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CAPHARA — CAPHARNAUM


jourd’hui détruite de fond en comble, et était construit avec des blocs d’un assez grand appareil, mais très mal taillés et quelques-uns bruts encore. Plus haut, sur la pai’tie culminante de la montagne, une seconde enceinte, plus petite et bâtie de la même manière, dont on suit facilement le périmètre, enfermait l’acropole ou la citadelle. On y remarque, comme sur l’emplacement de la ville proprement dite, les vestiges de constructions presque entièrement détruites. L’intérieur de ces deux enceintes, inhabitées depuis de longs siècles, est envahi par de hautes herbes ou cultivé par les habitants de Qatannéh, qui y sèment chaque année de l’orge ou du froment. Ils y vénèrent, vers le nord-est, un ouaH, ombragé par deux vieux chênes verts et dédié à la mémoire d’un santon auquel, par un usage assez fréquent en Palestine, ils ont donné le nom même de la cité antique, en l’appelant Scheikh Abou Kafîr. Du sommet de l’ancienne acropole, un magnifique horizon se déroule aux regards. La vue se promène sur une multitude de montagnes, qui forment le grand massif de la Judée et de la Samarie ; à l’occident, la Méditerranée confond au loin son azur avec

celui du ciel.

A. Legendre.
    1. CAPHARNAUM##

CAPHARNAUM, nom d’une petite ville qui devint la patrie d’adoption de Notre -Seigneur Jésus-Christ, sa ville, ï) c8 : ’a itoXiç. Matth., ix, 1 ; cf. iv, 13-17. Plusieurs prononcent Capernaûm, parce que quelques manuscrits du Nouveau Testament portent, en effet, Capernaiim, et que Ptolémée, dans sa Géographie, v, 16, 4, écrit aussi Komapvaoû|j.. Mais la leçon véritable est Capharnaùm, telle qu’elle se trouve dans les meilleurs textes, les plus anciennes versions (syriaque de Cureton et Peschito : Kaphar Nachum ; Vulgate : Capharnaùm), Marcion et les premiers Pères de l’Église. Nous lisons, en effet, Midrasch Koheleth, vii, 20, que les mots bibliques « le pécheur y sera pris » s’appliquent aux enfants de Kephar-Nahum ; enfin Josèphe, Vit., 72, parle d’un bourg, à peu de distance de Julias, qui s’appelait Ketp « pv(i(ir), et ailleurs, Bell, jud., III, x, 8, de la fontaine de Ka<p « pvaoû |j., qui arrosait la terre de Génésareth. L’étymologie du mot est Bourg de Nahum, à cause du tombeau, sinon du prophète Nahum, au moins de quelque rabbin portant un nom analogue ; ou Bourg de Consolation, parce que là devait se produire le Consolateur d’Israël.

I. Histoire. — Cette localité n’est pas mentionnée dans l’Ancien Testament, mais le district auquel elle devait appartenir est indiqué par la prophétie d’Isaïe, ix, 1 ; et saint Matthieu, iv, 15, 16, donne une portée très précise à ce texte. En revanche Capharnaùm, dans le Nouveau Testament, a une place d’honneur. C’est là le point de repère de la vie publique de Jésus en Galilée. Le Maître y établit son domicile, après avoir vainement essayé d’évangéliser ses concitoyens de Nazareth, Matth., iv, 13-16 ; Luc, iv, 16-31 ; et Capharnaùm sera si bien sa ville, Matth., ix, 1, qu’il y vivra désormais comme chez lui, dans la maison soit de Simon Pierre, soit de parents ou amis que l’Évangile ne nomme pas. C’est à Capharnaùm, au bureau des percepteurs, Matth., ix, 9, ou non loin de là, sur la grève, Marc, i, 16, 17, 20, qu’il s’attache définitivement une partie de ses disciples, Matthieu-Lévi, Pierre, André, Jacques et Jean ; c’est là qu’il opère de nombreux et éclatants miracles : guérison du serviteur d’un centenier, Matth., viii, 5, et Luc, vii, 1 ; de la belle-mère de Pierre, Matth., viii, 14 ; Marc, i, 30 ; Luc, iv, 38 ; du’paralylique, Matth., ix, 2 ; Marc, ii, 3 ; Luc, vi, 10 ; du possédé, Marc, i, 23 ; Luc, iv, 33 ; de l’hémorroïsse, Marc, v, 25, et tant d’autres ; là il ressuscite la fille de Jaïre, Marc, v, 22-43 ; là il paye l’impôt en recourant à un prodige ; là il prononce une série de discours célèbres : sur le jeûne, au banquet de Lévi-Matthieu, Matth., ix, 10-17 ; sur le formalisme des Pharisiens, Matth., xv, 1-20 ; sur la foi et l’eucharistie, Joa., vi, 22-71 ; sur l’humilité et divers autres sujets, Marc,

ix, 33-50. En nulle autre ville, Jésus ne manifesta plus énergiquement sa toute-puissance et sa bonté. Aussi faut-il reconnaître que, pendant la première période de sa vie publique, il y excita le plus vif enthousiasme religieux. Malheureusement le parti pharisaïque de Jérusalem vint bientôt y battre en brèche l’œuvre messianique, et les habitants de Capharnaùm, mobiles dans leurs impressions, comme il arrive presque toujours dans les milieux où domine le bien-être, prirent peu à peu une attitude hostile. On sait le triste adieu que le Maître adressa à cette cité infidèle, au moment de quitter la Galilée pour transporter en Judée le centre de son activité finale : « Et toi, Capharnaùm, monteras-tu toujours jusqu’au ciel ? Va, tu seras abaissée jusqu’au fond de l’abîme, etc. » Matth., xi, 23.

II. Site. — Cette parole s’est si terriblement accomplie, que retrouver aujourd’hui la place de Capharnaùm est un problème topographique des plus difficiles à résoudre. La tradition ecclésiastique, demeurant sur ce point peu précisée, ou même variable, ne saurait être d’un grand secours. Eusèbe, saint Jérôme et saint Épiphane désignent Capharnaùm comme un bourg (-/.<iu, r, ) ou une petite ville (oppidum), près de Tibériade, de Bethsaïde et de Chorozaïn. Dans VOnomasticon il est même dit par saint Jérôme, corrigeant Eusèbe, que Chorozaïn ruinée se trouve « in secundo lapide a Capharnaùm ». Au livre des Hérésies, 1. ii, Hssr., ii, 15, t. xli, col. 916, saint Épiphane, parlant de Bethsaïde et de Capharnaùm, dit : o-j jiaxpàv tû Siiavfii.at<.. Il y a même dans cet auteur un détail intéressant, c’est que l’empereur Constantin permit à un Juif converti, nommé Joseph, de bâtir à Capharnaùm, habité jusqu’alors exclusivement par des Juifs, une église chrétienne, comme à Tibériade, à Sepphoris et à Nazareth. C’est cette église qu’Antonin le Martyr, t. lxxii, col. 901, dit avoir visitée. Elle avait été bâtie sur la maison même de saint Pierre : « Venimus in civitatem Capharnaùm, in domum beati Pétri, quee est modo basilica. » Arculfe, t. i.xxxviii, col. 801, à la fin du vu" siècle, voit, mais seulement à distance et du haut d’une colline, Capharnaùm, qui n’a pas de mur d’enceinte et se compose d’une longue suite de maisons bâties le long du lac, dans la direction du couchant au levant, sur un point où une montagne, au nord, et le lac, au sud, laissent peu d’espace libre. Au xme siècle, Brocard, Locorum Terrse Sanctse desçriplio, dans Ugolini, Thésaurus, t. vi, col. mxxxiv, ne trouve plus sur les ruines de Capharnaùm que sept cabanes de misérables pêcheurs, qui conservent encore le nom de l’antique cité. Après cela ce nom même disparaît, et il ne nous reste, pour essayer de retrouver le site perdu, qu’à combiner les diverses indications topographiques de l’Évangile, de Josèphe et des premiers pèlerins chrétiens.

D’après l’Évangile, Matth., iv, 13 ; Joa., vi, 21, Capharnaùm est une ville située sur le bord occidental du lac de Génésareth, sur le chemin de la mer, au point de contact des anciennes tribus de Nephthali au nord, et de Zabulon au sud. Elle est sur la terre de Génésareth, Matth., xiv, 34 ; Joa., vi, 17, 21, 24. Quand on vient de Nazareth ou de Cana, on descend pour y arriver, Joa., n, 12 ; Luc, iv, 31, bien qu’elle ait pu être bâtie sur une colline, comme l’indique pour quelques exegètes le mot j’iwôsïda dans l’adieu menaçant que lui adresse Jésus. Matth., xi, 23. Les évangélistes l’appellent invariablement « une ville ». Matth., ix, 1 ; Marc, i, 33. Toutefois elle ne paraît avoir eu qu’une synagogue, bâtie comme œuvre charitable, par le centurion qui commandait le détachement de soldats romains cantonnés sur ce point. Luc, vu, 1, 8 ; Matth., viii, 9. C’était une station de douaniers ou de percepteurs d’impôts, Matth., ix, 9 ; Marc, ii, 14 ; Luc, v, 27, justement parce qu’elle se trouvait sur la grande route des caravanes allant de Damas vers Césarée ou vers l’Egypte. Quaresmius, Elucidatio, Venise, 1882, t. ii, p. 653.