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CŒUR


le cœur porte parfois d’autres noms en hébreu : kâbôd, « gloire, » en tant que partie la plus noble de l’homme, Ps. (hébreu) xvi, 9 ; xxx, 13 ; lvii, 9 ; cviii, 2 ; mê’îm, « les entrailles, » en tant que partie la plus intime, Job, xxx, 27 ; Lam., i, 20 ; Cant., v, 4 ; Is., xvi, 11 ; Ps. XL (hébreu), 9 ; qéréb, « l’intérieur, » Ps. (hébreu), v, 10 ; xlix, 12 ; lxiv, 7 ; liéléb, « la graisse, » pour désigner le cœur épais, sans intelligence. Ps. xvii (hébreu), 10. Ces quatre derniers termes ne sont employés qu’exceptionnellement, et seulement dans les textes poétiques.

Il est question du cœur, lêb, environ dans un millier de passages de la Sainte Écriture. On emploie souvent lêb dans un sens qu’il n’a pas dans nos langues européennes. Le lêb se confond parfois avec l’àme végétative, voir Ame, t. i, . col. 457, d’autres fois avec l’esprit, rûah. Il désigne communément l’âme en général, soit dans ses fonctions physiologiques, soit dans ses facultés spirituelles, soit enfin dans sa vie morale. Par analogie, la Sainte Écriture parle aussi quelquefois du cœur de Dieu.

I. LE CŒUR, PRINCIPE DE LA VIE CORPORELLE. — Le

cœur est un organe essentiel à la vie ; on le perce quand on veut donner sûrement la mort à quelqu’un. II Reg., xviii, 14 ; IV Reg., IX, 24. Si le cœur est en bon état, c’est la santé pour tout le corps. Prov., xiv, 30. Gomme il gouverne les fonctions végétatives, on dit qu’il est satisfait et fortifié lorsque l’homme prend sa nourriture. Gen., xvii, 5 ; Jud., xix, 5 (hébreu) ; III Reg., xxi, 7 (hébreu) ; Act., xiv, 16. L’odeur des parfums le réjouit, Prov., xxvii, 9 ; mais c’est surtout le vin qui lui cause d’agréables sensations, Ps. ciii, 15 ; Eccli., xl, 20 ; Zach., X, 7, poussées quelquefois jusqu’à l’abus coupable. Ose., iv, II ; Eccli., xxxi, 31 ; Jacob, v, 5. Chez les Égyptiens, le mort s’appelait l’homme « au cœur immobile ». Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, t. i, p. 116, 217.

II. Le cœur, centre des facultés spirituelles. — Tandis que dans nos langues le cœur est habituellement pris comme le siège des sentiments et de l’amour, dans l’Écriture le cœur est : 1° le siège de la pensée, de la réflexion, de la méditation. C’est le cœur qui connaît, Jer., xxiv, 7 ; qui médite, Ps. xviii, . 15 ; Luc, ii, 19, 51 ; qui réfléchit, Is., lvii, 1 ; Jer., xii, 11 ; qui se parle à lui-même. Gen., xvii, 17 ; Ps. iv, 5, etc. Les pensées montent dans le cœur, Jer., xix, 5 ; Luc, xxiv, 38 ; Act., vii, 23 ; I Cor., Il, 9, ou sur le cœur. Jer., iii, 16 ; xliv, 21 ; li, 50 ; Ezech., xxxviii, 10. Pour appliquer son esprit à une chose, on la met dans son cœur, I Reg., xxi, 12 ; Luc, xxi, 14 ; on met son cœur sur elle, Agg., i, 5, 7 ; ii, 16, 19 ; on y applique son cœur. Jer., xxx, 21 ; Dan., x, 12. Comme la vérité est la lumière de l’intelligence, les métaphores tirées de la vision corporelle sont appliquées au cœur. Le cœur reçoit la lumière de la vérité divine, II Petr., i, 19 il a des yeux que cette vérité illumine. Eph., i, 18. Mais il peut être voilé, II Cor., iii, 15, ou même totalement aveugle, c’est-à-dire ignorant et incrédule. Is., vi, 10 ; Marc, iii, 5 ; vi, 52 ; viii, 17 ; Rom., i, 21. Le cœur est ouvert à la loi, quand il la connaît. II Mach., i, 4. Il ressemble à une terre dans laquelle la parole de Dieu est semée, Matth., xiii, 19, à un trésor qui fournit des pensées et des paroles à la bouche. Matth., XII, 34 ; Luc, vi, 45. C’est encore le cœur qui croit, Rom., x, 10, parfois avec lenteur. Luc, xxiv, 25. Un cœur large désigne une grande intelligence, III Reg., iv, 29 ; la petitesse du cœur caractérise la sottise. Eccli., xvi, 23 ; xvii, 5. Le cœur du sot ressemble au vase fêlé qui laisse tout s’échapper, Eccli., xxi, 17, à la cendre, qui n’est bonne à rien. Sap., xv, 10. La parole manifeste la pensée ; aussi, dans le sage, c’est le cœur qui parle, et dans le sot, c’est la bouche qui pense et fait fonction de cœur. Eccli., Xxi, 29. Le cœur, devenu mauvais, par suite de la chute originelle, conçoit naturellement des pensées mauvaises, Gen., vi, 5 ; viii, 21 ; Joa., xiii, 2, et inspire les paroles qui les expriment. Eccle., v, 1. Dans Homère, Iliad.,

xxi, 441, etc., le cœur est également considéré comme le siège de l’intelligence.

2° Le siège de la sagesse, qui est un don accordé par Dieu à l’intelligence. C’est au cœur d’hommes de son choix que Dieu met la sagesse et l’habileté nécessaires pour fabriquer les objets du culte au désert. Exod., xxviii, 3 ; xxxi, 6 ; xxxv, 34 ; xxxvi, 8. Le don de sagesse est accordé au cœur de Salomon, III Reg., iii, 12, et à celui du juste. Prov., ii, 2, 10 ; xvi, 21 ; Eccli., xxiii, 2.

3° Le siège de la mémoire, qui retient ce que l’intelligence a appris. Deut., iv, 9 ; viii, 5 ; Prov., iv, 21 ; Is, , li, 7 ; Dan., vii, 28. Les choses sont inscrites dans le cœur comme sur des tablettes. Prov., iii, 3. Pour révéler un secret, on ouvre son cœur. Jud., xvi, 18. Cf. Prov., xx, 5.

4° Le siège de la volonté. Le cœur porte à agir, il est le principe de l’action. Exod., xxxv, 21, 26 (hébreu) ; Prov., xvi, 9 ; Eccl., ii, 20 ; on exécute ce qu’on a dans le cœur. I Sam. (Reg.), xiv, 7 (hébreu). Vouloir, c’est donner son’cœurà l’action. Is., x, 7 ; lxiii, 4 ; Eccle., viii, 9 ; Eccli., xxxviii, 27 ; xxxix, 6. Posséder son cœur, Prov., xv, 32, c’est être le maître de sa volonté. Le sage tient son cœur de la main droite, le sot de la main gauche, Eccle., x, 2, c’est-à-dire que l’un a une volonté énergique, l’autre une volonté débile. Agir de grand cœur, II Mach., 1, 3, c’est mettre en œuvre toute la puissance de sa volonté, et lever son cœur pour prier, Lam., iii, 41, c’est adresser à Dieu une prière très instante. Comme la volonté est libre, elle peut résister aux influences du dehors, et particulièrement aux ordres de Dieu. On dit alors que le cœur est dur, ou qu’il s’endurcit. Cette expression revient souvent dans la Sainte Écriture. Deut., xv, 7 ; Eccli., iii, 27 ; Is., xlvi, 12 ; Ezech., iii, 7 ; Marc, xvi, 14, etc. La dureté du cœur est comparée à celle de la pierre, Job, xli, 15, et même à celle du diamant. Zach., vii, 12. Quand le cœur s’amollit, la volonté devient plus docile,

II Par., xxxiv, 27 ; Job, xxiii, 16, ou même faiblit. Jer., Li, 46. Le changement du cœur de pierre en cœur de chair, Ezech., xi, 19 ; xxxvi, 26, marque le passage de la révolte à l’obéissance.

5° Le siège des dispositions de l’âme. — Ces dispositions sont bonnes ou mauvaises. Parmi les bonnes dispositions du cœur, les auteurs sacrés rangent la droiture, Deut., ix, 5, la simplicité, Gen., xx, 5, 6 ; III Reg., ix, 4 ; la docilité, III Reg., iii, 9 ; l’humilité. Ps. cxxx, 1 ; Dan., m, 87. Le cœur est parfait quand il est fidèle à Dieu.

III Reg., xi, 4 ; xv, 14. L’expression « n’avoir qu’un seul cœur » marque l’union étroite qui règne entre les membres d’une même société. II Par., xxx, 12 ; Jer., xxxii, 39 ; Ezech., xi, 19 ; Act., iv, 32. Le cœur a aussi ses défauts ; il est vain, Ps. v, 10 ; léger, Eccli., xix, 4 ; présomptueux, Prov., xxviii, 26 ; pesant, c’est-à-dire porté vers les choses de la terre, Ps. iv, 3 ; épais comme la graisse, Ps. cxviii, 70, c’est-à-dire stupide et grossier. Le cœur double est le cœur de l’hypocrite et de l’inconstant, I Par., xii, 33 ; Eccli., i, 36, auquel on ne peut se fier, et qui n’aboutit à rien, parce qu’il marche par deux chemins à la fois. Eccli., iii, 28. Quand on incline ou qu’on tourne sou cœur vers quelqu’un, on prend parti pour lui. Jud., ix, 3 ; II Reg., xiv, 1.

6° Le siège des passions et des sentiments. — Dans le cœur prennent naissance l’orgueil, Deut., xvii, 20 ; Judith, I, 7 ; Ezech., xxviii, 2, 6 ; Abd., 3 ; Luc, i, 51 ; l’envie, Prov., xxiii, 17, qui engendre la discorde, Jacob., iii, 14 ; l’avarice, Ezech., xxxiii, 31 ; II Petr., ii, 14 ; la haine, Lev., xix, 17, qui déchire le cœur, Act., vii, 54, et l’amour, Ps. lxii, 26 ; lll Reg., xi, 3 ; Cant., iv, 9 ; Is., xxix, 13 ; Matth., VI, 21 ; la crainte, qui bouleverse et dissout le cœur, Lev., xxvi, 36 ; Deut., i, 28 ; xx, 8 ; xxviii, 65 ; Jos., v, 1 ; Jer., iv, 19, et le courage, II Reg., vii, 27, qui va jusqu’à l’audace, Il Par., xvii, 6, et qui donne à l’homme un « cœur de lion », II Reg., xvii, 10 ; la tristesse qui abat, I Reg., i, 8 ; II Reg., xiii, 20 ; Prov., xii, 25 ; xxv, 20 ; Is., i, 5 ; Joa., xvi, 6 ; Act., xxi, 13 ; la douleur qui,