Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/31

Cette page n’a pas encore été corrigée
43
44
CAINAN — CAIPHE


saint Lue, qui confirme la leçon des Septante en la reproduisant. Certains exégétes, il est vrai, sont d’avis que l'évangéliste, en adoptant la liste des traducteurs alexandrins, n’en sanctionne pas pour cela l’authenticité. Cependant il faut, selon la judicieuse observation du P. Brucker, remarquer que le passage de saint Luc n’est pas une simple citation des Septante. En effet on voit, par la manière dont la liste généalogique du troisième Évangile est rédigée, que l’existence de Caïnan y apparaît comme « l’affirmation d’un fait, qu’il répète d’après les Septante si l’on veut, mais en se l’appropriant et en lui conférant par là même la certitude inséparable de toute affirmation d’un auteur inspiré ». Controverse, septembre 1886, p. 99. Il en est qui pensent que saint Luc n’a pas emprunté la liste généalogique à la traduction alexandrine, mais qu’il l’a prise dans les registres publics ou dans les archives de la famille de David. S’il en était ainsi, ce serait un argument historique de plus en faveur du Caman postdiluvien. Mais, quelle que soit la source où saint Luc a puisé ses informations, on ne peut point rouvrir contre son Caïnan le procès intenté à celui des Septante. Tous les manuscrits grecs, latins, syriaques, etc., du troisième évangile portent ce nom. On ne connaît qu’une exception, un seul manuscrit où il manque, et ce manuscrit est fort suspect ; c’est le Codex Bezse, fameux par ses leçons souvent singulières. D’une pareille unanimité dans les copies, n’est-on pas en droit de conclure que le nom de Caïnan se trouvait dans l’original ? Et cette conclusion, à son tour, paraît en entraîner deux autres : la présence de ce nom dans le texte grec primitif et l’existence réelle de Caïnan. E. Palis.

    1. CAÏNITES##

CAÏNITES, descendants de Caïn, fils aîné d’Adam. Nous connaissons le nom de quelques-uns d’entre eux : Hénoch, - Irad, Maviæl, Mathusæl, Lantech, et les trois fils de ce dernier, Jabel, Jubal et Tubalcaïn. Gen., iv, 18-22. La liste de ces noms, inscrits dans la Genèse par ordre de descendance, forme une série généalogique parfaitement distincte de celles des Séthites, Gen., v, 4-31.

Voir GÉNÉALOGIES ANTÉDILUVIENNES.

D’après ce que la Genèse, iv, 19-23 ; cf. vi, 1-6, nous raconte des Caïnites, nous voyons qu’ils portèrent jusqu'à la fin l’empreinte du tempérament moral de leur père. La cupidité de Caïn et son amour pour les biens terrestres passèrent à sa race et lui imprimèrent un grand élan pour le développement de la civilisation matérielle. La fondation d’une ville par Caïn dut entraîner la construction d’autres villes à mesure que la population s’accroissait ; et de là résulta sans doute chez ses descendants une tendance à négliger l’agriculture, qui avait été l’occupation de Caïn, pour s’appliquer aux métiers et aux arts. Aussi, pendant que les Séthites continuent à donner leur préférence à la vie pastorale, voyons-nous les Caïnites, après quelques générations, se distinguer par les inventions qui conviennent aux habitants des villes ; Jubal, qui est mentionné comme étant, parmi les siens, le père des nomades, semble faire seul exception. Gen., iv, 20-22.

Un autre caraclère transmis par Caïn à sa race, c’est une sorte de mélange d’orgueil arrogant, de violence, d’impiété et de sensualité, aboutissant à une licence effrénée chez ceux dont les filles sont appelées, d’après une opinion fort probable, les « filles des hommes ». Gen., vi, 2. Les noms mêmes de trois de ces femmes, que l'Écriture nous a conservés, exhalent comme un parfum de sensualisme : Noéina « agréable, aimable », la lille de Lamech ; Ada, « ornée, » et Sella, « la brune, » ses deux femmes. Cf. S. Augustin, De Civit. Dei, xv, 20, t. xli, col. 465. La corruption des Caïnites finit par se communiquer aux Séthites ; ce fut la conséquence naturelle des relations qui s'établirent entre eux, mais surtout du mariage des a enfants de Dieu » ou Séthites avec les « filles des hommes », c’est-à-dire des Caïnites, d’après l’explication des Pères. S. Augustin, De Civit. Dei, xv, 21, t. xli,

col. 472. Le débordement général des vices qui en résulta amena sur la terre le châtiment du déluge universel, Gen., vi, 1-3, 6-7. Voir Déluge. — Le nom de Caïnites fut porté, au ir* siècle de notre ère, par les membres d’une secte dérivée des gnostiques, qui rendaient de grands honneurs à Caïn. Ils prirent, à cause de cela, le nom spécial de Caïnites, quoiqu’ils honorassent en même temps Cham, les Sodomites, Coré, Judas et généralement tous les personnages célèbres dans l’histoire par leur perversité. Ils prétendaient que Caïn tirait son origine d’un principe supérieur au Créateur qui avait donné l’existence à Abel. Ils déclaraient la guerre aux ouvrages de ce Créateur et se livraient à toute sorte d’abominations. Voir S. Épiphane, Hier., xxxviii, t. xli, col. 653 ; Tertullien, De præscript., xl vii, t. ii, col. 65 ; S.Augustin, De Hier., xviii, t. xlii, col. 29. E. Palis.

    1. CAIPHE##

CAIPHE (KaiVfcpoc ; ), grand prêtre juiꝟ. 18-36 après J.-C, de son vrai nom Joseph, comme nous l’apprend l’historien Josèphe, Ant. jud., XVIII, ii, 2 ; iv, 2 ; Caïphe n'était qu’un surnom ; saint Matthieu semble l’indiquer, xxvi, 3. Diverses étymologies de KaViçaç ont été proposées. Saint Jérôme, Fragm. II, De nomin. hebr., t. xxiii, col. 1158, dit qu’il signifie : investigator vel sagax, sed melius vomens ore. D’après les savants modernes, Kaiaçoc j viendrait de Kayefa', « oppresseur, » ou de Kefa, « rocher. » Derenbourg, Essai sur l’histoire et la géographie de laPalestine, p. 215, note 2, s’appuyant sur un passage de la Mischna, Parah, iii, 5, affirme que la vraie orthographe du nom de Caïphe est Qaïpha, par un qoph. Franz Delitzsch est du même avis, Zeitschrift fur lutherische Théologie, 1876, p. 591. Il reconnaît d’ailleurs, , comme M. Derenbourg, qu’on ne peut expliquer l'étymoIogie de ce surnom.

Caïphe, gendre d’Anne, Joa., xviii, 13, avait été établi grand prêtre, en l’an 18 de notre ère, par Valerius Gratus, en remplacement de Simon, fils de Kamith, et fut destitué, en 36, par Vitellius. Il fut donc grand prêtre pendant près de dix-huit ans ; ce long pontificat, en un temps où les grands prêtres se succédaient rapidement, s’explique uniquement par la bassesse d'ârne et la servilité de Caïphe. Les procurateurs romains trouvèrent en lui un instrument docile. À diverses reprises, le grand prêtre, chef religieux et civil de la nation juive, aurait dû prendre la défense des intérêts religieux de son peuple ; l’histoire ne dit pas que Caïphe se soit joint aux protestations des Juifs indignés des sacrilèges du procurateur romain. Lorsque Pilate fit porter à Jérusalem les images de César, qui surmontaient les étendards des légions ; lorsqu’il s’empara du trésor du temple (korban) et qu’il fit massacrer le peuple, les Juifs protestèrent ; mais Caïphe, malgré sa qualité de pontife, semble avoir tout accepté, car il n’est jamais question de lui. Nous savons par saint Luc, iii, 2, qu’il était grand prêtre au temps où saint Jean-Baptiste commença sa prédication (voir Anne), et nous le retrouvons au sanhédrin, après la résurrection de Lazare. Joa., xi, 47-ôi. Les grands prêtres et les pharisiens étaient hésitants sur la conduite à tenir envers Jésus ; s’ils le laissent aller, tous croiront en lui, et les Romains viendront et détruiront le pays et la nation. Un d’eux, Caïphe, le grand prêtre de cette année-là, leur adresse ces paroles : « Vous n’y entendez rien, vous ne réfléchissez pas qu’il vaut mieux pour vous qu’un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas tout entière. » Ce n’est pas de lui-même, ajoute l'évangéliste, qu’il parlait ainsi ; mais, étant grand prêtre cette année-là, il prophétisait que Jésus allait mourir pour la nation, et non seulement pour la nation, mais pour rassembler les enfants de Dieu qui étaient dispersés. Joa., xviii, 14. Malgré son indignité, Caïphe a donc été en cette occasion le porte-parole de Dieu. Ce n’est pas en tant qu’homme privé que Caïphe a parlé, mais comme représentant officiel de Jéhovah, comme grand