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CIGUË — CILIGE


doué de propriétés narcotiques au plus haut degré. Elles peuvent d’ailleurs appartenir à des genres fort différents, dont plusieurs se trouvent en Palestine. La vraie Cicuta virosa (ciguë aquatique) n’est pas de ce nombre ; elle habite seulement la zone tempérée, froide, et ne descend pas jusqu’à la région méditerranéenne. Mais on rencontre en Syrie plusieurs ciguës terrestres connues par leur poison actif et caractérisées par leur odeur vireuse. Les principales sont : 1° le Conium maculatum ou grande ciguë (fig. 279), aussi commun en Syrie qu’en Europe ; il habite les lieux incultes et parmi les décombres, où il se reconnaît aisément à sa tige élancée, dépassant un mètre de hauteur, fétide et tachetée de points rougeàtres. Ses Heurs sont blanches, ses fruits à côtes crénelées. — 2° UJElhuta Cynapiam (petite ciguë, faux persil ou persil

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280. — Petite ciguë i^thusa Cynapium).

des fous) (fig. 280) croît dans les décombres, et aussi, fréquemment, dans les champs cultivés, où sa ressemblance avec le persil le rend fort dangereux. F. Hy.

II. Exégèse. —. D’après certains interprètes, tels que 0. Celsius, Hierobotanicon, t. ii, p. 46, cette plante est désignée dans l’Écriture sous le nom de rô’S. Deut., xxix, 17 (Vulgate, 18) ; xxxii, 32, 33 ; Ps. lxix (Vulgate, lxviii), 22 ; Jer., viii, 14 ; ix, 14 ; xxiii, 15 ; Lam., iii, 5, 19 ; Ose., x, 4 ; Am., vi, 12. La raison principale sur laquelle ils s’appuient est que dans plusieurs de ces passées, comme Deut., xxix, 17 (Vulgate, 18) ; Ps. lxix (Vulgate, lxviii), 22, et surtout Deut., xxxii, 33, où il est mis en parallèle avec le venin du serpent, le rô’s semble une plante vénéneuse. Cependant le rô’s est habituellement en parallèle avec l’absinthe, et paraît, comme cette dernière plante, produire ordinairement un breuvage troublant plutôt qu’un poison violent et rapide. De plus, d’après Osée, x, 4, le rô’s croît dans les sillons des champs de blé ou d’orge : ce qui ne convient certainement pas à la grande ciguë ; on y trouve sans doute quelquefois la petite ciguë (que les Hébreux du reste pouvaient comprendre sous la même dénomination), mais pas assez habituellement ni en assez grande quantité pour vérifier la comparaison du prophète. Aussi la plupart des interprètes se prononcent pour l’ivraie ou pour le pavot, à qui tous lès caractères du rô’s s’appliquent beaucoup mieux. La Vulgate a traduit ordinairement rô’s par « fiel ». Voir Fiel. E. Levesque.

C1LICE, Hébreu : saq ; Septante : ra « io ;  ; Vulgate : saccuSj cilicium. Ce mot désigne : 1° une étoffe grossière

fabriquée avec des poils de chèvre ou de chameau ; 2° le vêtement qu’on fabriquait avec cette étoffe ; 3° le sac fait avec cette étoffe et dont on se servait pour renfermer et transporter des objets divers, grains, etc. Le mot hébreu Saq est employé dans ce dernier sens. Gen., xlii, 25, 27, 35 ; Lev., xi, 32 ; Jos., ix, 4. La Vulgate traduit iaq, dans tous ces passages, par saccus, excepté Lev., xi, 32, où elle a cilicia. Le mot Saq ne désigne expressément une étoffe que dans Is., iii, 24, mafiâgôrép saq (Vulgate : cilicium), « ceinture faite avec un tissu de poils de chameau. » Partout ailleurs iaq désigne une espèce de vêtement ou de couverture. — Il est question de tissu fait avec des poils de chèvre, ’izzîm (Vulgate : pili caprarum), à l’occasion de la construction du Tabernacle. Moïse demande des poils de chèvre au nom du Seigneur ; les Israélites les lui apportent et les femmes les filent, Exod., xxxv, 6, 23, 26, et l’on en tisse onze pièces pour couvrir le Tabernacle. Exod., xxxvi, 14-16. Cf. xxvi, 7.

I. Sa fabrication. — De tout temps on a fabriqué cette étoffe chez les nomades, les matières textiles d’origine animale se trouvant bien plus à leur portée que les matières végétales, et réclamant beaucoup moins de préparation que ces dernières. Aujourd’hui encore, les femmes arabes fabriquent avec le poil de chameau des étoffes épaisses, rugueuses, mais d’autant plus solides qu’elles ne souffrent pas des intempéries autant que les étoffes végétales. On se sert de préférence des poils qui poussent sur les bosses et sur la croupe de l’animal. Dans quelques endroits on les arrache, mais plus généralement on les tond une fois l’an, et les ouvrières les tissent ensuite. Tristram, The nalural history of the Bible, Londres, 1889, p. 66. La fabrication de ce tissu prit une grande extension en Cilicie, Pline, H. N., vi, 143, ce qui fit que dans le monde grec et romain le Saq prit généralement le nom de « cilice ». Les Ciliciens, grands pirates et hardis navigateurs, centralisaient chez eux la matière première et l’exportaient ensuite après l’avoir ouvrée. À Tarse, saint Paul apprit lui-même le métier de « faiseur de tentes i>, qui lui servit plus tard à gagner sa vie tout en prêchant l’Évangile. Act., xviii, 3 ; XX, 34 ; I Cor., iv, 12 ;

I Thess., iï, 9 ; II Thess., iii, 8, etc. Le métier consistait à tisser le poil de chèvre ou de chameau, en donnant à l’étoffe à peu près la forme définitive qu’elle devait avoir, de manière à éviter tout déchet dans l’assemblage. Tarse possède encore des tisserands dont les instruments très primitifs ne doivent pas différer beaucoup de ceux d’autrefois. « De belles mèches de poils de chèvre sont disposées dans un coin de l’atelier ; un homme les prend, les met à sa ceinture et les file. Le fil, qu’il a produit dans un mouvement en arrière, se double par un mouvement en avant, et enfin se triple par un nouveau retour en arrière qui lui donne sa forme et sa force définitives. Quand la pelote a le poids voulu, on la dépose dans une corbeille, où un autre ouvrier la reprend pour tisser en parties noires, grises ou rougeàtres, les toiles qui serviront à faire des sacs et des tentes à l’usage des hommes du désert. x Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, in-8°, Paris, 1894, t. ii, p. 316.

II. Ses usages. — Le saq, chez les Hébreux, servait principalement, en dehors de la confection des sacs à grains (signification que le mot a conservée dans notre langue), à fabriquer des vêtements grossiers, Esther, iv, 2, lébus saq, « vêtement de poils ; » cf. Matlh., iii, 4 ; Marc, i, 6. Ils étaient portés par les deux sexes. Gen., xxxvii, 34 ; Joël, i, 8 ; II Mach., iii, 19. Leur forme était celle d’un sac sans pli, cf. Is., iii, 24, enveloppant le corps, Jer. xlix, 3 ; on pouvait les serrer au moven d’une ceinture. Is., iii, 24 ; IISam. (II Reg.), iii, 31 ; Ezech., vii, 18. Le cilice, de couleur sombre, cf. Is., L, 3 ; Apoc, vi, 12, servait comme de vêtement de deuil, Gen., xxxvii, 34 ;

II Sam. (Il Reg.), iii, 31 ; Josèphe, Ant. jud., VII, i, 6 ; on le gardait même la nuit. III Reg., xxi, 27 ; Joël, i, 13 ; Esther, iv, 3. Il était revêtu par les suppliants, voir t. iv,