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CAPTIVITE


en disant que Daniel parlait du départ de Nabuchodonosor pour sa campagne de Syrie, la troisième année de Joakim, et Jérémie de l’arrivée du prince à Jérusalem, la quatrième année de Joakim. Mais « Fannée du départ de Nabuchodonosor importait peu, et Daniel a eu surtout en vue de marquer l’époque de la prise de Jérusalem. Cette date â dû se présenter d’une façon d’autant plus instante, et s’imposer à l’écrivain, qu’elle était en même temps la date de son exil et aussi celle du commencement de la transmigration de son peuple à Babylone… Il a écrit à Babylone, mais il s’exprime d’après les souvenirs d’un homme qui se trouvait à Jérusalem lorsque arriva l’armée qui s’empara par surprise de la ville sainte et fit de lui un otage ». Fabre d’Envieu, Le livre du prophète Daniel, Paris, 1890, t. ii, i re part., p. 2. Mieux vaut donc attribuer aux deux prophètes une manière différente de compter, Jérémie parlant d’une quatrième année qui commence, et Daniel d’une troisième année qui s’achève pendant le siège de la ville. Cf. Calmet, Commentaire littéral, In Jer., xxv, 1, Paris, 1726, t. vi, p. 127. — B) En 602, Nabuchodonosor revint en Syrie, pour y réprimer les tendances à la révolte contre son autorité, et à cette occasion Joakim fut encore battu, contraint à payer tribut et assujetti à une dépendance humiliante. Trois ans après il renouait des intrigues avec les Égyptiens et les Tyriens. Le roi de Babylone se mit encore en marche ; mais avant son arrivée Joakim était mort, peut-être de mort violente. IV Reg., xxiv, 1-2 ; Jer., xxii, 18, 19 ; xxxvi, 30. Joakim eut pour successeur son fils Joachin ou Jéchonias. Celui-ci ne put résister à son puissant envahisseur, et dut se liv-er à lui avec sa famille et ses trésors (598). Nabuchodonosor entra encore une fois à Jérusalem, et fit déporter, à Babylone Jéchonias et sa famille, les notables de la ville, au nombre de 10000, des hommes valides, au nombre de 7000, et 1000 ouvriers, au total 18000 hommes. IV Reg., xxiv, 11-16. La mention de ces hommes valides et de ces ouvriers n’est pas indifférente. Nabuchodonosor était grand bâtisseur ; il mettait son orgueil à embellir Babylone de magnifiques monuments. Dan., IV, 27 ; Inscription de la compagnie des Indes, col. vil-ix ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 319-320. Il se proposait naturellement d’utiliser dans sa capitale les déportés de Jérusalem. Jérémie, lii, 28, enregistre pour cette déportation 3023 Juifs, c’est-à-dire probablement des hommes de Juda, pris en dehors de la ville, ce qui porterait le total général à 21023 captifs. On ne doit pas attacher à ces chiffres une trop grande importance. Ils ont pu facilement s’altérer dans le cours des temps ; de plus, les captifs ne partaient pas seuls ; ils emmenaient avec eux leur famille, dont les membres n’entrent pas en ligne de compte dans les listes officielles. On pouvait donc obtenir un nombre plus ou moins grand de déportés, suivant l’extension qu’on donnait à la qualité d’homme valide, d’ouvrier ou de chef de famille. Dans cette déportation de 598 furent compris le prophète Ézéchiel, I, 2-3 ; xxxiii, 21, et Mardochée, l’oncle d’Esther. Esth., Il, 5-6 ; xi, 4. — C) Sédécias, oncle de Jéchonias, avait été placé sur le trône de Jérusalem par Nabuchodonosor. Profitant des embarras momentanés que ce dernier avait avec les Mèdes, Sédécias céda à son tour aux instances du parti égyptien. Il se coalisa donc avec ses voisins pour secouer le joug de la domination chaldéenne. La ruine définitive de Jérusalem en fut la conséquence. Nabuchodonosor poursuivit le siège de la ville pendant dix-huit mois, du dixième mois de la neuvième année de Sédécias au quatrième mois de sa onzième année (588). Malgré une interruption du siège motivée par une tentative d’intervention du roi d’Egypte, Ouhabrâ, la capitale, réduite par la famine, dut ouvrir ses portes. Les Chaldéens ruinèrent tout et brûlèrent le temple. IV Reg., xxv, 1-21. Tout ce qui restait dans la ville fut déporté. Jérémie, lu, 29, ne compte ici que « 832 personnes de Jérusalem »

emmenées en captivité. On ne laissa dans le pays que les gens de rien, et la contrée demeura à peu près déserte, sans que les Chaldéens y envoyassent des colons, comme jadis les Assyriens en avaient envoyé à Samarie. Cette déportation est datée de la dix-neuvième année de Nabuchodonosor dans le quatrième livre des Rois, xxv, 8, et de la dix-huitième par Jérémie, iii, 29, et Josèphe, Cont. Apion., i, 21. Cette divergence s’explique de la même manière que celle qui a été signalée plus haut entre Jérémie et Daniel. « Les dates qui diffèrent ainsi ne se contredisent pas, mais accusent une manière différente de compter… Il est possible que cette différence ait sa raison d’être dans les façons diverses d’assigner le commencement des années. » Grætz, Geschichte der Isræliten, t. ii, 2e partie, p. 378. Dans toutes les autres dates qui ont trait à la captivité, Jérémie est ainsi en avance d’un an ; mais il n’y a pas à hésiter sur l’identité des faits qu’il rapporte. — D) Une quatrième et dernière déportation eut lieu la vingt-troisième ou vingt-quatrième année de Nabuchodonosor. Ce prince avait laissé un simple gouverneur, Godolias, pour veiller sur le pays. Les Israélites qui avaient réussi jusque-là à éviter la déportation se réunirent autour de lui. Mais des exaltés ayant assassiné Godolias, tout ce. qui restait d’Israélites s’enfuit en Egypte, pour échapper à la colère de Nabuchodonosor. IV Reg., xxv, 22-26. Jérémie, qu’ils entraînèrent de force avec eux, leur avait prédit que l’Egypte tomberait aux mains du roi chaldéen. Jer., xlvi, 13-26 ; xliii, 6-13. Du fond de sa captivité, Ézéchiel, xxix, 2-10, 18-20, avait fait la même annonce. Ces prophéties s’accomplirent. Nabuchodonosor envahit l’Egypte par deux fois, la vingtquatrième et la trente-septième année de son règne. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 412-419. Dans la première invasion, « il reprit les Juifs qui se trouvaient là et les déporta à Babylone. » Josèphe, Ant. jud., X, ix, 7. Ces Juifs étaient au nombre de 745. Jer., iii, 30. — Jérémie compte en tout 4600 déportés, et le quatrième livre des Rois, xxiv, 14-16, en compte 18000. Josèphe, Ant. jud., X, vi, 3 ; vii, 1, se livre à des combinaisons de chiffres qui n’inspirent pas une pleine confiance : il fait transporter, sous Joakim, 3000 captifs, au nombre desquels il met Ézéchiel ; sous Jéchonias, il en compte 10 832. Ce dernier chiffre se compose des 10000 notables du livre des Rois à la seconde déportation, et des 832 personnes de Jérusalem que Jérémie compte à la troisième déportation.

2° Causes de la captivité de Juda. — Les prophètes s’étendent longuement sur les causes qui ont attiré le terrible châtiment sur Juda. Voici celles qu’ils signalent plus particulièrement : I. l’infidélité en général, Is., xxii, 1-14 ; — 2. le manque de confiance en Dieu, Is., vii, 15-25, tandis que les Juifs mettaient leur espoir dans les hommes, Jer., xvii, 5-18, spécialement dans les faux prophètes, Jer., xxiii, 9-14, et même dans les institutions mosaïques, Jer., vii, 1-vin, 22 ; — 3. l’ingratitude envers Dieu, Êzech., xx, 1-44 ; — 4. la violation de la loi divine, Is., l, 1-11 ; lviii, 1-14 ; Jer., xvii, 19-27 ; — 5. l’idolâtrie, qui est le crime le plus détestable, Jer., xvi, 21-xvii, 4, surtout chez les grands, Ezech., viii, 1-18 ; — 6. la corruption, spécialement celle des plus grands personnages, Ezech, , xill, 1-xiv, 23, corruption inséparable de l’idolâtrie, Ezech., xxii, 1-31 ; — 7. les injustices publiques, Hab., 1, 2-4 ; — 8. les mauvaises mœurs du peuple tout entier, Ezech., xv, 1-8 ; xvii, 1-24, mœurs que le prophète décrit en paraboles, et les péchés de chacun. Ezech., xviii, 1-32 ; — 9. l’impénitence et l’endurcissement dans le mal, Jer., v, 1-31 ; IX, 1-22 ; xi, 18-xil, 17 ; Soph., m, 1-8 ; — 10. la Providence avait aussi des vues d’avenir en transportant son peuple hors de la Terre Sainte. Elle tira, comme elle le fait souvent, le bien du mal. Elle dispersa les Juifs dans tout le monde ancien, avant l’avènement du Messie, pour qu’ils commençassent à faire connaître le vrai Dieu et pour que les Apôtres, lorsqu’ils