Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/217

Cette page n’a pas encore été corrigée
415
416
CENE


dans le ckaroseth. Puis venait le tour de l’agneau : coupé, distribué à chaque convive, il devait disparaître tout entier, et nul mets n’était plus servi.

Le père de famille versait alors une troisième coupe, « le calice de bénédiction » ( voir Lightfoot, Horse hebraicæ, in Matth., xxvi, 27), celui-là probablement que le Christ changea en sang divin. Dès qu’elle était bue, on entonnait les derniers hymnes de l’Hallel, où la reconnaissance éclate en transports de joie : « Ce n’est pas à nous, Seigneur, ce n’est pas à nous, c’est à ton nom qu’appartient la gloire, ô source de miséricorde et de vérité ! Que les nations viennent nous dire maintenant : Où est votre Dieu ? Notre Dieu, il est dans les cieux : ce qu’il veut, il le fait… Et que rendrai-je à Jéhovah pour tous ses bienfaits ? j’élèverai cette coupe de salut, et j’invoquerai son nom. Oui, Jéhovah, je suis ton esclave, ton esclave et le fils de ta servante. Tu as brisé mes chaînes, je veux t’offrir un sacrifice de louanges. » Et s’adressant au monde entier, Israël, dans une sainte ivresse, cherchait à l’entraîner vers son Dieu : « vous tous, peuples, louez Jéhovah, nations, exaltez-le ! Car son amour est puissant sur nous, et la vérité de Jéhovah demeure éternelle ! Alléluia ! » Une quatrième coupe passait alors de main en main et marquait la fin du repas. — Telle était la Pâque juive, lorsque Jésus la célébra pour la dernière fois. Voir Misclina, Pesachim, et les commentaires de Maimonides.

III. Le festin pascal. — Le mercredi, Jésus n’avait paru ni dans le Temple ni dans Jérusalem. Dès le matin du jeudi, les Apôtres lui demandèrent en quel lieu ils mangeraient la pâque, car « on était au premier jour des azymes ». Matth., xxvi, 17. Laissant de côté Judas, chargé ordinairement de la dépense, le Sauveur appela Pierre et Jean : « Allez, leur dit-il, préparez tout ce qu’il faut.

— Où voulez-vous que nous l’apprêtions ? » demandèrent les disciples, Luc, xxii, 8-9, car ils savaient Jérusalem pleine de périls. Jésus répondit : « Allez à la ville ; en y arrivant, vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau, vous le suivrez, et, entrant dans la maison où il ira, vous direz au maître du logis : Voici ce que dit notre Maître : Mon temps est proche ; je viens faire la Pâque chez vous avec mes disciples. Où est le lieu (xaTiXujia, hospitium, « l’appartement réservé aux hôtes, » correspond à l’hébreu màlûn) où je dois la manger ? Et lui-même vous montrera une salle haute (àviyaiov, « étage supérieur d’une maison » ), grande, ornée de lits et disposée à l’avance (voir Cénacle). Préparez-y tout ce qu’il faudra. » Marc, xiv, 13-16 ; Matth., xxvi, 18. Pierre et Jean obéirent : aux portes de la ville, ils rencontrèrent un des hommes qui montaient l’eau puisée à la fontaine de Siloé, et suivant ses pas ils trouvèrent l’hôte indiqué. C’était quelque disciple inconnu des Apôtres. Tout le fait supposer, et l’assurance avec laquelle Jésus adresse son message, et le nom de Maître qu’il prend, et l’empressement de l’hôte à le satisfaire. Au temps de la Pâque, les maisons de Jérusalem cessaient, pour ainsi dire, d’être une propriété privée pour devenir celle de Jéhovah. Aussi, pendant la fête, l’hospitalité s’exerçait-elle gratuitement. (J. H. Friedlieb, Archâologie der Leidensgeschic/Ue, in-8°, Bonn, 1843, p. 50.) Le Sauveur, se voyant contraint à prévenir l’heure de la Pâque, avait averti ce disciple de tenir sa demeure préparée.

Le cénacle était vraisemblablement alors, à en juger par ce que nous savons des maisons juives, une salle aux murs blancs ; . au centre était placée une table basse, peinte de vives couleurs, dont un côté restait libre pour le service, tandis que les autres étaient garnis de lits. Le soir où Jésus y entra, les douze le suivaient, Matth., xxvi, 20, et prirent place autour de lui. Jean, couché à sa droite, n’avait qu’à renverser la tête pour reposer sur | le sein du Maître. Pierre était à côté du bien-aimé, et ! Judas non loin de Jésus. Avant d’instituer l’Eucharistie, ! Jésus dit clairement à Judas : « C’est toi qui me trahiras, » | Matth, , xxvi, 25, et cependant nous voyons qu’après la i

communion les Apôtres ignoraient encore qui devait commettre le crime. Luc, xxii, 23 ; Joa., xiii, 24, 25. Il faut donc croire que le Sauveur était près de Judas et l’avertit sans être entendu des autres convives.

L’heure était venue, et le cœur de Jésus en tressaillait de joie : « J’ai désiré d’un grand désir, dit-il, manger cette pâque avec vous avant que de souffrir. » Luc, xxii, 15. Toutefois, pour faire entendre aux Apôtres que ce n’était point le rite figuratif qu’il souhaitait, mais l’accomplissement d’un sacrifice réel dans l’Eucharistie, il ajouta : « En vérité je vous le dis : Je ne mangerai plus cette pâque jusqu’à ce que le mystère en soit accompli dans le royaume de Dieu, s Par delà la Pâque de la nouvelle alliance, Jésus contemplait déjà la grande Pâque du ciel, car il en parla aussitôt après.

La coupe qui marquait le commencement du repas avait été préparée ; Jésus, la prenant des mains de ses disciples, prononça sur elle la bénédiction accoutumée, Luc, xxii, 17-18, y trempa ses lèvres, comme le faisait tout père de famille, et la présenta aux Apôtres : « Prenez, dit-il, partagez-la entre vous, car pour moi je ne boirai plus du fruit de la vigne jusqu’à ce que le royaume de Dieu vienne. » Ce n’était plus de l’Eucharistie que Jésus parlait ici, mais de la béatitude céleste. Jansénius de Gand, Comment, in Concord. evangelic, cap. cxxxi, p. 876-898.

La pensée des pâques éternelles n’absorbait pas tant le Sauveur, qu’il oubliât ceux qu’il laissait sur la terre : « Sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père, Joa., xiii, 1-3. Comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à la fin, et demanda à sa toute-puissance un prodige de charité qui ravît à jamais les cœurs. Les circonstances étaient solennelles ; saint Jean se plaît à les rappeler : le festin pascal commençait (la leçon Ssravou yivo|Uvou, adoptée par Tischendorf et Tregelles, d’après les manuscrits du Sinaï et du Vatican, signifie que le repas commençait. Le texte reçu,-yevoijivou, cœna facta [Vulgate], ne peut être traduit par « après le repas » ; nous voyons, en effet, que, le lavement des pieds terminé, Jésus se remit à table et continua le festin. Joa., xiii, 12. Ce participe aoriste doit donc être traduit ainsi : « Le repas était commencé, se poursuivait. » Cf. Matth., xxvi, 6 ; Marc, vi, 2 ; Joa., xxi, 4), Satan était là, maître de Judas Iscarioth ; au-dessus du cénacle, le ciel s’ouvrait pour Jésus ; il y voyait « que tout lui était remis en main par son Père » ; ce « tout » bienheureux de l’Église marqué du sceau des élus ; « il savait qu’il était sorti de Dieu et qu’il retournait à Dieu : » il n’avait plus qu’à donner aux hommes le gage suprême de son amour. Mais auparavant il voulut s’humilier devant eux, pour montrer par quel anéantissement il s’était incarné et s’allait donner en nourriture. Au moment où le rite de la fête commandait aux convives de se purifier les mains, Joa., xiii, 4-20, Jésus, se levant de table, déposa ses vêtements, prit un linge et se ceignit les reins ; puis, versant de l’eau dans un bassin, il se mit à laver les pieds de ses disciples, et à les essuyer avec le linge qui lui servait de ceinture. Cette ablution était un symbole, l’image de la Rédemption qui lave en nous le péché. Voir Lavement des pieds. L’ablution achevée, Jésus reprit ses vêtements et s’étendit de nouveau sur le lit de repos. Il annonça alors à ses Apôtres la trahison de Judas. Voir Judas Iscabiote.

IV. Institution de l’Eucharistie. — Le repas touchait à sa fin. « Comme ils mangeaient encore, Jésus prit un des pains azymes, et, ayant rendu grâces, il le bénit. » Malth., xxvi, 26 ; Marc, xiv, 22 ; I Cor., xi, 24. Les rites du festin pascal exigeaient que tout pain fût brisé avant qu’on le mangeât. Jésus rompit donc celui qui était entre ses mains et en présenta les fragments aux Apôtres : « Prenez, mangez, dit-il, ceci est mon corps, livré, rompu pour vous, froissé, brisé sous les coups. » L’Évangile et î’Êpitre aux Corinthiens donnent aux expressions de Jésus une forme diverse : « Livré pour vous, » dit saint Luc,