi (cxlvii), 9 :

II donne leur pâture aux animaux,

Aux petits du corbeau qui crient vers lui.

Enfin NotreSeigneur dit lui-même : « Considérez les corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent et n’ont ni cellier ni grenier ; c’est Dieu qui les nourrit. » Luc., xii, 24. Pour expliquer ces textes, il n’est pas nécessaire de faire appel à cette opinion des anciens, qui croyaient les jeunes corbeaux abandonnés par leurs parents aussitôt après leur naissance. Aristote, Hist. anim., vi, C ; ix, 31, édit. Didot, 1854, t. iii, p. 109, 187 ; Elien, Hist. anim., ii, 49 ; Pline, H. N., x, 15. Au Psaume ciii, 21, il est parlé dans les mêmes termes des lionceaux, et ce que NotreSeigneur dit, des corbeaux, il le dit aussi des oiseaux en général. Matth., vj, 26. Les petits des corbeaux sont cités ici à cause de leur voracité particulière et de leurs cris continuels. Dieu pourvoit à leur nourriture, soit par l’intermédiaire de leurs parents, soit en leur faisant trouver, comme aux autres oiseaux, les aliments nécessaires quand ils peuvent sortir du nid. L’exemple choisi pour manifester l’action de la Providence était d’autant plus topique, que les exigences et l’impatience des jeunes corbeaux sont plus marquées et que le nombre de ces oiseaux est plus considérable. — Les yeux des autres animaux, vivants ou morts, constituent pour le grand corbeau un mets de choix. Buffon, Œuvres complètes, Paris, 1845, t. v, p. 411, dit qu’en certains pays cet oiseau vorace se pose sur le dos des