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CHALDEE


ancêtres des Kurdes actuels. Schrader-Whitehouse, the cuneiform Inscriptions and the Old Testament, 1885, t. i, p. 110-119. Voir Strabon, xir, 549 : « On nommait autrefois Chalybes ceux qu’on nomme aujourd’hui Chaldéens. »

Il n’est pas encore possible de donner d’une manière suivie l’histoire des origines de la Chaldée. Les inscriptions primitives tirées des tells chaldéens sont déjà en fort grand nombre ; maispresques toutes ne contiennent autre chose que le nom d’un roi ou d’un prince vassal, patesi, quelquefois celui de son père, le nom de la localité qu’il gouverne, celui du dieu auquel il consacra tel ou tel temple. D’autre part, on n’a pas retrouvé, pour ces anciens souverains, les listes royales analogues à celles de la Babylonie et de l’Assyrie. La position des inscriptions aux fondations ou aux étages supérieurs d’un édifice, le caractère plus ou moins primitif des caractères dont ces inscriptions se composent, le plus ou moins de iini des sculptures, donnent assez peu de lumière pour établir des groupements et des listes absolument certains.

Chacune des principales localités chaldéennes, à l’origine, a son prince, soit indépendant, soit vassal de quelque autre : Ur et Tell-Loh nous apparaissent avec deux dynasties contemporaines (Records of the Past, nouv. sér., t. i, p. 52 ; t. ii, p. 108, 109 ; Schrader, K eilinschriftliche Bibiothek, t. iii, part, i, p. 70-71, cf. p. 80-81, n. 10 ; Académie des inscriptions et belles-lettres, Comptes rendus, t. xxiii, 1895, p. 211) : d’abord indépendants, les princes de Tell-Loh finissent par reconnaître la suprématie de ceux d"Ur. Pour Tell-Loh, on a pu retrouver les noms d’une douzaine de ces princes, dont jusqu’à présent le plus célèbre est Gudèa [ ?] ; d’Ur, on en connaît huit (cf. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, p. m et iv), surtout Ur-Bagïs [ ?] ou Ur-Gur [ ?], dont on a donné aussi la lecture provisoire Ur-Kham, en souvenir du Pater Orchamus, connu des classiques comme fondateur du royaume chaldéen et comme grand constructeur : les temples bâtis par lui se retrouvent à Ur, à Arach, à Larsa et même au delà de la Chaldée, dans la Babylonie proprement dite. Les inscriptions laissent entrevoir qu’à cette époque, bien antérieure à Abraham, les relations de peuple à peuple, soit pacifiques, soit à main armée, étaient déjà asse# étendues. Goudéa porte ses armes jusque dans le pays d’Élam ; l’Arabie et la péninsule sinaïtique [ ?] lui fournissaient des matériaux pour ses édifices ; du mont Amanus, en Syrie, il tirait du bois de construction et des cèdres ; peut-être même était-il en relations commerciales avec l’Egypte. Le palais de Goudéa. dont les ruines ont été explorées récemment par M. de Sarzec, contient déjà le plan des palais assyriens et babyloniens, tels que ceux d’Assurbanipal et de Nabuchodonosor : élevé sur un tertre artificiel, il renferme, comme les palais orientaux actuels, un harem, un sérail (appartements d’état) et un khan (dépendances). L’une des cours renfermait aussi sa pyramide à étages, qui servait à la fois de temple et d’observatoire. Les statues mutilées, trouvées dans le palais de Tell-Loh par M. de Sarzec, et maintenant au Musée du Louvre, nous reportent bien loin des hésitations et des incorrections du premier âge ; le ciseau s’attaque à la pierre la plus dure, le diorite, avec vigueur et succès : la main de l’artiste est expérimentée et sure d’elle-même. Le type reproduit n’est pas le type sémite ; les personnages sont généralement petits et trapus, ont le nez assez court et épaté, les lèvres épaisses, le visage complètement imberbe, la tête rasée, quelquefois couverte d’une sorte de calotte munie d’un fort rebord retroussé tout autour. E. Babelon, Manuel d’archéologie orientale, in-12, Paris, 1888, p. 16-60. Les petits cylindres de pierre fine qui servaient à la fois d’amulette et de cachet, et marqués au nom de plusieurs princes de cette époque, sont généralement fort bien dessinés et fort bien gravés, comme on peut en juger par celui du roi dont on lit provisoirement le nom Ur-Bagas [. ?].

Cette période est souvent désignée, d’une façon assez peu. exacte, sous le nom de premier empire chaldéen. La langue de ces inscriptions est celle qui porte les différents noms de sumérien, accadien ou protochaldéen ; l’écriture emploie généralement le caractère cunéiforme imparfait, surtout dans les plus anciennes inscriptions, qui sont presque exclusivement linéaires. Voir Babylone. II. Ethnographie, langage.

III. Religion primitive. — La plupart des textes de cette époque sont des textes religieux, des dédidaces ou inscriptions votives aux dieux du panthéon chaldéen. La lecture des noms divins qu’ils renferment est encore très incertaine, non pas toujours au point de vue du sens, mais au point de vue de la prononciation. Plus tard, ces dieux furent identifiés tant bien que mal avec ceux des Sémites babyloniens, chaldéens ou assyriens. Ana est l’Anu assyrien, l’esprit du ciel ; En-lil-a (ou, comme lit A. Sayce, Lectures on the origin and growth of religion as illustrated by the religion of the ancient Babylonians, 1887, p. 553, Mul-lil-a), l’esprit du monde, devient Bel l’ancien ; En-ki-a ou Ea est l’esprit des abîmes de la terre. De ces dieux et de leurs épouses en naissent beaucoup d’autres : les plus célèbres sont En-zu, fils de En-lil-a, qui devient le Sin des Sémites, le dieu-Lune ; Nina ou Nana, fille d’Éa, est identifiée avec Istar-Vénus ; Nin-girsu se confond avec Nergal ou aussi avec Adar ; Babar est le Soleil, fils du dieu -Lune, le Samas sémitique, etc. Le panthéon chaldéen comprend donc à la fois l’adoration des astres et celle des esprits des éléments de l’univers. Chaque ville avait généralement un dieu particulier, mais dont le culte n’excluait pas celui des autres dieux : Ur adorait spécialement En-zu ; Tell-Loh, Nin-girsu et son épouse Bau ; Arach, la déesse Nana. — Les légendes et les récits traditionnels sur les origines du monde, la création, l’arbre de vie, le déluge, etc., avaient la Chaldée pour pays d’origine ; c’est de là qu’ils passèrent en Babylonie et en Assyrie, ainsi que les rudiments des études mathématiques, astronomiques ou astrologiques, juridiques, etc. ; la langue de la Chaldée resta même la langue savante de Babylone et de Ninive ; cf. Dan., i, 4, 5, 17, où le prophète et ses compagnons sont instruits dans « la langue et les lettres des Chaldéens ». Le mot « chaldéen » du texte sacré ne signifie pas encore, comme il le signifiera plus tard dans la littérature classique, un adepte des pratiques divinatoires ; il signifie plus généralement tout homme versé dans les sciences, juridiques, mathématiques, astrologiques, qui s’enseignaient dans l’ancien idiome de la Chaldée. C’est pourquoi Nabuchodonosor choisit parmi eux des gouverneurs de villes ou de provinces. Les Babyloniens les désignaient 90us le nom de am.il mamuktam, au temps de Sennachérib ( Schrader - Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, 1885-1888, t. ii, p. 31 et 35), c’est-à-dire « homme de profondeur », de sagesse. Hérodote, i, 181, suivi par Diodore de Sicile, H, 21, prétend que les Babyloniens donnaient le nom de Chaldéens tout particulièrement aux prêtres de Bel-JIardouk ; plus tard les représentants dégénérés de la vieille science chaldéenne n’en retinrent plus que la partie astrologique ou superstitieuse, qu’ils colportèrent dans tout l’Occident, et le terme de « chaldéen » ne signifia plus autre chose que devin ou astrologue.

IV. Suite de l’histoire de la Chaldée. — L’état de’choses désigné sous le terme de premier empire chaldéen prit fin à l’époque d’une invasion des Elamites, qui, ayant d’abord ravagé la Chaldée, poussèrent leurs conquêtes jusqu’en Palestine, et tinrent toute l’Asie occidentale sous leur joug durant de longues années. Les inscriptions cunéiformes et la Bible nous donnent les principaux événements de l’occupation élamite : vers l’an 2285, la Chaldée est pillée par Kudur-na-{n)-hundi, roi d’Élam ; au temps d’Abraham, les rois chananéens de la Pentapole essayent de secouer le joug élamite et se font battre