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CHAINES BIBLIQUES — CHAIR


Sur les chaînes grecques, consultez Fabricius - Harles, <

Bibliotheca grœca, Hambourg, 1802, t. viii, p. 638-700 ;  :

Harnack, Geschichte der altckristlichen Litteratur, Leipj

zig, 1693, p. 835-842. P. Batiffol. j

1. CHAIR (hébreu : bâèâr ; Septante : aipÇ ; Vulgate :  ; caro). Ce mot se prend dans les Saintes Écritures en plusieurs acceptions diverses. Il peut désigner :

1° Le corps tout entier, dont la chair est la partie la plus notable et la plus visible. Ps. XV, 9. C’est en ce sens que « le Verbe s’est fait chair », c’est-à-dire a pris un corps, Joa., i, 14, et que Jésus-Christ donne sa chair, c’est-à-dire son corps, à manger. Joa., vi, 52-57. Dans ces passages de l’Évangile de saint Jean, la chair désigne le corps j tout entier, etl’àme elle-même par concomitance. Cf. IJoa., [ IV, 2 ; Il Joa., 7. L’hébreu n’a pas, comme nous, de mot particulier pour distinguer le corps et la chair ; bâsâr réunit ces deux significations.

2° La chair proprement dite, c’est-à-dire tout ce qui j dans le corps n’est ni os ni sang. Gen., ii, 21 ; xvii, 11-14 ; 4 xl, 19 ; Exod., xxx, 32 ; Lev., xiii, 2 ; xv, 3 ; Deut., xxviii, 53 ; IV Reg., iv, 34 ; v, 10, 14 ; ix, 36 ; Job, ii, 5 ; vi, 12 ; x, 11 ; xxxin, 21, 25 ; Prov., v, 11 ; xiv, 30 ; Sap., vii, 1 ; Eccli., xiv, 18 ; Ezech., xxxvii, 6 ; Luc, xxiv, 39, etc. Les prophètes annoncent aux Juifs, comme une calamité effroyable, la nécessité à laquelle ils seront réduits un jour de manger la chair de leurs propres enfants. Deut., xxviii, 53, 55 ; Lev., xxvi, 29 ; Jer., xix, 9 ; Bar., ii, 3. La prophétie s’est réalisée en particulier au siège de Jérusalem par Titus. Josèphe, Bell, jud., VI, iii, 4. — Métaphoriquement, « manger la chair de quelqu’un, » c’est le calomnier ou le persécuter. Job, xix, 22, se plaint que ses ennemis ne soient pas « rassasiés de sa chair », c’est-à-dire ne cessent pas de le calomnier. Dans un autre passage, Job, xxxi, 31, où la Vulgate reproduit la même locution, il y a en hébreu : « Qui donnera quelqu’un qui ne soit pas rassasié de sa chair, » c’est-à-dire de la chair des animaux qu’il sert à sa table ? Les méchants entourent David pour « manger ses chairs », le persécuter. Ps. xxvl, 2. De même, les ennemis « mangent la chair du peuple » de Dieu, en l’affligeant de toutes manières. Mioh., iii, 3 ; Zach., xi, 9, 16. Là où la Vulgate dit que les Chaldéens « accusent » les Juifs ou Daniel, le texte chaldéen porte qu’ils « mangent des morceaux » des Juifs ou de Daniel. Dan., iii, 8 ; vi, 25. Cette expression métaphorique est commune en arabe. En araméen, le démon, l’accusateur, est appelé « mangeur de chair ». Cf. Wiseman, Conférences sur les doctrines de l’Église catholique, trad. Jarlit, Paris, 1854, t. ii, p. 302 ; Gesenius, Thésaurus lingual hebrieæ 1835, p. 90, 91 ; Buxtorf, Lexicon chaldaicum, talmudicum et rabbinicum, Leipzig, 1869, p. 46.

3° La parenté ou l’union très étroite entre diverses personnes. Les époux sont « deux en une seule chair ». Gcn., ii, 23, 24 ; Matth., xix, 5 ; Marc, x, 8 ; I Cor., vi, 16. Les parents font partie de la « même chair ». Gen., xxix, 14 ; xxxvii, 27 ; Lev., xviii, 12, 13, 17 ; Jud., ix, 2. Les membres d’une même race disent aussi de leurs compatriotes : « Ils sont notre chair. » II Reg., v, 1 ; xix, 12, 13. En parlant du pauvre, Isaïe, lviii, 7, emploie cette expression tout évangélique : « Si tu le vois nu, couvre-le et ne méprise pas ta chair. »

4° L’ensemble de l’humanité. « Toute chair » est une locution qui désigne la généralité des hommes. Elle se retrouve fréquemment dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament. Gen., vi, 12, 13 ; Deut., v, 26 ; Judith, vii, 16 ; Job, xii, 10 ; xxxiv, 15 ; Ps. lxiv, 3 ; cxliv, 21 ; Eccli., xviii, 12 ; Is., XL, 5 ; xlix, 26 ; Jer., xii, 12 ; xxv, 31 ; Ezech., xx, 48 ; xxi, 4, 5 ; Joël, ii, 28 ; Zach., ii, 13 ; Matth., xxiv, 22 ; Luc, iii, 6 ; Act., ii, 17 ; Rom., iii, 20 ; I Cor., I, 29 ; I Petr., i, 21.

5° L’homme considéré au point devue de sa faiblesse morale, de ses appétits inférieurs, de ses passions mauvaises et de ses péchés. — 1. Dans l’Ancien Testament,

la chair est nommée surtout pour caractériser la faiblesse morale de l’homme. En tant que chair, l’homme est impuissant, Ps. lv, 5 ; lxxvii, 39 ; Jer., xvii, 5 ; éphémère, Is., xl, 6 ; porté au mal, Gen., vi, 3 ; Eccle^, xi, 10 ; Eccli., xxv, 36. Pourtant la chair elle-même, c’est-à-dire la nature faible et corrompue, peut être élevée à des sentiments d’ordre supérieur, que le concours de la grâce rend surnaturels. La chair s’unit alors à l’âme pour désirer Dieu. Ps. lxii, 2 ; lxxxiii, 3. Elle est pénétrée par le sentiment de la crainte du Seigneur. Ps. cxviii, 120. — 2. Dans l’Évangile, la « chair » marque l’impuissance absolue de la nature déchue dans l’ordre surnaturel, et même son incapacité en face des devoirs difficiles de l’ordre naturel. « La chair est faible, » Matth., xxvi, 41, et ne peut résister à la. tentation sans le secours divin qu’appelle la prière. « La chair ne sert de rien, » Joa., vi, 64, quand il s’agit de croire les vérités ou de pratiquer les vertus de l’ordre surnaturel. Aussi est-elle radicalement inhabile à découvrir ou à « révéler » les mystères, Matth., xvi, 17, à engendrer l’homme à la vraie vie, Joa., i, 13 ; iii, 6, à juger sainement les choses de Dieu. Joa., viii, 15. — 3. Dans les Épîtres de saint Paul et des autres Apôtres, la « chair » désigne plus habituellement l’homme naturel, corrompu par le péché, le vieil Adam, en opposition avec le nouvel Adam, l’homme surnaturel relevé par la grâce. Non seulement la chair est infirme et ordinairement incapable de bien, Rom., VI, 19 ; Ephes., vi, 12, mais c’est le péché même qui habite en elle. Rom., vii, 18, 25. En conséquence, elle est pour le juste une cause de tentation et de souffrance, II Cor., xii, 7, une source de mauvais désirs et le foyer même de la concupiscence. Gal., v, 16, 17, 24 ; Ephes., ii, 3 ; I Petr., ii, 11 ; II Petr., ii, 10, 18 ; I Joa., ii, 16. Elle a son sens particulier, Col., ii, 18, sa prudence et sa sagesse en contradiction avec l’ordre divin. Rom., viii, 6-9 ; II Cor., i, 12. Aussi ne peut-elle posséder le royaume de Dieu. I Cor., xv, 50. Ce qui vient d’elle est donc détestable. Jud., 23 ; Gal., i, 16. Céder à son influence, c’est être « charnel », I Cor., iii, 1-3, c’est o vivre selon la chair ». Rom., viii, 1, 4, 12 ; I Cor., i, 26 ; II Cor., 1, 17 ; x, 2, 3 ; Gal., IV, 29.— Notons cependant que l’expression « selon la chair » se rapporte parfois à l’ordre purement naturel dans ce qu’il a de légitime. Rom., i, 3 ; iv, 1 ; ix, 3, 5 ; Hebr., vii, 16. Cf. II Cor., v, 16.

Des différents passages où il est question des « désirs de la chair », Gal., v, 16 ; Ephes., ii, 3, des « volontés de la chair », Ephes., ii, 3, de « la chair qui convoite contre l’esprit », Gal., v, 17, il ne faut pas conclure que, dans la pensée de saint Paul, la chair possède une sorte d’âme inférieure qui puisse être opposée à l’âme spirituelle. « Nous devons nous souvenir que la scolastique distingue, au sujet du lieu de la concupiscence, d’abord les motus primo-primi, qui se produisent instantanément et précèdent l’exercice de la volonté libre, ensuite les motus secundi, qui procèdent directement de la volonté libre, et en troisième lieu les motus secundo-primi, par lesquels la volonté libre se laisse elle-même entraîner. » Les motus primo-primi sont les seuls que l’Apôtre attribue à la chair. « On en a conscience. mais ils échappent à la personnalité libre, et ne sont par conséquent ni coupables ni dirigeables. » Frz. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 375. Cf. Ame, t. i, col. 459. La chair, à laquelle l’âme sert de principe vital, ne représente donc dans ces passages que l’influence mauvaise exercée sur la volonté libre par la concupiscence originelle, en sorte que la chair est plutôt le théâtre que

le principe de cette opposition à l’esprit.

H. Lesêtre.

2. CHAIR DES ANIMAUX. Dans cet article, il ne s’agit de la chair des animaux qu’au point de vue de l’abstinence. L’ordre et la logique nous obligent à parler aussi, sous ce même rapport, du sang des animaux.

I. Chair des animaux es général. — 1° Avant le déluge.