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CHAUSSURE


la courroie dé ses chaussures, Marc, i, 7 ; Luc, iii, 16 ; Joa., i, 27 ; Act., xiii, 25, ou de les porler. Matth., iii, 11. Notre-Seigneur, quand il envoie ses disciples prêcher, leur ordonne, pour montrer leur confiance en la Providence, de ne pas porter de chaussures, Matth., x, 10 ; Luc, x, 4 ; xxii, 35 ; ce qui veut dire qu’ils ne doivent pas avoir dans leur besace de chaussures de rechange, et qu’ils doivent se contenter des sandales qu’ils portent aux pieds. Marc, vi, 9. L’enfant prodigue, quand il rentre repentant à la maison paternelle, reçoit de son père des vêtements et des chaussures. Luc, xv, 22. Enfin quand l’ange délivre saint Pierre de sa prison, il lui commande de mettre ses sandales. Act., xii, 8.

2° Forme des chaussures chez les Juifs. — La Bible ne donne pas de descriptions des chaussures dont se servaient les Juifs, mais les expressions qu’elle emploie supposent que ces chaussures ressemblaient à celles des peuples voisins. Il est question, en effet, de courroies (hébreu : serôk ; grec : îjià ;  ; Vulgate : corrlgia), comme celles qui attachaient les chaussures des Égyptiens, des Assyriens, des Grecs et des Romains. Gen., xiv, 23. La forme la plus ancienne et celle qui demeura la plus commune jusqu’à la fin, ce furent les sandales, c’est-à-dire de simples semelles protégeant le dessous du pied contre l’humidité en hiver, contre le sol brûlant et les pierres en été. Ces semelles étaient maintenues par les courroies dont nous venons de parler. Nous trouvons une preuve de l’emploi de cette forme de chaussure dans l’usage de laver les pieds des voyageurs dès qu’ils arrivaient dans une tente ou dans une maison. Abraham et Lot offrent de quoi se laver les pieds aux anges qu’ils prennent pour des voyageurs. Gen., xviii, 4 ; xix, 2 ; cf. xxiv, 32 ; xliii, 21, etc. Voir Bain, t. i, col. 1388. — Le seul monument ancien qui représente des Israélites chaussés est l’obélisque de Nimroud, conservé actuellement au British Muséum (fig. 224). On y voit les envoyés du roi d’Israël Jéhu apportant un tribut à Salmanasar II. Aux pieds des Assyriens apparaissent très nettement des sandales. Il est, par contre, assez difficile de distinguer quelle sorte de chaussure portent les Israélites. Cependant, comme ni les doigts de pieds ni les courroies ne sont visibles, et que, d’autre part, l’extrémité de la chaussure a une forme pointue et est relevée, il est clair que le sculpteur a voulu figurer des souliers ou des babouches et non des sandales. G. Rawlinson, The five great monarchies in the Eastern world, 4e édit., in-8°, Londres, 1879, t. ii, p. 105 ; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., in-8°, Paris, 1885, t. iv, p. 190-191.

3° Matières dont étaient faites les chaussures. — Le Talmud nous apprend qu’on se servait, pour confectionner les chaussures, de peau, d’étoffes ou de bois, Mischna, Yebam., xii, 1-2, et qu’elles étaient même parfois ferrées. Ibid., Sabb., vi, 2. — Ces matières ayant une médiocre valeur, les chaussures étaient considérées comme des objets de peu de prix. Eccli., xlvi, 22. C’est pourquoi Amos, ii, 6 ; viii, 6, prophétisant contre les royaumes d’Israël et de Juda, reproche à leurs rois d’avoir vendu ou acheté le pauvre pour une paire de chaussures.

4° Chaussures des femmes. — Il y avait cependant des chaussures de luxe faites de peaux teintes en couleurs brillantes, mais elles étaient à l’usage des femmes. Le prophète Ézéchiel, montrant la bonté de Dieu à l’égard de Jérusalem, compare cette ville à une femme revêtue par le Seigneur des plus belles parures. Ses chaussures sont faites de la peau du tahaS, c’est-à-dire du dugong (Septante : îàvBivo ;  ; Vulgate : ianthinus, « violet » ). Ezech., xvi, 10. Voir Dugong. Les sandales de Judith étaient richement ornées, puisqu’elles charmèrent les yeux d’Holopherne. Judith, xvi, 11. L’époux du Cantique énumère les chaussures parmi les ornements de l’épouse. Cant., vu, 1. Dans Isaïe, iii, 16, 18, les mots tife’érét hâ’âkâsini, que les Septante traduisent par 86 ?av xoû î|iaTiff|i.oO, et la Vulgate par ornamenta calceamentorum, désignent peut être les anneaux que les femmes portaient aux doigts des pieds. S. Jérôme, in Isaiam, iii, 18, t. xxiv, col. 69 ; S. Basile, in Isaiam, 125, t. XXX, col. 320-321.

5° Usages relatifs à l’emploi de la chaussure. — 1. La fragilité des chaussures et la difficulté de trouver des cordonniers pour les réparer faisaient que les Juifs portaient quelquefois avec eux en voyage une paire de sandales de rechange dans leur besace. Notre-Seigneur fait allusion à cet usage quand il recommande à ses disciples, pour montrer leur confiance en la Providence, de ne pas porter de chaussures, Matth., x, 10 ; Luc, x, 4 ; xxii, 35 ; cette recommandation ne signifie pas qu’ils doivent marcher nu-pieds. Marc, vi, 9. — 2. Retirer sa chaussure était chez les Juifs une marque de respect, c’est pour cela que Dieu ordonne à Moïse et à Josué de se déchausser dans les passages cités plus haut. David marche également nu-pieds devant l’arche. II Reg., xv, 30. Pour la même raison les prêtres remplissaient leurs fonctions

225. — Sandales modernes. D’après J. Benziger, Eebrdische Archdologie, 1894, p. 104.

dans le Temple nu-pieds. Théodoret, ad Exodum, quest. 7, t. lxxx, col. 230. Le Talmud dit même qu’il était interdit à tout Israélite d’entrer dans le Temple sans retirer sa chaussure. Mischna, Berach., ix, 5. Celte forme de respect n’est pas particulière aux Juifs. Les Samaritains montaient pieds nus sur le mont Garizim. Ed. Robinson, Biblical researches, in 8°, Londres, 1867, t. ii, p. 378. — A Rome, les prêtres de Cybèle célébraient leur culte nupieds. Prudence, Peristephanon, x, 154, t. lx, col. 457. Il en était de même des prêtres d’Isis, dans le sanctuaire de leur divinité. "W. Helbig, Vie Wandgemàlde Campaniens, in-4°, Leipzig, 1868, fig. 11Il et 1112. Chez les Romains certaines fêtes en l’honneur des dieux portaient même le nom de nudipedalia. Tertullien, Apol., 40, 1. 1, col. 487. Les musulmans, quand ils entrent dans une mosquée, retirent leurs chaussures ; les Mésopotamiens en font autant près des tombeaux de leurs saints. Layard, Nineveh and ist remains, t. i, p. 282. Les prisonniers étaient également déchaussés en signe d’humiliation. II Par., xxviii, 15. Ainsi sont représentés les Juifs emmenés captifs par Sennachérib, après la prise de Lachis. Voir t. ii, fig. 73, col. 225-226. C’est pourquoi Dieu ordonne au prophète Isaïe de se déchausser pour figurer la captivité dans laquelle vont tomber les Juifs. Is., xx, 2, 4. Pour indiquer l’action de retirer sa chaussure, le texte hébreu emploie les mots nasal, Exod., iii, 5 ; Jos., v, 15 ; hâlas, Deut., xxv, 10 ; Is., xx, 2, et salaf, Ruth, iv, 7, 8. Le passage où saint Jean nous montre Marie oignant les pieds de Jésus, pendant qu’il est à table chez Lazare, suppose que les Juifs, comme les autres peuples de l’antiquité, avaient l’habitude de retirer leurs chaussures en cette circonstance. Joa., xii, 3. II est même à supposer qu’il ne les gardaient jamais à l’intérieur de leurs maisons. Les Juifs retiraient parfois leurs chaussures pour courir plus vite, comme le font en tous pays les personnes