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CAILLE


grasse, mais succulente. Elle ne renferme aucun principe nuisible à l’homme qui s’en nourrit, contrairement à l’opinion de quelques anciens. Pline, H. N., x, 23 ; Lucrèce, iv, 642. Si donc tant d’Israélites ont péri après en avoir mangé au désert, il faut l’attribuer en partie à leur gloutonnerie, et surtout à l’intervention de la colère divine.

2° Provenance et migration des cailles. — Les cailles sont originaires des pays chauds. Diodore de Sicile, i, 60, atteste qu’elles abondaient sur les frontières d’Egypte et de Syrie. Josèphe, Ant. jud., II, iii, 5, rappelle en ces termes l'événement raconté au livre des Nombres : « Il arriva une grande quantité de cailles, espèce d’oiseaux que nourrit particulièrement le golfe Arabique. » Les cailles ressentent un impérieux besoin de voyager. Chaque année, en avril et eu septembre, même quand elles sont en captivité, elles s’agitent instinctivement comme pour partir. À l'état libre, elles se groupent en multitudes immenses, et attendent un vent favorable pour entreprendre la traversée des mers. Sans le secours du vent, elles ne pourraient voyager à longue distance. Aristote, Hist. anim., viii, 14. Elles profitent de toutes les îles pour se reposer. C’est ainsi qu’elles s’abattent en foule à Malte et dans les îles de l’Archipel, quand elles passent d’Afrique en Europe. Parfois elles descendent sur les vaisseaux. Pline, H. N., x, 23, parle d’un bâtiment submergé sous le poids de ces oiseaux. Si le vent les contrarie trop violemment avant qu’elles puissent aborder en quelque endroit, les cailles sont bientôt condamnées à périr. « Elles traversent régulièrement le désert d’Arabie, en volant surtout pendant la nuit. Comme elles ne sont pas de haut vol, malgré leurs habitudes de migrations, elles choisissent instinctivement les bras de mer les plus étroits, et mettent à profit toutes les îles pour y faire une halte. » Tristram, The natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 231. À leur première apparition au camp d’Israël, les cailles venaient de la côte d’Afrique, et étaient amenées à travers le golfe de Suez par un vent de sud-ouest. Dans le second cas, le Ps. lxxviii parle des vents de l’est et du midi. Les cailles arrivaient donc d’Arabie et venaient de faire la traversée du golfe d’Akabah. « Conformément à leur instinct bien connu, elles durent suivre la côte de la mer Rouge jusqu'à l’endroit où la presqu'île du Sinaï la divise en deux. Puis, profitant d’un vent favorable, elles traversèrent le détroit et se reposèrent près du rivage avant d’aller plus loin. C’est pourquoi nous lisons que le vent les amena de la mer, et que, se maintenant près du sol, elles tombèrent comme la pluie autour du camp. Elles commencèrent à arriver le soir, et le matin suivant toute la troupe se reposait. » Tristram, Natural History, p. 232.

3° Leur grand nombre. — Quelques auteurs pensent que le mâle de la caille est polygame. Le fait n’est pas prouvé. La ponte annuelle de la caille est de douze à quinze œufs, et les cailletaux, à peine éclos, commencent déjà à se tirer d’affaire par eux-mêmes. Les migrations des cailles sont extraordinairement nombreuses. « Il en tombe une quantité si prodigieuse sur la côte occidentale du royaume de Naples, aux environs de Nettuno, que sur une étendue de côtes de quatre à cinq milles, ou en prend quelquefois jusqu'à cent milliers par jour. » Buffon, Œuvres, 1845, t. v, p. 393. Dans l'île de Capri, le sol est couvert de ces oiseaux au mois de septembre, si bien que l'évêque, qui en tire un certain revenu, porte le surnom d' « évêque des cailles ». Tristram, Natural History, p. 232, dit avoir vu « en avril, au point du jour, le sol de l’Algérie couvert de cailles sur une étendue de plusieurs acres, là où la veille dans l’après-midi on n’apercevait rien. Elles étaient si fatiguées, qu’elles remuaient à peine, tant qu’on ne marchait pas sur elles. Bien qu’on les massacrât par centaines, elles ne quittèrent la place que quand le vent changea ». Quand elles passent en troupes dans la basse Egypte, elles sont si pressées que les enfants mêmes en

tuent plusieurs d’un seul coup de bâton, et si nombreuses qu’elles pénètrent en quantité jusque dans les églises. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 1889, t. ii, p. 467.

4° Capture des cailles. — Quand les cailles sont extrêmement fatiguées, il est assez facile de les prendre ou de les tuer sur place. On peut encore se saisir d’elles quand elles volent, car elles s'élèvent alors très peu au-dessus du sol. Quand le texte hébreu dit qu’il y avait des cailles tout autour du camp « à une hauteur de deux coudées », il faut donc entendre cette expression non de l'épaisseur du gibier qui jonchait le sol, mais de la hauteur à laquelle il volait. Ainsi l’a compris avec raison la Vulgate. Autrefois, on prenait les cailles au moyen de filets tendus sur le rivage. Diodore de Sicile, 1, 60. Aujourd’hui encore, en Orient, on s’empare d’elles en grandes quantités à l’aide de procédés probablement très anciens. Parfois on entoure la place où elles se sont fixées, en formant un cercle ou une spirale qui se rétrécit de plus en plus. Quand

14. — Préparation de conserves d’oiseaux en Egypte. D’après ChampoUion, Monuments de l’Egypte, t. ii, pi. clxxxv.

à la fin les oiseaux se trouvent rassemblés en une même masse, les chasseurs jettent les filets sur eux. D’autres fois, après avoir fait cercle autour des cailles, on fond tout d’un coup sur elles à un signal donné, et en peu de temps on prend par milliers les oiseaux terrifiés. Dans le nord de l’Afrique, aussitôt qu’un vol de cailles s’est abattu, les gens du village voisin les cernent de loin, en agitant leurs burnous avec leurs bras étendus comme les ailes de grands oiseaux. Peu à peu ils obligent les cailles à chercher un abri dans des buissons naturels ou artificiels, et quand elles s’y sont réfugiées, ils couvrent les buissons de leurs burnous et enferment leur proie comme dans une cage. Les cailles se laissent ainsi rassembler parce qu’elles préfèrent se servir de leurs pattes plutôt que de leurs ailes. Néanmoins, quand elles ne sont pas fatiguées, elles finiraient par s’envoler et par échapper aux chasseurs, si ces derniers ne procédaient pas avec précaution. Cf. Wood, Bible Animais, Londres, 1884, p. 434. Les Israélites du désert ne furent donc pas embarrassés pour saisir les cailles en grand nombre, surtout à la suite du voyage fatigant qu’elles venaient d’exécuter. — Le Seigneur avait promis des cailles pour un mois. Les Hébreux pouvaient conserver cet aliment pendant longtemps, en employant le procédé qu’ils avaient vu en usage parmi les Égyptiens. Ceux-ci faisaient sécher les cailles au soleil. Hérodote, il, 77. Les Hébreux en firent autant. Les Égyptiens préparaient aussi leurs conserves de gibier à plume dune manière plus compliquée. Les monuments représentent cette opération (fig. 14). Le premier Égyptien plume l’oiseau ; le second le vide ; le troisième le met dans de grandes jattes avec du sel. Quand on voulait se servir de ces conserves, on commençait par faire dessaler l’oiseau dans l’eau pendant plusieurs heures.

5° Caractère miraculeux de ces deux événements. — L’apparition de nombreuses troupes de cailles au désert du Sinaï est un phénomène naturel. Dieu cependant ne