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CHRONOLOGIE BIBLIQUE


vraisemblance qu’à deux reprises différentes le trône d’Israël soit resté inoccupé pendant plusieurs années. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. IV, p. 117. Ces interrègnes, qui n’ont point de fondement direct dans la Bible, sont donc des hypothèses, inventées par des chronologistes embarrassés, et ils peuvent être un indice que la chronologie ordinaire des rois juifs est trop longue.

On a découvert à Ninive un canon chronologique assyrien, qui ne cadre avec les chiffres bibliques qu’à la condition de réduire d’une quarantaine d’années le total des règnes des rois de Juda. C’est une liste de personnages appelés limmu ou éponymes, qui donnaient leurs noms à l’année comme les archontes à Athènes et les consuls à Rome. Elle commence au règne de Binnirar II, en 893 avant J. -G., et s’étend au moins jusqu’à 647. F. Vigoureux, ibid., p. 38-39. Elle permet donc de contrôler les données bibliques correspondantes. Si les deux chronologies sont en parfaite concordance pour la prise de Samarie par les Assyriens, en 721, cf. F. Vigoureux, ibid., p. 148-150 ; Kl. de Moor, La date de l’exode, loc. cit., p. 90-107, il y a désaccord manifeste entre elles sur plusieurs points de rencontre. Les savants n’ont pas su jusqu’à présent s’entendre pour la conciliation des chiffres divergents. Les uns défendent la chronologie biblique, ’les autres l’abandonnent. Gomme elle est artificielle et que la discordance des chiffres du texte actuel de la Bible est certainement le résultat des fautes de copistes dans la transcription des nombres, il est permis d’accepter, « provisoirement du moins, que les personnages dont les noms se trouvent mentionnés ensemble dans les inscriptions cunéiformes et correspondent aux noms bibliques ont été contemporains, quelque embarras que l’on puisse éprouver d’ailleurs à faire concorder les dates fournies par la Bible d’une part, par les monuments assyriens de l’autre. » F. Vigoureux, ouvr. cit., p. 27. Examinons les points de contact qui créent difficulté.

D’après la chronologie biblique généralement reçue, Achab, roi d’Israël, mourut l’an 897 avant notre ère. Voir Achab, t. i, col. 120. Or les inscriptions assyriennes racontent qu’il fut battu avec les rois confédérés, à Karkar, par le roi de Ninive Salmanasar II, en 854, c’est-à-dire plus de quarante ans après la date qu’on assigne à sa mort. F. Vigoureux, La Bible, etc., t. iv, p. 47-51. L’affirmation des textes cunéiformes est claire et précise et ne souffre aucune équivoque, tandis que les calculs des chronologistes bibliques peuvent être erronés. Il faut donc admettre, semblet-il, la contemporanéité d’Achab et de Salmanasar II.

Ozias, roi de Juda, régna, dit-on, de 809 à 758. Or les inscriptions de ïhéglathphalasar II nous le montrent en guerre avec ce roi en l’an 742 ou 740, seize ou dix-huit ans après sa mort. Manahem, roi d’Israël, occupait le trône de 770 à 759, et vingt et un ans après la fin de son règne, en 738, le même Théglathphalasar le compte parmi ses tributaires. F. Vigouroux, ibid., p. 100-107. Pour maintenir la chronologie biblique, M. Oppert pense que l’Azriyahu des inscriptions n’est pas Azarias ou Ozias, père de Joatham et grand-père d’Achaz ; mais un usurpateur, le fils de Tabéel, dont parle Isaïe, vii, 6. Quant à Manahem, qui paya tribut à Phul, il est distinct de Manahem II, tributaire de Théglathphalasar. La chronologie biblique, etc., dans les Annales de philosophie chrétienne, t. lxxviii, 1869, p. 97-99, 236-242 ; Salomon et ses successeurs, ibid., t. xc, 1876, p. 31-42. Cette explication est inadmissible, et il faut reconnaître qu’Azarias, roi de Juda, Manahem, roi d’Israël, et Théglathphalasar, roi de Ninive, qui semble devoir être identifié avec Phul, mentionné IV Reg., xv, 19-20 ; I Par., v, 26 (sur cette identification, voir Vigouroux, ouvr. cit., p. 86-99), sont contemporains. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 5e édit., 1893, p. 397-398, note.

Sur un autre point, les documents bibliques et cunéi formes se trouvent encore en désaccord. Le IVe livre des Rois, xviii, 13, nous apprend que Sennachérib marcha contre les villes de Juda la quatorzième année du règne d’Ézéchias, c’est-à-dire en 713, puisque le roi juif était monté sur le trône en 727. Or, d’après le canon des éponymes, Sennachérib est devenu roi en 705, et son expédition contre la Palestine eut lieu en 701. Après son désastre se seraient produites seulement la maladie d’Ezéchias et l’ambassade de Mérodach - Baladan, roi de Babylone. IV Reg., xx, 1 et 12. Or Mérodach-Baladan aurait régné de 722 à 710. La meilleure réponse à cette difficulté est de reconnaître que le récit biblique a interverti les faits. La maladie d’Ézéchias eut lieu réellement la quatorzième année de son règne, puisque le roi vécut quinze ans encore après sa guérison et que son règne dura vingt-neuf ans. L’ambassade de Mérodach-Baladan lui est postérieure et peut être placée même en 703 ou 702, pendant que ce roi, originaire de la basse Chaldée, après avoir été chassé de Babylone, eût repris possession du trône de cette ville. L’invasion de Sennachérib se fit en 701. Si le livre des Rois met ces trois faits dans un ordre inverse, c’est probablement parce que son auteur a adopté l’arrangement non chronologique du prophète Isaïe, xxxvixxxix. La date, IV Reg., xviii, 13, serait déplacée 3t devrait venir en tête du récit de la maladie d’Ézéchias. Oppert, Salomon et ses successeurs, loc. cit., t. lxxxix, p. 184-185 ; Clair, Les livres des Rois, t. i, p. 209-211 ; F. Vigouroux, La Bible, etc., t. iv, p. 183-215.

Ce fut l’empire de Babylone qui renversa le trône de Juda. Avant sa royauté, Nabuchodonosor fit une campagne contre Néchao, roi d’Egypte ; Joakim, roi de Juda, se reconnut son tributaire. Mais il se révolta et refusa de payer le tribut. Quand Nabuchodonosor arriva en Judée, Joakim était mort et remplacé par son fils Jéchonias. Au bout de trois mois de règne, celui-ci fut emmené an captivité à Babylone. Son oncle Sédécias fut mis sur le trône ; il se révolta à son tour. Nabuzardan assiégea Jérusalem, qui, vaincue par la faim, se rendit en 599, après une longue résistance. Celte date termine la période que nous étudions.

On le voit, la chronologie de l’époque des rois d’Israël et de Juda n’est pas aussi ferme et aussi assurée qu’on le croit communément. Elle aurait besoin d’être raccordée avec la chronologie assyrienne. Le P. Brunengo, dans sa Chronologia biblico-assira, Prato, 1886, a essayé de le faire et a ramené le commencement du schisme des dix tribus à l’an 930 avant J.-C, au lieu qu’on lui assigne ordinairement l’an 976. Pour entrer dans cette voie, nous reproduirons ici la liste chronologique des rois juifs, adoptée par Lenormant et Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., t. vi, 1888, p. 667 : Saul, 1050-1012 ; David, 1012-973 ; Salomon, 973-932. Dans le royaume d’Israël : Jéroboam I", 932-911 ; Nadab, 911-909 ; Baasa, 909-886 ; Éla, 886-885 ; Zambri, 885 ; Amri, 885-873 ; Achab, 873-843 ; Ochozias, 843-842 ; Joram, 842-830 ; Jéhu, 830-802 ; Joachaz, 802-785 ; Joas, 785-769 ; Jéroboam II, 769-744 ; Zacharie, 744 ; Sellum, 744 ; Manahem, Phacéia et Phacée, tour à tour renversés et rétablis, 744-732 ; Osée, 732-724. Chute du royaume d’Israël, en 721. Dans le royaume de Juda, Roboam, 932-915 ; Abia, 915-912 ; Asa, 912-870 ; Josaphat, 870-836 ; Joram, 836-831 ; Ochozias, 831-830 ; Athalie, 830-823 ; Joas, 823-783 ; Amasias, 783-764 ; Ozias ou Azarias, 764-739 ; Joatham, 739-735 ; Achaz, 735-729 ; Ézéchias, 729-688 ; Manassé, 688-645 ; Amon, 645-643 ; Josias, 643-612 ; Joachaz, 612 ; Joakim, 612-600 ; Jéchonias ou Joachin, 600-599 ; Sédécias, 599. Comparer avec la chronologie la plus communément reçue, qui est reproduite par J. Oppert, Salomon et ses successeurs, dans les Annales de philosophie chrétienne, t. xc, p. 212-214, et t. xci, p. 208-209, et par F. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., t. ii, p. 98-99.

VIII. De i.a captivité de Babylone a la naissance de Jésus-Christ. — Pour cette période, une première