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CAPTIVITÉ

§3C

Voir anciens, t. i, col. 550. — Le livre de Baruch, i, 4-10, montre également que les Juifs de Babylone pouvaient se réunir facilement, qu’ils faisaient des collectes, et recueillaient entre eux assez de ressources pour racheter une partie des vases d’argent emportés du temple par Nabuchodonosor et les renvoyer aux prêtres restés à Jérusalem, avec le prix des holocaustes à offrir sur un autel élevé sans doute au milieu des ruines. Quelques exilés arrivèrent même à do brillantes situations, comme Daniel, II, 48 ; vi, 2, ses trois compagnons, Dan., iii, 97, et plus tard Néhémie, II Esdr., ii, 1. Zorobabel occupa aussi sans doute quelque charge à la cour de Cyrus. Il est appelé « prince {nâSV) de Juda ». Peut-être exerçait-il une autorité sur tout l’ensemble de ses compatriotes. Munk, Palestine, p. 458. Le chapitre. xxxiv d’Ézéchiel donnerait à penser que les chefs du peuple exilé ne montraient malheureusement pas toujours une grande compassion ni un dévouement suffisant à l’égard de leurs compatriotes moins fortunés. — Comme l’époux de Susanne, tous les Juifs exilés pouvaient acquérir et posséder des terres et des maisons. Beaucoup durent recevoir des terrains qu’ils firent valoir par eux-mêmes ou par d’autres. Ils payaient en retour certaines redevances, une contribution foncière ou un impôt personnel. Jérémie, xxix, -4-7, connaissait bien la situation faite aux exilés, quand il écrivait « à toute l’émigration » qui vivait à Babylone : « Bâtissez des maisons et habitezles ; plantez des jardins et mangez-en les fruits ; mariezvous et ayez des fils et des filles ; donnez des épouses à vos iils et des époux à vos filles : qu’ils aient des fils et des filles, mullipliez-vous là-Las et que votre nombre ne diminue pas. Travaillez à la paix de la ville dans laquelle je vous ai fait émigrer, priez le Seigneur pour elle, parce que de sa paixdépend votre paix. » Ces paroles témoignent à la l’ois de la durée de la captivité el de la liberté dont les exilés jouissaient à Babylone. Ils devaient se multiplier pour former les éléments nécessaires à un retour en masse en Palestine, et à une colonisation puissante dans l’empire do leurs vainqueurs. Les prières que Jérémie leur conseillait d’adresser à Dieu pour la ville qui les abritait ne furent point omises. Bar., i, M, 12. Il ne faut pas oublier que lorsque les captifs de Juda arrivèrent en Babylonie, ceux de Samarie se trouvaient établis depuis plus d’un siècle dans les provinces du nord. Beaucoup de ces derniers s’étaient peu à peu rapprochés de la capitale et. y avaient pénétré à des titres divers. Le malheur et le temps avaient eu raison de leur ancienne hostilité. Leur présence dans le pays fut donc un précieux avantage pour les nouveaux venus de Juda.

— Dans les premières années de l’exil, la condition des Juifs dut être un peu plus dure qu’elle ne le devint dans la suite. Nabuchodonosor, irrité des révoltes d’un peuple qui l’avait obligé à entreprendre plusieurs campagnes, fit sentir aux exilés le poids de sa vengeance. Peu à peu sa colère s’apaisa, quand il reconnut que les Juifs constituaient pour sa capitale et pour son empire un élément de prospérité. Son fils, Évilmérodach (561-559), se montra plus bienveillant. Il fit sortir le roi Jéchonias de la prison dans laquelle il était enfermé depuis trente-sept ans, lui rendit les honneurs royaux et le fit asseoir à sa table. IV Reg., xxv, 27-30 ; Jer., lii, 31-34. Nériglissor (559-556), assassin de son frère Évilmérodach, ne paraît pas avoir eu pour les exilés les mêmes faveurs. Cf. Grætz, Geschichte der Isræliten, t. ii, 2° partie, p. 1-76 ; Hanebcrg, Histoire de la révélation biblique, trad. Goschler, Paris, 1856, t. i, p. 420-436.

3° Situation religieuse des exilés. — La captivité ne devait être qu’une épreuve pour les Juifs. Elle n’impliquait pas, de la part du Seigneur, une répudiation définitive de son peuple, comme plus tard la destruction de Jérusalem par Titus. Au point de vue religieux, elle présenta de grands dangers ; mais ces dangers furent en partie conjurés par des secours providentiels. — A) Les dangers. Ils provenaient surtout de cette brillante civi lisation babylonienne au milieu de laquelle lès Juifs se voyaient tout d’un coup jetés. Babylone était une ville magnifique, dans laquelle tout chantait la gloire des grands dieux chaldéens, Bel, Nabo, Istar, et de leur orgueilleux serviteur, Nabuchodonosor. Quelle tentation d’adorer ces dieux, qui aux yeux du vulgaire idolâtre possédaient plus de puissance que Jéhovah, puisqu’ils avaient assuré aux Chaldéens la victoire sur le peuple de Jéhovah ! Quand Nabuchodonosor ordonnait de rendre les suprêmes hommages au dieu national de Babylone, « tous les peuples, les tribus et les langues » se pliaient à son caprice, et la mort attendait ceux qui se refusaient à cet acte d’idolâtrie. Dan., iii, 7, 21. Se contenter d’adorer Jéhovah constituait donc un acte de révolte contre le prince, un attentat contre les dieux protecteurs de Babylone. D’où, pour les Juifs, inclination à croire, que Jéhovah les avait vraiment abandonnés, qu’il avait manqué à leur égard ou de puissance ou de bonté, qu’eux-mêmes pouvaient en tout cas associer à son culte celui de ces dieux de Babylone, qu’on portait en triomphe à travers la ville au milieu d’un peuple en délire, et qui savaient si bien ménager victoire, gloire et richesses à leurs adorateurs. Ce danger de perversion grandissait encore par le fait que les Juifs vivaient mélangés avec une population de même origine qu’eux, presque de même langage, de traditions, de mœurs, de goûts identiques sur bien des points. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 329-341. On ne peut dire combien de Juifs se laissèrent prendre aux attraits d’une si brillante idolâtrie. Dans le sein même de l’émigration, il se trouvait des hommes pour entraîner leurs frères au mal. Jérémie, xxix, 8-9, disait aux exilés : « Que vos prophètes qui sont au milieu de vous, que vos devins ne vous égarent pas. Ne prêtez pas attention aux rêves que vous suscitez. Ils vous prophétisent en mon nom ; mais c’est à faux, je ne les ai pas envoyés, dit Jéhovah. » Pour contrebalancer ces causes de perversion, les Juifs n’avaient plus ni leur temple, ni les magnificences de leur culte, ni les réunions d’un peuple innombrable à l’époque des grandes solennités. Il ne leur en restait qu’un souvenir, et la génération qui commença à s’élever dans l’exil ne connut tout ce brillant passé que par ouï-dire. — B) Les secours providentiels. Dieu n’abandonna pas son peuple sans défense au milieu des dangers. Les Juifs emportaient tout d’abord avec eux les Saintes Écritures, le livre de la Loi, contenant les menaces et les promesses du Seigneur, et les écrits des premiers prophètes qui leur promettaient un avenir meilleur. Abdias, 21, leur annonçait des sauveurs sur le mont Sion ; Amos, ix, 11, le relèvement de la tente de David ; Osée, iii, 5, la conversion d’Israël ; Michée, iv, 1-13, le concours de tous les peuples à Jérusalem et le retour certain de la captivité. Isaïe, après avoir prédit les châtiments destinés au peuple de Dieu, ix, 8-x, 4 ; xxii, 1-14 ; xxviii, 1-15, célébrait dans de triomphants oracles la prochaine délivrance de la captivité, xl, 3-xli, 29 ; xliv, 21-xlv, 26, et la gloire future de Jérusalem, Liv, 1-lvi, 8 ; lx, 1-22. Jérémie, que les captifs connaissaient bien et dont ils eurent le malheur de mépriser les avertissements, avait à maintes reprises fait savoir à Juda la punition qui l’attendait. Jer., iii, 6xxih, 40 ; xxv, 1-38. Mais en même temps il avait prophétisé la fin de la captivité et l’heureux retour du peuple de Dieu. Jer., xxx, 1-xxxin, 26. Les exilés pouvaient donc se dire, comme plus tard leurs descendants : « Nous avons pour nous consoler les Saints Livres qui sont dans nos mains. » I Mach., xii, 9. Mais Dieu leur ménagea un secours encore plus puissant dans le ministère de ses prophètes. Jérémie ne peut se rendre lui-même à Babylone ; il ne laisse pourtant pas partir ses malheureux compatriotes sans leur remettre une lettre où il cherche à les prémunir contre les dangers que leur foi courra dans la capitale chaldéenne. Bar., vi, 1-72. Son disciple Baruch va en son nom retrouver les captifs