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CHAIR DES ANIMAUX — CHAIRE


dont il a été question plus haut ; ils comprennent les morticina parmi les carnes suffocatse, sous prétexte que le sang des animaux reste dans leur cadavre, quand ils sont morts d’eux-mêmes ou déchirés par les bêtes, comme lorsqu’ils ont péri par la suffocation. Cette confusion a conduit ces auteurs à donner une extension beaucoup trop grande au décret du concile de Jérusalem, Act. xv, 20, 29 ; ce décret défendant les « chairs étouffées », ces auteurs prétendent qu’il défend par là même les morticina. — C’est une erreur ; dans la législation mosaïque, les deux défenses sont tout à fait distinctes ; elles diffèrent quant à la sanction ; la loi qui défend « les chairs étouffées » a pour sanction la peine spéciale du kàrat, c’est-à-dire la mort ou l’excommunication, Lev., xvii, 13-14 ; la loi qui défend les « chairs mortes » a pour sanction une simple impureté légale. Lev., xvii, 15-16. Les deux lois diffèrent aussi quant au sujet : la première oblige non seulement les Hébreux proprement dits, mais même les étrangers qui habitent dans le pays d’Israël, Lev., xvii, 13-14 ; la seconde n’oblige que les Hébreux et permet formellement les morlicina aux étrangers. Deut., xiv, 21. Aussi appelait-on les étrangers « mangeurs de chairs mortes ». Spencer, De Legibus Bébrœorum Ritualibus, p. 440 ; Selden, De jure naturali, vii, 1, Wittenberg, 1770, p. 828. Ces lois diffèrent quant aux motifs qui les ont fait porter ; les motifs de la loi contre les « chairs mortes » sont la propreté et l’hygiène ; dans l’autre loi, Moïse s’est proposé des motifs d’un ordre moral et bien supérieur, ceux surtout de détourner les Juifs de l’effusion du sang humain et de l’idolâtrie. Enfin les deux lois diffèrent quant à la rigueur de l’obligation : la loi concert nant les « viandes étouffées » est très grave, à cause de son but, et l’on ne voit nulle part qu’elle dût céder dans aucune circonstance ; la loi contre les « chairs mortes » cédait, soit dans le cas où les soldats hébreux passaient sur un territoire étranger, comme l’enseigne Maimonide, De Regibus, traduction de Leydekker, 1098, c. 8, n. 1, soit généralement dans le cas de nécessité, comme le dit Grotius, De jure belli, I, iv, § 7, n » 1, La Haye, 1680, p. 97.

Nous venons d’insinuer les motifs de la loi qui défend la chair des animaux morts d’eux-mêmes ou déchirés par les bêtes ; ils se ramènent à deux principaux. — 1. Le premier, c’est la vileté et l’impureté de cette nourriture ; elle ne mérite que d’être jetée aux chiens, Exod., xxii, 31 ; ce serait se souiller que de la prendre. Lev., xxii, 8. L’idée que Moïse donne de cette nourriture est tellement conforme à celle qu’en ont tous les peuples civilisés, qu’il suffit de l’énoncer pour la comprendre et l’accepter. Dieu voulait ainsi peu à peu purifier et élever les mœurs de son peuple ; bien plus, il voulait les sanctifier ; car c’est sous forme de précepte religieux qu’il propose cette loi. Deut., xiv, 21 ; Lev., xxii, 8. — 2. Le second motif, c’est l’hygiène. La chair des animaux morts d’eux-mêmes est insalubre ; la maladie qui les a fait mourir peut se communiquer par la manducation à ceux qui s’en nourriraient ; il en est de même des animaux déchirés par les bétes ; leurs chairs ont été exposées, pendant plus ou moins longtemps, aux piqûres et aux morsures des insectes, reptiles, oiseaux de proie, etc. ; elles sont donc dangereuses, surtout dans les pays chauds, où les chairs se décomposent plus proinptement. Maimonide a signalé l’insalubrité de ces chairs, More Nebochim, iii, 48, p. 495. — En raison de ces deux motifs, nous trouvons les mêmes prescriptions dans plusieurs pays orientaux. Mahomet les a empruntées aux Hébreux, Koran, ii, 168 ; v, 4, 6, traduction Kasimirski, p. 25, 85. Elles sont encore observées par les Arabes, d’après Niebuhr, Description de l’Arabie, t. i, p. 249. Pythagore recommandait aussi cette abstinence ; il dit que la pureté du corps consiste, entre autres choses, à s’abstenir des chairs déjà mangées (par les bêtes), ou des animaux morts d’eux-mêmes. Dans Diogène Lærce, De Vilis phil-, viii, Pythagoras,

33. édit. Didot, p. 212. Cf. Rosenmùller, In Exod., xxii, 30, t. ii, p. 387.

V. Autres cas particuliers d’abstinence. — En terminant ce qui concerne la chair des animaux au point de vue de l’abstinence, signalons quelques prohibitions particulières de la loi mosaïque qu’il suffit d’indiquer ou dont il sera traité plus à fond dans les articles spéciaux.

— 1. Les hommes « souillés », c’est-à-dire frappés d’une des impuretés légales établies par Moïse (Voir Impureté légale), ne peuvent manger de la chair des hosties pacifiques offertes au Seigneur. Lev., vii, 20-21. Ce délit est frappé de la peine du kâraf, dont il a été plusieurs fois parlé. On sait que, dans la plupart des sacrifices, une portion de la chair des victimes revenait à ceux qui les avaient offertes. — 2. La chair des victimes offertes au Seigneur, qui avait touché quelque chose d’  « impur », ne pouvait être mangée, mais devait être brûlée. Lev., vu, 19. — 3. La chair des victimes offertes au Seigneur ne pouvait être mangée que le jour même du sacrifice, ou le lendemain, jamais le troisième jour ; s’il reste quelque chose le troisième jour, il faut le brûler. Lev., vu, 16-18. Ici, la raison de la loi, c’est l’hygiène ; nous avons déjà remarqué qu’en Orient la chair des animaux morts ou tués subit une décomposition rapide. — 4. Si un bœuf frappe de sa corne un homme ou une femme, et que la mort s’ensuive, le bœuf sera lapidé, et sa chair interdite. Exod., xxi, 28. C’est le respect pour la vie humaine qui a dicté cette prescription. — 5. Tout vase, sur lequel tombe un insecte ou un reptile mort, est souillé ; l’eau qu’il renferme est souillée et interdite ; tout aliment sur lequel tomberait cette eau serait également souillé et interdit, Lev., xi, 31-35 ; cf. Num., xix, 15. Les commentateurs admirent ici les soins attentifs et presque minutieux que prend Moïse pour maintenir la propreté et écarter tout danger d’empoisonnement. Cf. Michælis, Mosaisches Recht, § 205, t. iv, p. 207-208.

— 6. La loi de Moïse reproduit jusqu’à trois fois cette défense spéciale : « Vous ne ferez pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère. » Exod., xxiii, 19 ; xxxiv, 26 ; Deut., xiv, 21. Voir Chevreau. — 7. Le vœu du Nazaréat obligeait aussi à une abstinence particulière. Voir Nazaréen. — 8. La graisse des animaux est aussi l’objet de prohibitions spéciales au point de vue de l’abstinence. Voir Graisse. — 9. Les viandes immolées aux idoles sont également frappées d’une interdiction sévère. Voir Idoles.

S. Many.

CHAIRE. Ce mot vient du grec xaôsSpa, de xarâ et é’Spct, « siège » (qui dérive lui-même de É£ou.ai’, i s’asseoir » ), par l’entremise du latin cathedra.

I. Signification du mot. — 1° Catliedra, dans les auteurs classiques, désigne proprement une chaise sans bras, mais à dossier, comme celles dont se servaient les femmes (fig. 168). Horace, Soi., i, 10, 91 ; Martial, Ep., iii, 63, 7 ; xii, 38 ; Properce, iv, 5, 37 ; Phèdre, Fab., iii, 8, 4 ; Calpurnius, vii, 26, par opposition à sella. Voir Siège. Cf. Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités, t. i, 1877, p. 970. — 2° Cathedra désigne aussi le siège sur lequel s’asseyaient les philosophes et les maîtres de rhétorique (fig. 169) pour faire leurs leçons (Juvénal, vi, 90 ; Sénèque, De brev. vit., 10 ; Martial, i, 77, 14 ; Philostrate, Soph., ii, 2 ; Sidoine Apollinaire, Carrn., vu, 9, t. lviii, col. 678 ; Ausone, Epigr. 46), de sorte que ce mot devint comme un terme consacré pour signifier la chaise du professeur ou, en général, de celui qui enseigne. Par extension, elle devint également comme le symbole ou l’emblème de l’autorité enseignante. C’est dans ce sens qu’elle est passée dans le langage ecclésiastique, où elle s’entend, au sens propre, du siège sur lequel s’asseyait le pape ou l’évêque pour présider l’assemblée des fidèles, les instruire et remplir ses fonctions sacrées, et, au sens figuré, de l’autorité pontificale et épiscopale elle-même (Chaire de saint Pierre, le Saint-Siège, etc.). De là aussi l’église principale d’un