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CARAVANSÉRAIL


à leurs montures. Ces sortes de constructions sont particulières aux pays d’Orient. Le caravansérail tire son nom de deux mots persans, ^£L_co et ^Wr^ karwân et serai, « maison de la caravane. » Les Arabes l’appellent ^J^-, khân. On trouve encore le caravansérail en Orient à peu près tel qu’il a existé dans les temps primitifs. Il se compose essentiellement de quatre murs disposés en rectangle, servant d’appui à l’intérieur à une galerie couverte. L’espace que n’occupe pas la galerie reste à ciel ouvert ; on y parque les animaux pendant la nuit. L’installation est souvent assez sommaire. Sous la galerie sont disposées des banquettes fixes en bois, sur lesquelles on étend des nattes pour dormir. Le niveau du sol de cette galerie n’est pas toujours suffisamment élevé au-dessus du niveau de la cour intérieure. Aussi arrive-t-il assez fréquemment que, pour échapper au froid de la nuit ou aux intempéries, les animaux viennent chercher un refuge sous le toit qui abrite les voyageurs. Bètes et gens prennent alors leur repos en commun. D’autres fois le khan présente un peu plus de confort. Il comprend, par exemple, un bâtiment d’entrée qui sert de demeure à un gardien. Ce bâtiment forme habituellement une voûte sous laquelle il faut passer pour entrer et que ferme une porte solide. Des cellules sont ménagées sous les galeries pour les voyageurs, et des écuries peuvent recevoir les animaux. Une terrasse court à la partie supérieure des galeries. De là on surveille l’extérieur. Quand les brigands sont à craindre, des tours flanquent le caravansérail et le mettent à l’abri d’un coup de main. Autant qu’il est possible, on fait on sorte d’avoir une fontaine ou du moins des citernes à l’intérieur, surtout si les sources et les cours d’eau sont à grande distance. Le gardien du khan n’a pas à fournir de provisions aux voyageurs, chacun apportant avec lui tout ce qui lui est nécessaire. Il rend cependant certains services à ceux qui le demandent. Le caravansérail ne ressemble donc guère à une hôtellerie, bien que parfois on emploie ce dernier mot pour traduire diversorium clans le récit de la naissance de Notre -Seigneur. Luc, h, 7.

Les khans ont été bâtis dès que la manière de voyager spéciale aux Orientaux en a fait sentir la nécessité. Les peuples nomades n’en avaient nul besoin. Ils voyageaient en immenses caravanes et portaient avec eux tout ce qui était nécessaire pour le campement. Chez les peuples sédentaires, au contraire, on ne pouvait se passer d’abris pour dormir la nuit en sûreté, quand les nécessités du commerce ou des relations obligeaient à de longs voyages à travers des pays déserts. Aussi dès le temps de Jacob est-il fait mention de khans en Egypte même. C’est à leur première étape après avoir quitté Joseph, dans un mâlôn, que les fils de Jacob trouvent la coupe de leur frère dans un de leurs sacs. Gen., xlii, 27 ; xliii, 21. Les routes que suivaient les caravanes de marchands durent de bonne heure être pourvues d’abris analogues. Il est fort possible que le mâlôn dans lequel le Seigneur apparaît à Moïse, au mont Horeb, Exod., iv, 24, ne soit pas autre chose qu’un caravansérail très rudimentaire ménagé dans les rochers, et à l’usage des marchands ismaélites. Dans les pays où il existait des villes ou des villages, les habitants exerçaient eux-mêmes l’hospitalité. Toutefois, à la porte même des villes, on bâtissait d’ordinaire un khan, dans lequel pouvaient se retirer ceux qui arrivaient trop tard pour pénétrer dans la ville, ou qui n’avaient pas l’intention de s’arrêter plus d’une nuit. C’est peut-être dans une sorte de caravansérail ou de menzil, construit à l’intérieur de la ville de Jéricho et adossé à la muraille, que Rahab reçut les espions envoyés par Josué. Jos., ii, 1-15. Un envoyé de Louis XIV, de La Roque, nous a fait la description du menzil tel qu’il le trouva daus les villages de ; Palestine : « Le menzil signifie lieu de descente : c’est un ] appartement bas de la maison du cheikh, séparé de celui où il tient son ménage, s’il n’en a pas une tout entière qui,

soit destinée à loger les passans ; car en ce païs-là il n’y a ni cabaret ni hôtellerie : cet appartement est tout nud, n’y aïant ni lit, ni aucune sorte de meubles ; il est disposé de manière que la moitié de l’espace est occupée par un long et large banc de pierres, ou de terre, en forme d’estrade, où l’on met plusieurs nattes de jonc, sur lesquelles les passans étendent leurs tapis et leurs hardes pour coucher dessus : et l’autre moitié de ce lieu qui reste plus bas sert à mettre les chevaux. On les attache par les pieds à des piquets, qui sont préparés pour cela, et on met ainsi les passans avec leur équipage dans un même endroit, afin qu’ils n’aient aucune inquiétude sur leurs montures, qu’ils les voient manger et accommodertandis qu’ils sont assis et qu’ils se reposent. » De La Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 125-126.

Des caravansérails existaient en grand nombre sur la route qui va de Damas en Egypte. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 485. En Assyrie et en Perse, on en rencontrait beaucoup sur les principales voies de communication. Hérodote, v, 52, donne lecompte des stations (<jTa8|A0Î) et des khans (xaTaXùnetç) disposés le long de la route qui joint Suse à Éphèse. IL y en avait cent onze pour un parcours de 13500 stades, que les voyageurs mettaient quatre-vingt-dix jours à accomplir. Ils faisaient ainsi 150 stades (26 kilomètres) par jour, et rencontraient au moins un khan par journée de marche. De loin en loin, un fortin (ouXaxfrjpiov) assurait la sécurité de la route et des khans. Parmi ces caravansérails anciens, les uns ne sont plus représentés que par des ruines informes ou par des bâtiments abandonnés dont les brigands font leurs repaires. D’autres ont été conservés ou rebâtis et gardent encore aujourd’hui leurs dispositions antiques. M mo Jane Dieulafoy décrit ainsi celui dans lequel elle a séjourné au début de son voyage en Perse : « Le caravansérail est composé d’une cour assez spacieuse, clôturée par un mur de pisé autour duquel sont construites une série de loges voûtées recouvertes en terrasse. Chacun de ces arceaux est attribué à un voyageur. Dès son arrivée il y dépose ses bagages et ses approvisionnements. Seulement, comme le mois de mars est froid dans ce pays montagneux, les muletiers abandonnent des campements trop aérés et se retirent dans les écuries, où les chevaux entretiennent une douce chaleur. Le gardien nous offre comme domicile une petite pièce humide, sans fenêtre, dont la porte ferme par une ficelle en guise de serrure. Cet honneur no me touche guère, et je réclame, au contraire, la faveur de partager l’écurie avec les rares voyageurs arrivés avant nous… Le plus grand nombre des caravansérails sont, comme les mosquées, des fondations pieuses entretenues par la libéralité des descendants du donateur. Un homme de confiance, payé sur les fonds affectés à cet usage, reçoit les caravanes, ouvre et ferme les portes matin et soir. Les étrangers, s’ils ne lui demandent aucun service personnel, ne lui doivent aucune rémunération, quelle que soit la durée de leur séjour. Le gardien se contente des modiques bénéfices sur les maigres approvisionnements de paille, de bois et de lait aigre vendus aux muletiers. » La Perse, la Chaldée et la Susthne, Paris, 1887, p. 31-32. En Asie Mineure, non loin de Smyrne, L. de Laborde passa une nuit dans un caravansérail analogue. Voici ce qu’il en écrit : « Nous entrons donc dans un khan… Au premier est une galerie qui fait le tour du bâtiment, et sur laquelle s’ouvrent des chambres, autant de cellules, pour héberger les voyageurs. Ces chambres sont meublées d’une estrade. Les Turcs étendent là leurs nattes et leurs couvertures, sur lesquelles ils dorment tout habillés. Quant à nous, nous avons nos matelas, et de plus des moustiquaires pour nous défendre contre les moucherons. Nous aurions été assez bien, si nous avions pu en même temps éloigner les autres compagnons obligés du voyageur en Orient. Vains efforts ! L’envahisse-