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CHARBONS ARDENTS — CHARGAMIS

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L’auteur du Psaume cxx (cxrx), 4, dit également de la langue astucieuse :

Ge sont les flèches du fort, cuisantes Comme les charbons de genêts.

Saint Jérôme, Ep. lxxiii, ad Fabiolam, xv, t. xxii, col. 710, croit que l’arbuste ici nommé, le rotém, est le genévrier, et il prétend que le feu de son charbon se conserve sous la cendre jusqu’à une année entière. Cet arbuste n’est pas le genévrier, mais le genêt du désert, dont les racines servent à faire du feu. Voir Genêt. Les Arabes l’emploient à. la préparation d’un charbon fort estimé au Caire, où il atteint un plus haut prix que les autres. Les racines sont plus fortes et plus compactes que les branches. Elles fournissent en conséquence un charbon durable et très calorifique, comme celui des bois durs. Par là s’explique la comparaison du Psalmiste. Cf. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 360. — 4° On lit au Psaume xviii (xvii), 9, 13 ; II Reg., xxii, 9, dans lequel David décrit l’apparition majestueuse de Jéhovah :

Le feu dévorant sort de sa bouche,

De lui jaillissent des charbons de feu…

De la splendeur qui l’entoure s’élancent des nuées,

De la grêle et des charbons de feu.

Dans ce passage, qui rappelle la théophanie du Sinaï, les charbons de feu, mêlés aux nuées et à la grêle, représentent les éclairs et la foudre. Au Psaume cxl (cxxxix), 11, c’est encore la foudre, par conséquent la vengeance divine, qui est appelée sur les méchants par ces paroles :

Que sur eux soient secoués des charbons de feu.

— 5° Enfin dans les Proverbes, xxvi, 21, on lit ces paroles que répète saint Paul, Rom., xil, 20 :

Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; S’il a soif, donne-lui à boire ; Ainsi tu amasseras des charbons sur sa tête, Et Jéhovah te récompensera.

Les charbons de feu ne sont certainement pas ici un signe de malédiction. Appeler la malédiction sur son ennemi ne serait ni mériter la récompense de Jéhovah, ni « vaincre le mal par le bien », comme ajoute saint Paul, Rom., xii, 21. Celte expression est ainsi expliquée par saint Jérôme, Ep. cxx, ad Hedibiam, i, t. xxii, col. 983 : « Quand nous rendons service à nos ennemis, nous élevons notre bienveillance au-dessus de leur malice, nous amollissons leur dureté, nous inclinons leur esprit irrité à la douceur et à la bonté ; … et de même que le charbon pris sur l’autel par le séraphin purifia les lèvres du prophète, ainsi les péchés de nos ennemis sont purifiés, et nous vainquons le mal par le bien. » Les charbons ardents désignent donc ici les soucis cuisants, la honte salutaire, le remords que l’homme bienveillant suscitera par sa charité dans l’esprit de son ennemi. Les Arabes appellent de même « charbons du cœur » lès inquiétudes qui dévorent lame, et dans leur langage, « laisser au cœur de quelqu’un des charbons de tamaris, » c’est lui causer un souci qui se prolongera, comme le feu que gardent longtemps les charbons provenant de cette plante. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 280.

3° Sens symbolique. — Les chérubins de la vision d’Ézéchiel, I, 13, ressemblent à des charbons ardents, à cause du vif éclat qui les pénètre et qui symbolise la majesté de Dieu et ses attributs terribles. Deut., iv, 24. — Dans une autre vision, x, 2, le même prophète voit entre les chérubins des charbons ardents que le Seigneur ordonne de répandre sur Jérusalem coupable. Les charbons représentent ici le feu du ciel, celui de la colère divine, qui a consumé les villes criminelles d’autrefois, Gen., xix, 24, et que plus tard deux apôtres voudront faire descendre sur les cités de la Samarie. Luc, ix, 54.

— Enfin, dans la vision où il est investi du ministère prophétique, Isaïe, vi, 6, voit un séraphin qui tient un caillou pris au foyer de l’autel et lui en touche les lèvres pour le purifier. Les Septante appellent ce caillou un « charbon de feu » ; mais en réalité c’est une pierre chauffée dans un brasier et remplissant ensuite le rôle du charbon ardent. Il y a ici un symbole de purification

indiqué par le texte même du prophète.

H. Lesêtre.
    1. CHARCAMIS##

CHARCAMIS (hébreu : Karkemîs ; Septante : X « pjist’ç, dans Jer., xlvi, 2 ; ils l’omettent II Par., xxxv, 20, et Is., X, 9 ; inscriptions assyriennes : Gar - gamis ou Kar-ga-miS ; égyptiennes : Quairqamasa ou Karkamisa), ville très ancienne, située sur la rive droite du haut Euphrate, et, depuis

la chute de Cadès dans

les incursions des pha raons de la xviif et de

la xixe dynastie, l’une des

principales capitales de la

confédération héthéenne

et siège d’un roi puissant

(fig. 202). Elle était située

sur la route qui mettait en

communication l’Egypte

et la Palestine avec l’As syrie et la Babylonie, le

désert empêchant de se

rendre en droite ligne

d’Egypte à Babylone, et

la route moins septen trionale et moins longue

de Thadmor ou Palmyre

n’étant pas encore ouverte

au commerce et étant peu

praticable aux armées.

Cette ville avait été con quise par Thothmès III,

pharaon de la xviii 6 dy nastie, et même déjà peut être par Thothmès I er ;

Ramsés II et Ramsès III

durent lutter avec ses

troupes, quand ils entre prirent d’imposer leur

joug à la confédération héthéenne. Maspero, Histoire de l’Orient, 1886, p. 190 et 199-200, p. 220 et 232 : Records of the Past, t. ii, p. 67 ; nouv. sér., t. v, p. 38 ; t. vi, p. 34. Charcamis trouva bientôt après des ennemis plus voisins et plus redoutables, Théglathphalasar I er, roi d’Assyrie, Salmanasar H (fig. 203) et ses successeurs, qui dans leurs nombreuses expéditions contre la Syrie, la Phénicie et la Palestine, la pillèrent et la rançonnèrent jusqu’à ce que Sargon mit fin à son indépendance et lui donnât un gouverneur assyrien, pour s’assurer la route de l’Asie occidentale et de l’Egypte. Isaïe, x, 9, fait allusion, dans sa prophétie contre l’Assyrie, à la prise de cette ville par le roi de rs’inive. C’est la première fois qu’elle est nommée dans l’Écriture. Elle y est nommée une seconde fois à l’occasion de la campagne de Néchao II. Elle avait conservé sous la domination de l’Assyrie son importance commerciale. Celui qui la gouvernait pouvait aspirer au titre de limmu ou consul-éponyme, comme les plus hauts fonctionnaires de la cour assyrienne et comme le roi lui-même. Voir The Cuneiform Inscriptions of the Western Asia, t. i, pi. 42, 1. 74 ; A. Schrader, Keilinschrifen und Geschichtsforschung, in-8°, Giessen, 1878, p. 221-225. Quand l’empire assyrien eut succombé, la possession de cette ville tenta le roi d’Egypte. En 608, le pharaon Néchao II voulut prendre sa part des dépouilles de l’Assyrie en conquérant l’Asie occidentale et la route de l’Euphrate jusqu’à Charcamis, dont il s’empara, après avoir battu à Mageddo

[[File: [Image à insérer] |300px]]
202. — Rot de Charcamis.

Stèle de basalte. Britlsh Muséum.