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CEREMONIES — CERETHEENS


soutenir qu’en toutes ces prescriptions rituelles, Moïse n’a guère été qu’un simple imitateur, comme l’a prétendu Spencer, De legibus Hebrœorum ritualibus et eorum ralionibus, 1. III, Cambridge, 1685. On a souvent tenté d’établir le caractère symbolique des cultes païens. Cette thèse est soutenable dans certaines limites ; mais on doit avouer que « le culte mosaïque serait au-dessous et non pas au-dessus de tous les cultes païens, si seul il faisait une exception et si les hommages qu’on y rend à la divinité n’étaient autre chose qu’une pompe extérieure, un aliment pour les sens grossiers du vulgaire, un plaisir des yeux. Bien au contraire, nous avons dans le mosaïsme un motif de plus qui nous oblige à attribuer un caractère figuré à la forme matérielle de son culte… Ainsi donc, de ce que l’objet du culte mosaïque est un Dieu immatériel, invisible, spirituel, il suit que la forme matérielle de ce culte ne saurait être en elle-même un but, mais seulement l’image et la représentation d’un rapport spirituel ». Bàhr, Symbolik des mosaischen Cullus, Heidelberg, 1837, t. i, p. 13-14. Observons toutefois que le symbole ne porte pas seulement sur les réalités invisibles de l’Ancien Testament ; le culte extérieur de l’ancienne loi est encore figuratif de la vérité future qui sera manifestée dans la patrie céleste, et aussi du Christ, qui est la voie par laquelle on atteint cette vérité de la patrie. S. Thomas, Summ. theol., l a II*, q. 101, a. 2. — Sous le sens symbolique de chaque cérémonie, voir les articles particuliers. Sur l’ensemble de la question, S. Thomas, Summ. theol., I a 11*, q. 101103 ; C. Chr. W. F. Bâhr, Symbolik des mosaischen Quitus, zweite umgearbeitete Auflage, t. i, in-8°, Heidelberg, 1874 ; Munk, Palestine, p. 150-154 ; H. Zschokke, Historia sacra, Vienne, 1888, p. 103 ; de Broglie, Conférences sur l’idée de Dieu dans l’Ancien Testament, Paris, 1892, 6 8 conf, Les lois cérémonielles de Moïse,

p. 197-223.

H. Lesêtre.
    1. CÉRÉTHÉENS##

CÉRÉTHÉENS, CÉRÉTHIENS (hébreu : hak-Kerëtï, au singulier avec l’article, I Reg., xxx, 14 ;

II Reg., viii, 18 ; xv, 18 ; xx, 7 ; III Reg., i, 38, 44 ; I Par., xvin, 17 ; hak-Kârî, IV Reg., xi, 19 ; hak-Kerêi, au ketib de II Reg., xx, 23 ; au pluriel, Kerêtim, Ezech., xxv, 16 ; Soph., ii, 5 ; Septante : à Xepeôî, II Reg., xx, 7, 23 ;

III Reg., i, 38, 44 ; I Par., xviii, 17 ; à Xzliïi, I Reg., xxx, 14 ; II Reg., .vin, 18 ; xv, 18 ; 5 Xoppi, IV Reg., xi, 19 ; Kpyjrai, Ezech., xxv, 16 ; Soph., Il, 5 ; Vulgate : Cerethi, I Reg., xxx, 14 ; II Reg., viii, 18 ; xv, 18 ; xx, 7 ; III Reg., i, 38, 44 ; IV Reg., xi, 19 ; I Par., xviii, 17 ; Cerethssi, II Reg., xx, 23 ; interfectores, Ezech., xxv, 16 ; perditi, Soph., ii, 5), nom d’un district ou d’une tribu des Philistins et d’une partie des gardes du corps de David :

1° Le négéb hak-Kerêfi, le « sud du Céréthien », t Reg., xxx, 14, indique la contrée sud-ouest de la Terre Sainte ou le pays des Philistins ; aussi croit-on généralement que le mot qui nous occupe désigne une tribu de ce dernier peuple. Le pluriel Kerêtim, qu’on trouve dans deux passages prophétiques, semble confirmer cette opinion, malgré les difficultés du texte. On lit dans Ézéchiel, xxv, 16 :

J’étendrai ma main sur les Philistins, Et je tuerai les Kerêtim.

Il y a dans l’hébreu une paronomase, hikrafi éf-Kerêtîm, que saint Jérôme a essayé de rendre, dans la Vulgate, par interficiam interfectores, « je tuerai ceux qui tuent. » Le saint docteur a donc vu ici un participe de kàrat, « couper, détruire, exterminer, » caractérisant la cruauté de la nation contre laquelle est dirigée la prophétie. À part j Symmaque, qui traduit par JXeSpfou ; , les versions anj ciennes ou reproduisent le mot original : Aquila, XspeQj Q’.sîv ; Théodotion, Kap’.6î : fi, ou donnent un nom propre : . Septante, Kpr.-ji, « les Cretois ; » syriaque, « les Cré téens. » — Sophonie, ii, 5, parlant contre le même peuple, dit :

italheur à vous qui habitez la côte de la mer, nation des Kerêtim ; La parole du Seigneur [va tomber] sur vous, Chanaan, terre des Philistins.

Saint Jérôme a expliqué gôi Kerêtim par gens perditorum, « nation de perdus, » parce que, dit-il, « ceux qui habitent près de la mer périront. » Comment, in Soph., t. xxv, col. 1360. On peut se demander pourquoi le grand interprète n’a pas été plus conséquent avec lui-même en donnant au mot, qu’il lit chorethim dans les deux endroits, la même signification. Citant les anciennes versions grecques, il fait justement remarquer que la traduction des Septante, uâpoixoi Kpr, Ttôv, advense Cretensium, suppose la lecture gar, « étranger, » au lieu de gôi, « nation, » avec le nom de l’île de Crète. Aquila, en mettant eOvoç ôXéÔpiov ; Théodotion, =6vo ; èÀéÔpt’a ;  ; Symmaque, ô), s6p£vi<S|iEvov, sont d’accord avec lui. Le chaldéen semble suivre la même étymologie ; mais le syriaque porte « Creta », comme les Septante.

En somme, nous ne voyons aucune difficulté d’admettre que Kerêtim est ici, en vertu du parallélisme poétique des prophètes, synonyme de Philistins, ou tout au moins désigne une fraction de ce peuple, quelle que soit d’ailleurs son origine. Il est ensuite permis, malgré l’autorité de la Vulgate, de regarder ce mot, non comme un participe, mais comme le pluriel de Kerêti, que la même version, d’accord avec les Septante, a rendu par le nom propre Céréthien. Enfin le seul texte de I Reg., xxx, 14, suffit pour nous montrer une tribu de ce nom dans le sud-ouest de la Palestine.

2° Le mot Kerêti est uni à Pelêtî dans plusieurs endroits des livres historiques pour désigner les gardes du corps de David, II Reg., viii, 18 ; xv, 18 ; xx, 7, 23 ; III Reg., i, 38, 44 ; IV Reg., xi, 19 (hébreu : hak-Kâri) ; I Par., xviii, 17. Gesenius, Thésaurus, p. 719, ici encore le raltache à la racine kârat, et lui donne le sens de carnifex, « bourreau, » de même qu’il explique Pelêtî par cursores, « coureurs, courriers. » Les soldats qui formaient la garde du saint roi, ceux que Josèphe, Ant. jud., VII, v, 4, appelle (rwnsToç-jXaxeç, auraient ainsi tiré leur nom de leurs fonctions, ceux-ci étant chargés de porter les messages royaux, ceux-là d’exécuter les sentences capitales : nous voyons, en effet, Banaias, fils de Joïada, leur chef, mettre à mort, par ordre de Salomon, Adonias, III Reg., il, 25, et Joab, . ^. 34 ; tel était aussi en Egypte le rôle de Putiphar, Gen., xxxvii, 36, et en Chaldée celui d’Arioeh, officier de Nabuehodonosor. Dan., ii, 14. Les Septante ont, comme la Vulgate, gardé le mot hébreu, Xeptôî, XsXtOc ; mais la paraphrase chaldaïque a fait des deux noms des substantifs communs : archers et frondeurs, expressions qu’on trouve de même dans la version syriaque, avec celles de nobles et soldats. Keil, Die Bûcher Samuels, Leipzig, 1875, p. 287, qui partage l’opinion de Gesenius, ajoute que, dans la suite, on désigna la garde royale par les mots hak-kârî vehârâsîm, « les bourreaux et les coureurs, » IV Reg., xi, 4, 19, et qu’on trouve déjà, II Reg., xx, 23, hak-kârî pour hak-kerê(i (kàri venant de kûr, « percer, transpercer » ) ; ce qui confirme l’explication donnée. — On oppose cependant plusieurs difficultés à cette manière de voir. Pourquoi d’abord les deux mots en question n’ontils pas la forme plurielle usitée pour les noms communs ? Ensuite, quand même les gardes du corps auraient à l’occasion exécuté les sentences de mort ou porté les messages royaux, il n’est guère vraisemblable qu’ils aient tiré leur nom de là ; d’autant moins que Pelêtî, à le prendre dans son sens propre, ne signifie pas, comme Rasïm, simplement « coureur », mais plutôt « fuyard, déserteur » ; singulière appellation, on en conviendra, pour une garde royale. Enfin la forme Kerêti, Pelêfî, est usuelle en hébreu pour les noms de peuples,