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CAPTIVITE — CARA


Zorobabel. Un certain nombre de leurs membres ne prirent donc part qu’au second retour. Ces chiffres, ainsi que ceux qui précèdent, ne comprennent que des chefs de famille. Si leur nombre total s’élève pour les deux retours à environ 45000, il faut le multiplier au moins par 5 ou 6 pour avoir le total de la population qui revint de l’exil, en comprenant les femmes et les enfants.

3° Les Israélites restés en Babylonie. — Il s’en faut de beaucoup que tous les déportés d’Israël et de Juda aient profité du décret de Cyrus pour revenir en Palestine. Une grande partie d’entre eux, peut-être la plus notable, restèrent fixés avec leurs familles dans les pays où les conquérants assyriens et chaldéens avaient conduit leurs ancêtres. Ce furent surtout les anciennes tribus d’Israël qui se firent une seconde patrie du pays de l’exil, à tel point que plusieurs prétendirent qu’Israël était demeuré tout entier à l’étranger. Ainsi on lit dans Josèphe, Ant. jud., XI, v, 2 : « Deux tribus seulement vivent sous l’empire de Rome en Asie et en Europe. Les dix autres tribus habitent jusqu’à ce jour les pays au delà de l’Euphrate. Il y a là des milliers et des milliers d’hommes dont on ne peut faire le dénombrement. » Cf. Philon, Légat, ad Caium, Opéra, Leipzig, 1828, p. 587. A l’époque d’Akiba, vers la fin du I er siècle de l’ère chrétienne, les docteurs juifs discutaient encore la question du retour des dix tribus, Sanhédrin, x, 3, et ils concluaient qu’elles étaient restées à l’étranger en s’appuyant sur Deut., xxix, 27. Il est écrit d’ailleurs dans le Talmud : <c Les dix tribus ne doivent pas revenir. » Sanhédnn, ex, 2. Cette assertion n’est point conforme à la vérité : les prophètes avaient formellement annoncé le retour des dix tribus. Ose., xi, 9-11 ; Am., ix, 14, 15 ; Ezech., xxxvii, 11-14 ; xxxix, 25-29. Cf. Théodoret, In Jer., l, 3 ; In Ezech., iv, 6, t. lxxxi, col. 739, 858. Calmet, Commentaire littéral, t. iii, p. xv, xvi ; t. vi, p. 356-360. Mais en réalité ce fut seulement la minorité d’Israël qui revint en Palestine. Les autres exilés du royaume nord et une partie des tribus de Juda et de Benjamin restèrent librement dans les pays voisins de l’Euphrate. Sous Xerxès I er (485-465), l’Assuérus du livre d’Esther, on les trouve établis en nombre dans les villes de l’empire des Perses. Une Juive de la tribu de Benjamin, Esther, devient l’épouse du monarque, et l’oncle d’Esther, Mardochée, est élevé aux plus grands honneurs à Suse. Esth., ii, 5, 9 ; VI, 7-11 ; viii, 1, 2 ; x, 3. Les Juifs formaient une population considérable dans l’empire, Esth., iii, 6 ; vii, 3, et la raison qui les met en péril de mort est tout à leur honneur : ils refusent, à l’exemple de Mardochée, de plier le genou devant Aman. Ce qui donne l’idée de leur nombre et de leur force, c’est que, pour.les autoriser à se défendre contre les persécuteurs soudoyés par Aman, le roi fait écrire à toutes les autorités des cent vingt-sept provinces de son empire. Eslh., viii, 9. À Suse et dans les villes de province, on eut peur de se mesurer avec eux. Ils n’en tuèrent pas moins huit cents de leurs ennemis dans la capitale et soixante-quinze mille dans les villes et les villages des provinces. Esth., ix, 6, 15, 16. Pour exercer de pareilles représailles, il fallait que les Juifs fussent en force dans les différentes localités de la Perse. Dans la suite de l’histoire, il est souvent question des Juifs de ces contrées. En 340, Artaxerxès III Ochus (358-337), après sa campagne d’Egypte, transporte un grand nombre de Juifs en Hyrcanie et sur les bords de la mer Caspienne. George le Syncelle, i, 486 ; Orose, m, 7. Alexandre le Grand confirme les privilèges des Juifs de Babylone, malgré leur refus de contribuer à la restauration du temple de Bel. Josèphe, Ant. jud., XI, vin, 5 ; Gant. Apion., i, 22. Antioehus le Grand ordonne à Zeuxide de prendre en Mésopotamie et en Babylonie deux mille familles juives avec tous leurs bagages, et de les conduire en Lvdie et en Phrygie, où elles serviront les

intérêts du roi de Syrie. Ant. jxid., XII, iii, 4. Phraate, roi des Parthes, traite avec bienveillance Hyrcan II, l’avant-dernier des princes asmonéens, et lui permet de vivre en liberté à Babylone, où « la multitude des Juifs » l’accueille en pontife et en roi. Ant. jud., XV, ii, 2. Sur l’invitation d’Hérode, un Juif de Babylone, Zamaris, vient s’établir en Batanée avec cinq cents cavaliers et cent de ses amis, et de là il protège la route que suivent les Juifs pour venir de Babylone sacrifier à Jérusalem. Ant. jud., XVII, ii, 1-3. À l’époque de Caligula, Néarda, ville de Babylonie, située sur l’Euphrate, paraît avoir été le siège d’une puissante colonie juive, comme l’était aussi Nisibe, à peu de distance de là. C’est à Néarda que-deux jeunes révoltés juifs, Asinæus et Anilseus, finirent par se rendre assez puissants pour obliger le roi des Parthes, Artapan, à s’allier avec eux. Ant. jud., XVIII, îx, 1 - 10. Ces quelques renseignements historiques montrent qu’à la suite de la captivité de puissantes colonies juives s’étaient formées dans toute la contrée qu’oc-. cupèrent successivement les empires des Assyriens, des Chaldéens, des Perses et des Parthes. Cf. Jost, Geschichte der Isrælilen, Berlin, 1820, n « partie, p. 335-339 ; Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes, Leipzig, t. ii, 1886, p. 496-498 ; Fouard, Saint Pierre, Paris, 1893, 2 a édit., p. 46-53. La colonie juive de Babylone était regardée avec tant de faveur à Jérusalem, qu’on lui donnait le pas sur toutes les autres. Sanhédrin, 11. C’est elle qui gagna à sa religion la famille régnante d’Adiabène, petit royaume situé sur le Tigre. La reine de ce pays, Hélène, vint elle-même en pèlerinage à Jérusalem, y soulagea les Juifs pendant la famine et voulut avoir son tombeau près de la ville sainte. Ant. jud., XX, II, 1-5. — De la Babylonie, les Juifs se répandirent peu à peu dans des contrées plus lointaines. On lit au quatrième livre d’Esdras, xiii, 40-45, que les dix tribus déportées par Salmanasar au delà de l’Euphrate s’en allèrent encore plus loin, dans le pays d’Arsareth, et qu’ils y sont restés. On ne sait où se trouve le pays ainsi désigné. On a conjecturé que les exilés israélites avaient donné naissance à différentes peuplades, et l’on a voulu reconnaître leurs descendants dans les populations qui habitent au pied de l’Himalaya, les Juifs nègres de Malabar, les Afghans, les Tartares, les tribus du Turkestan et de Kaschmir, les. Nestoriens et même les Indiens de l’Amérique septentrionale. Toutes ces allégations manquent d’ailleurs de preuves. — À la Pentecôte, on reconnaissait parmi les auditeurs de saint Pierre des Parthes, des Mèdes, des Eternités et des habitants de la Mésopotamie, tant juifs que prosélytes. Act., ii, 9, 11. Ils représentaient la portion d’Israël demeurée sur les bords de l’Euphrate. Ils remportèrent avec eux la semence évangélique, que l’apôtre saint Thomas, et aussi, croit-on, saint Matthieu, vinrent bientôt cultiver dans ces contrées. Eusèbe, H. E., iii, 1, t. xx, col. 216 ; Socrate, H.E., i, 19, t. lxvii, col. 125. — Après la grande guerre de Judée sous Titus, et la répression de la dernière révolte sous Adrien, révolte au cours de laquelle Lucius-Quietus organisa une armée contre les Juifs de Babylone et « écrasa leur grande multitude », Eusèbe, H. E., iv, 2, t. xx, col. 305 ; Orose, vii, 2 ; Dion Cassius, lxviii, 32, la Babylonie produisit de nombreux docteurs juifs. Sur la Mischna, qui était le commentaire de la Loi et la remplaçait trop souvent, on fit d’autres commentaires qui en formaient le développement interminable. On appela cescommentaires Ghémaras ou suppléments. Pendant qu’on en rédigeait à Tibériade, en Palestine, les docteurs babyloniens en composèrent d’autres à Sura, à Néarda, à Pumbaditha : ce fut l’origine des deux Talmuds de Jérusalem,

et de Babylone, Voir Talmud.

H. Lesêtre.

1. CARA Joseph, fils de Siméon Gara, exégète juif, , contemporain de Raschi, mais plus jeune, florissait au nord de la France, vers la fin du xie siècle. Son nom se trouve également sous la forme Kara, mais serait mieux.