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COPTES (VERSIONS) DE LA BIBLE


est dans la rapide diffusion du christianisme en Egypte aux temps apostoliques. Ce pays fut, en effet, un des premiers à recevoir la Bonne Nouvelle. Elle y fut apportée, probablement avant l’arrivée de saint Marc, par les Juifs qui se trouvaient à Jérusalem lors de la première Pentecôte. Ces nouveaux chrétiens, qui étaient des Juifs hellénisants, se servant de la langue grecque, n’éprouvèrent sans doute pas le besoin de traduire les Écritures en langue copte. Quoi qu’il en soit, la nouvelle religion se répandit rapidement parmi les indigènes dès l’arrivée de saint Marc (Tillemont, Mémoires… Hist. eccl., saint Marc), ou plus probablement en 40 (Du Sollier, Bolland., Act. sanct., junii t. vii, p. 12*44*). À sa mort, c’est-à-dire en 62 (du Sollier, ibid., p. 5*-6*), ou au plus tard en 68 (Tillemont, ibid.), l’Egypte, suivant l’opinion de la plupart des savants, comptait déjà plusieurs évêques. (Du Sollier, ibid., p. 9*- 10*.) Le christianisme était donc déjà fortement implanté dans ce pays.

Bien d’ailleurs, pendant les cent cinquante ans qui suivirent la mort de saint Marc, ne vint entraver les progrès de la religion chrétienne en Egypte, et c’est sans doute aux puissantes racines que la foi poussa alors dans ce pays qu’il faut attribuer la vigueur avec laquelle il résista plus tard aux persécutions et à un ennemi plus redoutable encore, l’hérésie. Neale, The history of the holy Eastern Church, Patriarchate of Al’exandria, t. i, p. 12. L’histoire des persécutions de Sévère, en 189 ; de Dèce, en 247 ; du schisme de Novat et de l’hérésie de Sabellius (260), montre qu’à ces diverses époques le christianisme était très répandu dans la vallée du Nil. Et la persécution de Dioclétien prouve trop clairement que l’Egypte, à la fin du IIIe siècle, était universellement et profondément chrétienne. Il y avait des évêques partout, et le monachisme, inauguré par saint Antoine, croissait avec une rapidité surprenante.

On ne peut pas conclure de cela que dès la fin du 1 er siècle l’Écriture Sainte ait été traduite en langue égyptienne. Les premiers évangélisateurs de l’Egypte, comme ceux de l’Arménie et d’autres contrées, se sont probablement contentés d’expliquer dans la langue du pays le texte grec de la Bible. Le grec est resté pendant plusieurs siècles la langue sacrée (liturgique et scripturaire) de l’Egypte, comme on peut le conclure de nombreux fragments manuscrits gréco-coptes, liturgiques ou bibliques, qui nous sont parvenus. Il est pourtant fart probable que des versions égyptiennes durent être faites dans le courant du ne siècle, le christianisme étant alors suffisamment répandu pour que l’ancienne population égyptienne ait formé la masse des fidèles et du clergé. Cette probabilité se change en certitude pour le IIIe siècle. L’histoire ecclésiastique nous apprend que les Saintes Écritures étaient alors excessivement répandues chez les chrétiens d’Egypte, dont la grande majorité, appartenant aux classes les moins instruites, ignoraient complètement le grec. Plusieurs passages de la vie de saint Antoine (Patr. gr., t. xxvi, col. 841, 944 et suiv.) prouvent d’une façon certaine que ce saint ermite ne connaissait d’autre langue que l’égyptien, et pourtant ce fut en entendant lire l’évangile à l’église qu’il se décida à la vie monastique. Saint Athanase prétend que ce saint possédait à fond les Saintes Écritures, assertion que confirment les nombreuses citations de l’Ancien et du Nouveau Testament que l’on rencontre dans les quelques écrits que saint Antoine nous a laissés. [Pair, gr., t. XL, col. 953-1102.)

L’histoire nous montre à la même époque un nombre considérable de personnages distingués, évêques ou abbés, qui étaient très versés dans les Saintes Ecritures, et qui pourtant, comme saint Antoine, ignoraient le grec. La langue des églises et des monastères était la langue égyptienne. Saint Pacôme lui-même (292-318) n’avait appris le grec que dans un âge relativement avancé (Bosweyde). Nous voyons pourtant par sa règle monastique, que saint Jérôme nous a conservée (Patr. lat., t, xxui,

col. 70), que l’étude de l’Écriture Sainte était une des principales occupations de ses moines. Les postulants devaient apprendre les Psaumes avant d’être admis dans le monastère, et les religieux les plus ignorants devaient savoir par cœur le Psautier et le Nouveau Testament. Aussi saint Épiphane, Advenus Hieracitas, t. xlii, col. 171, nous dit-il que Hierax, hérétique égyptien, très versé dans les deux langues, grecque et copte, et possédant à fond l’Ancien et le Nouveau Testament, avait séduit les moines égyptiens par ses arguments tirés de l’Écriture Sainte. C’est, croyons-nous, plus qu’il n’en faut pour nous autoriser à conclure que la Bible avait été traduite en langue égyptienne vers la fin du IIe siècle au plus tard.

Les objections peu sérieuses de Wetzstein contre l’antiquité des versions coptes ont été résolues d’une manière suffisante parWoïde, Appendix, p. [140]. M. Headlam (Scrivener, À plain Introduction, t. ii, p. 126) a répondu à celles que M. Stern avait formulées dans son Ueberselzung der Proverbia (Zeitschrift, 1882, p. 202). Quant aux objections de M. Ignace Guidi, Le traduzioni dal copto, Gœttingue, 1889, elles sont d’un caractère purement négatif et trouvent aisément leur réponse : 1° dans la constatation de la haute antiquité du dialecte bohaïrique, que M. Krall a mise en lumière (Mittheilungen, i, p. 41) ; 2° dans la judicieuse distinction que ce même savant a établie (ibid., h-hi, p. 45) entre la littérature officielle et la littérature d’un caractère privé comme la littérature religieuse. — On pourrait, à notre avis, tirer une objection plus forte des fragments bilingues liturgiques et bibliques qui nous sont parvenus, et qui en règle générale ne sauraient être antérieurs au vie ou au vu 8 siècle. On serait tenté d’en conclure qu’à cette époque le grec était encore la langue officielle de l’Église, et que par conséquent on ne saurait faire remonter au IIe ou au m 8 siècle l’existence des versions coptes. Mais pourquoi ne se serait-il pas passé pour la version copte ce qui se passa plus tard pour les versions arabes ? Cf. t. i, col. 853. Pourquoi n’aurait-elle pas existé, pour l’usage des fidèles, à côté de la version grecque, qui aurait été seule pendant plusieurs siècles la version officielle et, pour ainsi dire, canoniquement reconnue, jusqu’à ce que celle-ci lui cédât cette qualité pour être définitivement écartée ? Ne serait-ce pas d’ailleurs la meilleure manière d’expliquer la coexistence de plusieurs versions en dialectes si semblables que ceux du Fayoum et de la Moyenne Egypte ? Ces versions n’auraient été que des traductions à l’usage du vulgaire, indépendantes de la version canonique, mais fort anciennes néanmoins, et non moins intéressantes que la version grecque, comme nous allons le voir.

V. Nature et importance des versions coptes. — Un simple coup d’œil suffit pour se convaincre que les versions coptes ont été faites sur les Septante pour l’Ancien Testament, et sur le grec pour le Nouveau Testament ; il faut excepter toutefois Daniel, pour qui on a substitué la version de Théodotion à celle des Septante. Non seulement la version bohaïrique est indépendante de la sahidique, mais ces deux versions paraissent avoir été faites sur des exemplaires grecs de recensions différentes ; bien plus, on croirait parfois que dans le même dialecte plusieurs recensions ont été en usage concurremment. On comprendra par là qu’il est difficile, qu’il serait même téméraire, de se prononcer définitivement sur la valeur critique des versions coptes avant que nous en ayons des éditions correctes. Nous essayerons néanmoins de résumer les résultats probables auxquels on est déjà arrivé. — Disons d’abord d’une manière générale que les versions coptes fourmillent de mots grecs ; beaucoup d’entre eux ont été incorporés, à une époque très reculée, à la langue copte, soit qu’ils suppléassent heureusement à une lacune dans la structure de la langue, comme les particules à).>â, Se, yip, o-3v, ivv, où&ê, elc, ou qu’ils parussent plus propres à exprimer certaines idées philosophiques ou théologiques que leurs équiva-