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COLONNES DU TEMPLE DE JÉRUSALEM


était le motif d’ornement le plus commun en Egypte, et la plupart des colonnes en particulier s’épanouissaient à leur sommet en fleur de lotus, comme dans celle que nous reproduisons fig. 322. Cf. V. Loret, Flore pharaonique, 2e édit., p. 112. — MM. Perrot et Chipiez ont donné dans l’Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iv, p. 316-321, pi. vi et vii, et dans le Temple de Jérusalem, in-f°, Paris, 1889, p. 65-67, pi. vu et ix, une restitution du chapiteau des colonnes du Temple qui paraît trop donner à l’arbitraire et manquer de la simplicité et du naturel caractéristique des monuments anciens. Sur hût, voir Fil, col. 2243.

II. Noms des colonnes. — Chacune des deux colonnes eut son nom propre. « [Hiram], dit l’auteur sacré, érigea la colonne de droite et il l’appela Jachin (Yâkîn), et il érigea la colonne de gauche et il l’appela Booz (Bô’az).D III Reg., vii, 21. — Jachin apparaît comme nom d’homme dans divers livres de l’Écriture, Gen., xlvi, 10 ; I Par., xxiv, 17 ; il signifie : « [Que Dieu] fortifie ou affermisse. »

— Booz est aussi un nom d’homme, celui d’un ancêtre de David. Ruth, ii, 1. Sa signification est incertaine. D’après les uns, ce mot veut dire « vif, agile » ; mais comme ce sens ne peut s’appliquer à une colonne, ceux qui l’admettent supposent qu’elle reçut ce nom parce que c’était celui de l’ancêtre de David (Targum de II Par., m, 17) ou bien celui d’un des aides d’Hiram ou du donateur. Mûhlau et Volck, Gesenius’hebràisches Handwôrterbuch, 8e édit., 1878, p. 121. D’après d’autres, l’hébreu bô’az doit se décomposer en be et’ôz, « dans la force, » ou « en lui [Jéhovah] est la force ». — Plusieurs auteurs modernes ont supposé qu’il y avait une phrase entière dans les deux mots yâkîn et bô’az : « Que [la colonne] se tienne avec force » ou soit stable et solide. Perrot, Histoire de l’art, t. iv, p. 314. Rien ne prouve que les deux mots, placés sur deux colonnes différentes, formassent une inscription. Cette interprétation est même contraire au texte. Nous savons d’ailleurs par d’autres exemples qu’on avait coutume de donner des noms particuliers à des objets analogues. Moïse, après la victoire remportée sur Amalec, donne aussi un nom à l’autel qu’il élève en actions de grâces et l’appelle Yehôvdh nissî (Dominus exaltatio mea, traduit la Vulgate). Voir aussi Jud., vi, 24.

III. Emplacement des colonnes. — Les archéologues ne s’entendent point sur la nature et la position des deux colonnes. D’après M. le comte de Vogué, Le Temple de Jérusalem, in-f », Paris, 1864, p. 29, cf. p. 34, elles faisaient partie du portique et supportaient l’architrave. La preuve en est, dit-il, que ces colonnes étaient terminées par des chapiteaux et qu’elles devaient avoir par conséquent un entablement à porter. D’autres savants pensent que Jachin et Booz étaient isolées devant le portique, comme les obélisques des temples égyptiens, suivant la disposition de la mosaïque célèbre de Palestrine. Zoega, De origine et usu obeliscorum, in-f", Rome, 1797, p. 151-154. Le Temple ayant été construit par. un architecte phénicien, cet architecte dut imiter dans une certaine mesure les temples de sa patrie, qui ressemblaient en beaucoup de points aux temples égyptiens et dont les principaux en particulier, comme celui de Baalsamin, à Tyr, se distinguaient par deux colonnes sacrées et symboliques. Movers, Die Phônizier, t. i, p. 292-299, 393. On peut donc admettre que les deux colonnes, malgré leurs chapiteaux, étaient isolées et ne supportaient rien. Apion, dans un passage obscur et fort controversé, que nous a conservé Josèphe, Cont. Apion., ii, 2, édit. Didot, t. ii, p. 368, dit que Moïse « substitua des colonnes aux obélisques », àvti Se ô6eÂûv ïarraz xcovaç. Quoi qu’il en soit de la véritable signification et de l’exactitude de ces paroles, il est certain que les colonnes n’avaient pas la forme des obélisques ; mais il ne s’ensuit pas qu’elles supportaient une partie de l’édifice. On peut alléguer en faveur de l’isolement de Jachin et de Booz un fond de verre juif trouvé dans un cimetière de Rome et publié

par J. B. de Rossi (fig. 322, au milieu). On y voit deux colonnes isolées, placées à droite et à gauche du Temple, et qui « ne cadrent nullement avec le type ordinaire des temples grécoromains, dit M. de Rossi. C’est une particularité caractéristique…, et j’estime qu’il y a là une réminiscence de la réalité, sauf les erreurs et les impropriétés d’une perspective aussi grossière et d’un dessin à peine ébauché. Je crois que, pour dégager la perspective du Temple, le dessinateur a écarté les deux colonnes, qui auraient dû être marquées devant la façade, auprès des degrés, comme les obélisques devant les pylônes des temples égyptiens… Ézéchiel, xl, 48-49, entré dans le vestibule, les place devant les antes [ d’après M. de Vogué]. Cependant, en suivant la vision du prophète, on voit qu’après avoir mesuré le vestibule, il compte les gradins par lesquels on y montait, et qu’il mentionne ensuite les deux colonnes situées en avant, l’une à gauche, l’autre à droite. Cette description me paraît convenir à des colonnes monumentales isolées, situées auprès de l’escalier du vestibule, comme les obélisques devant les temples égyptiens ; déjà d’autres savants les avaient supposées isolées comme nous les montre cet ancien verre. (De Saulcy, Histoire de l’art judaïque, 2 8 édit., 1864, plan du Temple de Salomon, K, L ; [cardinal ] Bartolini, SuW anlico Tempio di Salomonee sull’antica grotta in Betlemme, Roma, 1868, pi. m.) Ces colonnes étaient creuses ; les chapiteaux se terminaient en forme de lis ; des colonnes semblables, sans architraves à supporter, mais soutenant des canthares d’argent, furent placées par Constantin, à Jérusalem même, autour de l’hémicycle par lequel se terminait la basilique du Saint -Sépulcre décrite par Eusèbe, Vit. Constantini, m, 38. Il y en avait aussi à Rome, dans la basilique constantinienne du Latran ; elles étaient au nombre de quatre, en bronze doré, dans l’abside, et supportaient des lampes… (Descriptio sancluarii Ecclesise romanx, ms. Vat. Reg. 712.) Je ne dis pas que sur celles de Jérusalem il y eût des lampes au-dessus des chapiteaux terminés en forme de lis ; bien que, dans l’art chrétien et dans la liturgie chrétienne, le terme de lilia ait désigné des chapiteaux et des candélabres. » J. B. de Rossi, Verre représentant le Temple de Jérusalem, in-4°, Gènes, 1883, p. 7-8.

L’isolement des deux colonnes devant le vestibule du Temple est d’autant plus probable, que le second livre des Paralipomènes, iii, 15, 17, porte, d’après la traduction la plus naturelle : « [Hiram] fit devant (lifnê] le Temple (hab-bayît) deux colonnes [ante fores templi, traduit la Vulgate)… Et il plaça les colonnes devant (’al penê) le Temple (ha-hêkâl). » Ce n’est que par une interprétation peu naturelle que les commentateurs, avec l’idée préconçue que les colonnes supportaient quelque chose, ont traduit qu’elles étaient placées dans le vestibule même. Le texte de 1.(111) Reg., vii, 21, ne dit pas que les colonnes étaient devant, mais il ne dit pas non plus qu’elles étaient be, dans le vestibule ; il a l’expression vague le’uldm, « à » ou « pour le vestibule. » Remarquons enfin que deux colonnes seules se comprennent mieux isolées qu’encastrées dans le portique.

IV. Histoire des colonnes. — Les deux colonnes furent coulées par parties dans la terre argileuse de la vallée du Jourdain, entre Sochoth et Sârthan, I (III) Reg., vu, 46, avec du bronze provenant des victoires de David sur Adarézer, roi de Soba. I Par., xviii, 7-8. Leurs dimensions étaient trop considérables pour qu’il fût possible de les couler d’une seule pièce. Pendant quatre siècles elles firent l’admiration de tous les visiteurs du Temple. Jérémie, xxvii, 19, annonça qu’elles deviendraient la proie de Nabuchodonosor. En effet, à la prise de Jérusalem, en 588, les deux colonnes de Jachin et de Booz furent brisées par les Chaldéens, lors de la destruction du Temple, et les fragments en furent emportés à Babylone. Jer., lii, 17. F. YiGOliftOUX.