Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/442

Cette page n’a pas encore été corrigée
849
850
COLOMBE


chassa du Temple à coups de fouet les vendeurs et leurs quadrupèdes ; mais par égard pour la faiblesse et la douceur des colombes, il se contenta de dire à ceux qui les gardaient : « Emportez-les d’ici. » Joa., ii, 15, 16. Une seconde fois, il ne trouva plus dans le Temple que des changeurs et des marchands de colombes ; il renversa les tables et les sièges des hommes, mais ne fit rien aux oiseaux.

3° Remarques bibliques sur les colombes. — 1. Leur rapidité. Isaïe, lx, 8, montre les nations accourant à Jérusalem, aux jours du Messie, « comme des nuées qui volent, comme des colombes vers leurs colombiers. » La Vulgate traduit : « vers leurs fenêtres, » parce que les colombes sont comme à la fenêtre quand elles se tiennent à la porte du colombier. L’image employée par le prophète évoque le souvenir de ces nuées de pigeons qui reviennent à tire d’aile à leurs nids. David en butte à la persécution avait déjà dit :

Qui me donnera les ailes de la colombe ? Je m’envolerais et m’établirais en repos !

Ps. lv (hébreu), 7.

Osée, xi, 11, dit aussi des exilés de son peuple : « Ils s’envoleront de l’Egypte comme un oiseau, et de l’Assyrie comme une colombe ; et je les rétablirai dans leurs maisons. »

— 2. Leur gémissement. Le roucoulement de la colombe a quelque chose de doux et de plaintif qui semble exprimer la douleur. Ézéchias dans sa maladie « gémissait comme la colombe ». Is., xxxviii, 14. À la ruine de Ninive, les servantes « gémissent comme des colombes ». Nah., H, 7. Les Israélites frappés de Dieu à leur tour feront de même, Is., lix, 11, et ceux qui échapperont aux envahisseurs « seront dans les montagnes, gémissant comme les colombes des forêts ». Ezech., vii, 16. — 3. Leur plumage. Le Psalmiste dit aux Hébreux :

Quand vous étiez couchés au milieu des bercails, Les ailes de la colombe étaient couvertes d’argent, Et ses plumes avaient l’éclat de l’or.

Ps. lxviii ( lxvii), 14.

Après la victoire, les Israélites sont « couchés au milieu des bercails », c’est-à-dire qu’ils jouissent de la plus profonde paix. Cꝟ. 1. 1, col. 1916. La nation, représentée par la colombe, a les ailes argentées et dorées, c’est-à-dire qu’elle est enrichie des dépouilles de l’ennemi. — 4. Leur nid. Jérémie, xlviii, 28, dans sa prédiction contre les Moabites, fait allusion aux nombreux pigeons qui vivent dans les rochers de leur pays. Il leur conseille de fuir les villes et d’être « comme la colombe qui fait son nid au sommet <ies rochers ». — 5. Leur simplicité. La colombe est un animal sans défiance, qui se laisse prendre aisément. Osée, vii, 11, reproche à Éphraïm d’être « comme une colombe facile à séduire et n’ayant pas de cœur », c’est-à-dire d’intelligence. Les Israélites, en effet, se laissèrent attirer par les Égyptiens et les Assyriens, sans tenir compte de la colère de Dieu qui les menaçait. — Notre-Seigneur prend, au contraire, en bonne part la simplicité de la colombe, mais à condition que s’y ajoute la prudence du serpent : « Soyez prudents comme des serpents et simples comme des colombes, » Matth., x, 16, par conséquent sans duplicité, sans astuce, sans désir de nuire ni de se venger. — 6. La fiente de colombes. Pendant le siège de Samarie par Benadad, roi de Syrie, les habitants endurèrent une. famine si horrible, qu’on vendait « une tête d’âne quatre-vingts pièces d’argent, et le quart d’un cab de fiente de colombes cinq pièces d’argent ». IV Reg., vj, 25. Le quart d’un cab équivalait à peu près à un -demi-litre. Voir Cab. En hébreu, la fiente de colombes « st appelée hiryyônim, que les massorètes ont adouci par le qéri dibyônim, ayant du reste le même sens. Certains commentateurs ont voulu voir dans ce mot un nom de plante, comme, par exemple, la racine de l’ornithogalum umbellatum, plante bulbeuse de la famille des

liliacés, vulgairement appelée « belle de onze heures ». Les Arabes nomment eux-mêmes kali, « fiente de moineau, » une salsalée. Cf. Tristram, The natural history, p. 443. Il est assez peu probable qu’il soit ici question d’une plante ; on ne l’eût guère trouvée en quantité suffisante à la fin du siège, et on l’eût vendue autrement qu’à la mesure. Le mot hébreu doit donc plutôt être pris à la lettre. Quand tous les pigeons des colombiers eurent été mangés et que toute nourriture fit défaut, on se rabattit sur les déjections des colombes, qui ne devaient pas manquer tout d’abord. Elles contenaient encore quelques principes nutritifs échappés à la digestion rapide des oiseaux et pouvaient à la rigueur occuper quelque temps l’estomac des affamés. Il se passa un fait analogue pendant le siège de Jérusalem par Titus. Les habitants en furent réduits à manger les détritus de la voirie et les vieilles bouses de bœufs. Josèphe, Bell, jud., XIII, v, 7. 4° Symbolisme de la colombe. — 1. La colombe assyrienne. Jérémie, xxv, 38, parlant des invasions assyriennes et chaldéennes, par lesquelles le Seigneur exerce sa vengeance sur le monde, dit que « le pays est ravagé par la colère de la colombe, pat la colère de la fureur divine ». Dans deux autres passages, xlvi, 16 ; L, 16, il parle du « glaive de la colombe ». Le nom de la colombe n’existe ici que dans la Vulgate. Cette traduction a été suggérée à saint Jérôme par une croyance des Juifs de son temps, qui prétendaient que la colombe était représentée sur les étendards des Babyloniens, et qu’elle pouvait ainsi figurer l’empire chaldéen. Buxtorf, Lexicon chaldaicum, Leipzig, 1875, p. 488. Les légendes grecques racontaient, en effet, que la prétendue fondatrice de Babylone avait été nourrie par les colombes, et en conséquence « les Syriens accordaient à ces oiseaux des honneurs divins ». Diodore de Sicile, ii, 4 ; Tibulle, Elegise, i, 7. Voir sur ce mythe Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, t. iv, Paris, 1885, p. 126. Le Louvre possède une terre cuite, trouvée près de Tortose, représentant une Astarthé qui tient une colombe appuyée sur sa poitrine. Cꝟ. 1. 1, fig. 328, col. 1181. M. Clermont-Ganneau pense que le village actuel de Hamâni, près d’Ascalon, doit sa dénomination au culte de la colombe. Le nom ancien de la bourgade serait Peleia, « la colombe, » et non Palsea, « l’ancienne, » comme on l’avait cru d’abord. Acad. des inscriptions et belles-lettres, 6 sept. 1895. Mais le texte hébreu doit très vraisemblablement être entendu dans un tout autre sens que celui qui est adopté par saint Jérôme. Dans l’expression mippenê hârôn hayyônâh, le mot yônâh serait un participe du verbe yânâh, ce être cruel. » Jérémie, xlvi, 16 ; L, 16, parle deux fois du héréb hayyônâh, qu’il faudrait rendre par « glaive [le] cruel » bien plutôt que par « glaive de la colombe ». En conséquence, mippenê hârôn hayyônâh signifierait « devant la fureur du cruel », avec le mot héréb, « glaive, » sous-entendu. Les autres versions ont entendu le texte à peu près dans ce sens, sans aucune mention de la colombe. Septante : « devant la face du grand glaive, » ce qui suppose la lecture héréb au lieu de hârôn ; syriaque : « à cause de la colère du Seigneur, » ce qui suppose Yehôvâh au lieu de hayyônâh. De même, dans le passage où Sophonie, iii, 1, accuse Jérusalem, hâ’ir hayyônâh ne signifie pas « ville de la colombe », mais « ville la cruelle », l’oppressive. La paraphrase chaldaïque traduit ici : « ville qui ne cesse de provoquer à la colère. » Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 601 ; Rosenmûller, Scholia, Jeremix vaticinia, Leipzig, 1826, t. i, p. 598 ; Prophètes minores, 1816, t. lv, p. 50. La désignation de Babylone par le symbole d’une colombe n’est donc pas justifiée. — 2. La colombe du Cantique des cantiques. L’épouse du Cantique est appelée plusieurs fois du nom de colombe ; Cant., ii, 10 (seulement dans la Vulgate), 14 : « Ma colombe, dans les cavités du rocher, dans la retraite de la paroi, laisse-moi voir ton visage. » Cant., v, 2 : « Ouvre-moi, ma sœur, mon amie, ma colombe, ma parfaite, s Cant., vi, 8 : « Unique est ma colombe, ma par-