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COLOSSES — COLOSSIENS (ÊPITRE AUX)


hommes méchants sont peut-être la personnification légendaire de pétrifications croissantes de l’Ak-Su, qui dirigèrent insensiblement vers le petit oratoire les eaux du lleuve cristallisant. Celui-ci se heurtant à la chapelle, qu’il envahit, forma bientôt une sorte de pont naturel ou plateforme, sous laquelle le Lycus se précipitait comme dans un gouffre, laissant croire que saint Michel avait englouti dans l’abîme ses audacieux ennemis.

Quoi qu’il en soit du récit du meunier, nous constatons que le culte de l’archange Michel fut ici très répandu, car voilà la seconde église qu’on nous montre consacrée dans le pays à l’Archégète ouTaxiarque, chef de la milice sacrée. Ceci nous rappelle que Théodoret, t. iii, col. 490, à propos d’un concile de Laodicée (voir Synode de Laodicée, dans Hefelé, Histoire des conciles, t. ii, p. 156 de la traduction française) condamnant l’adoration des anges, observe que saint Michel compta toujours de nombreux sanctuaires dans le pays. Si on en juge par les capricieuses évolutions de l’Ak-Su sur le plateau où il coule, et où il a élevé les murs les plus bizarres et multiplié les avancements de terrain les plus surprenants, on n’aura pas de peine à expliquer, par ses invasions sur le Tchoruk-Tchai, non pas seulement le récit légendaire du meunier, mais le fameux -/âcjjjLa yr^, ou abîme souterrain, dont parle Hérodote, vii, 30, sous lequel le Lycus s’engouffrait près de Colosses, disparaissant pendant près d’un kilomètre, au grand étonnement des anciens. Le Lycus est, en effet, à cet endroit très encaissé, et quand on a vu les prodigieuses stratifications que produisent les eaux incrustantes de la contrée, à Hiérapolis, par exemple, rien n’est plus aisé que d’imaginer le pont immense qu’elles avaient pu former sur le fleuve où elles se précipitaient. Sur les deux rives, M. Vigouroux m’a fait observer comme des amorces de ces gigantesques pétrifications. Le dire d’Hérodote, confirmé par Strabon et Pline, sur le long tunnel couvrant le cours du Lycus près de Colosses, nous a donc paru d’autant plus fondé, que la nécropole de la ville, sur la rive droite du fleuve, au nord par conséquent des deux collines où fut l’antique cité, se trouve elle-même creusée dans de vastes couches de concrétions produites par les eaux pétrifiantes.

Du point culminant de cette nécropole, qui monte en pente douce vers le plateau où passé la route actuelle de Denizli à Tchallova, on se rend un compté exact de l’importance stratégique de Colosses, si heureusement située sur la route allant vers l’Euphrate. Xénophon, Anab., i, 2, 6, dit que Cyrus, venant de Sardes, par Philadelphie et Tripolis, la trouva à huit parasanges (quarante-huit kilomètres) du Méandre, qu’il passa près de la station actuelle du Sérakevi. C’est exact comme distance. Il y resta sept jours comme en un lieu fortifié et bien pourvu, où son armée pouvait se refaire. De là, en trois étapes, il atteignit Célène, Diner actuelle, à vingt parasanges, soit cent vingt kilomètres de Colosses, ce qui se trouve encore rigoureusement vrai. La vallée que commandait Colosses est des plus riantes et des plus fertiles. La ville, bâtie en amphithéâtre sur la double colline qui, vue du nord, semble former une hémisphère aplatie, devait présenter un aspect très gracieux. Les rues montantes, contournant en lacets réguliers toute la hauteur, se devinent encore à travers la verdure qui couvre le mamelon isolé. Au fond du tableau, le Cadmus dresse sa tête couronnée de neiges étincelantes. De Colosses, on apercevait Laodicée et Hiérapolis, les villes sœurs où Épaphras avait prêché l’Évangile, et dont les communautés formaient, avec celle de Colosses, un groupe très connu dans l’histoire de nos origines chrétiennes, sous le nom d’Églises du Lycus.

Il y a peu de voyageurs qui aient exploré les ruines de Colosses, aujourd’hui pourtant très aisément abordables. W. J. Hamilton, Besearches iii, Asia Minor, 2 in-8°, Londres, 1842, t. i, p. 507-514, est le seul auteur qui donne quelque idée du site de Colosses. F.V. J. Arundell,

DICT. DE IA BIBLE.

A visit to the seven Churches in Asia, in-8°, Londres, 1828 ; Id., Discoveries in Asia Minor, 2 in-8°, Londres, 1834, t. ii, p. 163-179, l’avait très mal visité ; il confond Colosses avec Chonas. Voir aussi H. B. Tristram, The seven Churches of Asia, the resuit of txoo y cars explorations, in-4°, Londres, 1868 ; W. M. Ramsay, The Bistorical Geography of Asia Minor, in-8°, Londres, 1890, p. 61, 80, 135, 429 ; Fr. A. Heule, Kolossû, in-8°, Munich, 1887, p. 1-37 ; notre Voyage aux sept Eglises, et une note intéressante de M. G. Weber, de Smyrne : Der Unterirdische Lauf des Lykos bei Kolossai, dans le Jahrbuch des kaiserlichen deutschen archâologischen Instituts, in-4°, Berlin, 1891, xvi. E. Le Camus.

    1. COLOSSIENS##

COLOSSIENS (ÉPÎTRE AUX). Elle porte dans les manuscrits des titres divers : irpoç KoXouo-aetç ou 7rpo ; KoXaffuæic ; c’est la forme la plus ancienne. Pour le détail de l’appareil critique, voir C. Tischendorf, Novum Testamentum grsece recensuit, editio octava major, t. ii, p. 726.

I. Destinataires, occasion et eut de l’ÉpItre. — L’Église de Colosses n’avait pas été fondée par saint Paul, Col., ii, 1, mais par Épaphras, I, 7, originaire de cette ville, iv, 12. Celui-ci, probablement disciple de l’Apôtre à Éphèse, avait enseigné aux Colossiens les doctrines pauliniennes, i, 6, 7, 23 ; ii, 5, 7 ; iii, 7. Venu à Rome, peut-être pour rendre compte à Paul de l’état des esprits à Colosses, il donna à celui-ci bon témoignage de la foi des Colossiens ; mais en même temps il signala les tendances pernicieuses, tout à la fois dogmatiques et morales, qui se faisaient jour dans la jeune communauté. Pour connaître celles-ci, il faut prendre le contre-pied des enseignements de saint Paul dans son Épitre.

Le point de départ des erreurs enseignées à Colosses était que Dieu, absolument transcendant au monde, entrait en communication avec celui-ci par une série d’êtres célestes, qui étaient les agents de la création, i, 16, l’image du Dieu invisible, i, 15, les chefs de la création, ii, 10, 15, possédaient la plénitude de Dieu, i, 19, et par conséquent devaient être adorés, ii, 18. De ces principes découlait, comme conséquence pratique, qu’il fallait se détacher absolument de la matière par l’ahstinence du vin et de la viande, ii, 16 ; par la mortification du corps, ii, 23 ; par la circoncision, ii, 11, et par l’observation rigoureuse des fêtes, des nouvelles lunes, des sabbats, ii, 16. À quelle secte de l’antiquité chrétienne faut - il rattacher cette hérésie colossienne ? Les hypothèses ont été nombreuses. Les hérétiques de Colosses, a-t-on dit, étaient des philosophes (Tertullien, Euthalius), des épicuriens (Clément d’Alexandrie), des pythagoriciens (Grotius), des philosophes chaldéens (Hug), des chrétiens disciples de Jean-Baptiste (ICopp), des disciples d’Apollos (Michælis), des Esséniens chrétiens (Klôpper, Mangold), des judéochrétiens, esséniens (Thiersch, Credner, Ewald, Ritschl, Salmon et surtout Lightfoot, Epistle to the Colossians, p. 71-111) ou cabbalistes (Osiander) ou alexandrins (Schenkel), des gnostiques cérinthiens (Mayerhoff, Neander), des ébionistes gnostiques (Baur, Lipsius, Sabatier, Davidson, Blom, Pfleiderer, Schmiedel). Reuss croit que les faux docteurs de Colosses se rattachaient les uns aux Esséniens, les autres aux Alexandrins. Oltramare, Commentaires sur les Épltres de saint Paul aux Colossiens, aux Éphésiens et à Philémon, in-8°, Paris, 1891, t. i, p. 58, résume ainsi l’hérésie colossienne : « Des docteurs de Colosses, professant des doctrines théosophiques transcendantes, puisées dans les élucubrations de la raison humaine (çiXoo-oipîa, ii, 8), ainsi que des principes de sanctification empruntés aux rudiments de ce monde (il, 8), prétendent par leurs spéculations philosophiques et par leur ascétisme conduire les chrétiens à la connaissance de Dieu et à la perfection. Ils se vantent (9’jo-io’jlievo ; , ii, 18) d’une science théologique supérieure et d’une sainteté en dehors du Christ (oO xati XpiuTiv, ii, 8). Ne tenant pas ferme à celui qui est la tête, le chef de l’Église

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