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593 CHARLES LE CHAUVE (BIBLES DE) — CHARME CONTRE LES SERPENTS 594

1° Le manuscrit n° 1 du fonds latin de la Bibliothèque nationale, connu sous le nom de « première Bible de Charles le Chauve », est un volume de grand format (495 millimètres sur 375), comptant 423 feuillets à deux colonnes de 51 lignes, relié aux armes de Colbert. Jusqu’en 1675, il appartint au chapitre de la cathédrale de Metz, qui à cette date en fit présent à Colbert. En tête, on trouve une dédicace à l’empereur :

Rex benedicte tibi hæc placeat bibliolheca Carie… A la fin, une peinture représente l’empereur sur son trône ; devant lui un personnage fait avancer douze clercs, dont l’un présente au prince un grand livre relié en rouge ; une dédicace en vers renferme le nom du donateur, le comte Vivianus, abbé de Saint -Martin, à Tours ({ 851), et peut-être les noms des copistes et enlumineurs, Haregarius, Amandus, Sigraldus. Cette Bible a été exécutée à l’abbaye de Saint -Martin de Tours, entre 845 et 851, dans la grande école calligraphique que posséda le monastère dans la première moitié du IXe siècle. L. Delisle, Mémoire sur V école calligraphique de Tours, Paris, 1885. Il est vraisemblable que cette Bible, donnée à Charles le Chauve par l’abbaye de Tours, aura été donnée par Charles le Chauve à la cathédrale de Metz, où, le 9 septembre 869, il fut couronné roi des États de Lolhaire. Les inscriptions en vers sont écrites en capitales d’or sur fond pourpre, les préfaces en onciales d’or sur pourpre. Le texte biblique est en onciale, les incipit en or sur pourpre, les initiales à entrelacs ou à sujets. Les canons d’Eusèbe, les sommaires ou capitula, sont écrits sous des arcades d’où pendent des lustres, et surmontées de figurines animées. De grandes peintures à pleine page complètent l’ornementation du volume. Il renferme toute la Vulgate. Voir la description et un facsimilé dans L. Delisle, Le cabinet des manuscrits, t. iii, Paris, 1881, p. 234 et pi. xx.

2° Le manuscrit latin n° 2 de la Bibliothèque nationale est connu sous le nom de « deuxième Bible de Charles le Chauve » : grand format (430 millimètres sur 335), 444 feuillets à deux colonnes de 52 lignes, relié aux armes d’Henri IV. Jusqu’en 1598, où elle passa dans la bibliothèque du Roi, cette Bible appartint à l’abbaye de Saint-Denis. Ici encore, en tête, on lit une dédicace à l’empereur : JBiblorum seriem Karolus rex inclitus islam Contexit chryso, corde calens catharo…, poème qu’une allusion qu’il renferme à la mort du fils de l’empereur, Charles, roi d’Aquitaine, permet de dater des environs de 865. Cette Bible a dû être la Bible personnelle de Charles le Chauve, et être léguée par lui en mourant à Saint-Denis. Peut-être même avait-elle été exécutée dans l’abbaye de Saint -Denis. Les inscriptions en vers sont en capitales d’or sur fond pourpre ; le texte est en minuscule, les premiers versets en onciales d’or ; les initiales sont de grandes lettres ornées. Comme le précédent, ce manuscrit renferme toute la Vulgate. Voir description et fac-similé du manuscrit dans L. Delisle, ouvr. cit., t. III, p. 259 et pi. xxviii.

3° La Bibliothèque Nationale possède encore, n° 1152 du fonds latin, un troisième manuscrit du même empereur, « le Tsautier de Charles le Chauve, » d’un format moindre que les précédents (210 millimètres sur 185), 173 feuillets, écrit à pleine page sur 20 lignes, ayant encore sa reliure ancienne avec ivoires sculptés et cabochons. Il renferme le texte gallican du psautier, plus les cantiques, le TeDeum, le Symbole de Nicée, le Quicumque vult, enfin des litanies où Dieu est invoqué pour Charles, la reine Hermintrude († 869) et leurs enfants, et à la fin desquelles le copiste a mis son nom :

Hic calamus facto Liuthardi fine qidevit. Le manuscrit contient comme les autres une image de dédicace à Charles le Chauve. Il est écrit tout entier en onciales d’or, à l’exception de quelques pages en minuscules, et de quelques versets messianiques qui sont sur

fond pourpre. Grandes initiales peintes. Description et fac-similé dans L. Delisle, ouvr. cit., t. iii, p. 320. Le fac-similé que nous en donnons ci-joint (fig. 207) contient Ps. cxvii, 28- cxviii, 8.

4° La Bibliothèque royale de Munich, sous le n° 14000, possède un quatrième manuscrit portant la reliure en or que lui fit donner Ramvold, abbé de Saint -Emrneran, à. Ratisbonne (975-1001) ; grand format (420 millimètres sur 320), 126 feuillets à deux colonnes de 40 lignes. Ce splendide volume a été exécuté en 870 ou C71, par les copistes Beringarius et Liuthardus, ce dernier le même que pour le psautier ci-dessus. Le manuscrit est écrit en entier en lettres d’or. Une image représente Charles le Chauve béni par la main de Dieu, avec l’inscription : Francia grata tibi, rex inclite, munera defert… Ce manuscrit des quatre Évangiles est connu sous le nom d’  « Évangiles de Saint-Emmeran ». Légué à l’abbaye de Saint -Denis à la mort de Charles le Chauve, il aurait été échangé vers 893, par l’abbé de Saint -Denis, contre la moitié du corps de saint Denis, dérobé à l’abbaye par les gens de l’empereur Arnoul, lequel le passa à Saint-Emmeran. Les Évangiles de Saint-Emmeran, le Psautier de Charles le Chauve, comme aussi le Codex Paulinus, auquel nous consacrerons un article spécial, auraient été copiés à l’abbaye de Corbie. — Voir sur ces manuscrits et sur les manuscrits carolingiens en général le mémoire de M. H. Janitschek, dans la publication qui a pour titre Die Triérer Ada-Handschrift, Leipzig, 1889, p. 63-111, et S. Berger, Histoire de la Vulgate, Paris, 1893, p. 243-299. P. Batiffol.

CHARME contre les serpents. Moyen employé par les charmeurs pour prendre les serpents ou les rendre inolfensifs. — 1° Les Hébreux appelaient le charme laliaS, de la racine MhaS, usitée à la forme pihel, lihês, <.< siffler, parler à voix basse, chuchoter, » parce que les charmeurs, melahasim, « les siffleurs, » Ps. lviii, 6, attirent le serpent en sifflant et en chuchotant une conjuration plus ou moins intelligible. Voir Charmeurs de serpents. — L’Ecclésiaste, x, 11, compare le médisant au serpent (ndhâs) qui mord lorsqu’il n’en est pas empêché par le charme (lahas). (La Vulgate traduit le mot hébreu par « en silence », mais elle ne rend pas le sens de l’original.) — Jérémie, vin, 17, menaçant son peuple, au nom de Dieu, de grands châtiments, leur dit : « Je vais envoyer contre vous des serpents (nehâSim) et des vipères (sife’ônim) contre lesquels il n’y a pas de charme (laljaS), et ils vous mordront. » La Vulgate traduit exactement dans ce passage lahas par incantatio. — 2° Isaïe, iii, 3, appelle le charmeur nebôn lahas, « celui qui connaît les charmes. » Vulgate : prudentem eloquii mystici. Saint Jérôme, In Is., iii, 3, t. xxiv, col. 62, dit qu’il traduit ainsi d’après Symmaque (Théodotion et Aquila, au rapport du même saint docteur, ibid., avaient traduit justement : « prudent enchanteur » ), et eloquium mysticum doit s’entendre du charme. Les Septante ont traduit inexactement : ouvstôv àxpoaîT|v, « un intelligent auditeur, » ou, comme beaucoup l’interprètent, mais non moins faussement, « un orateur éloquent. » (Schleusner, Thésaurus sive Lexicon in LXJC, 1824, t. i, p. 133.) — 3° D’après une interprétation très vraisemblable, parce qu’elle s’appuie sur le sens du mot lahaS qui vient d’être exposé, le bijou mentionné par Isaïe, iii, 20, sous le nom de leliâsim ( Vulgate : inaures, « pendants d’oreilles » ) et porté par les femmes juives, était une amulette sur laquelle on avait écrit une formule ou charme contre les morsures des serpents. La forme en est inconnue. Voir t. i, col. 531. Quelques-uns ont supposé que les lehâSwi avaient la forme de serpents.

F. VlGOUROl’X.

CHARMEL. La Vulgate, à la suite des Septante, qui portent XÉpjisX, a rendu comme un nom propre, désignant le mont Carmel (S. Jérôme, In Is., xxix, 17, t. xxiv, col. 335), le substantif commun hébreu kcutnél,