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EVANGILES


Evidences of the Genuineness of the Gospels, Londres, 1868, t. i, p. 240.

Malgré cette ressemblance frappante de style et d’expressions, l’identité des phrases n’est jamais absolue ; elle n’est, pour ainsi dire, qu’intermittente. Il est assez rare de rencontrer deux versets de suite dans lesquels les trois historiens emploient exactement les mêmes mots. Au milieu des périodes qui rendent à la lecture le même son, un mot ou deux viennent jeter la dissonance. Dans des récits communs aux trois Synoptiques, saint Marc ajoute souvent des détails omis par les autres. Il n’y a pas un seul cas où saint Matthieu et saint Luc coïncident parfaitement là où saint Marc est en désaccord avec eux. L’emploi des mêmes termes insolites chez les Synoptiques n’empêche pas de nombreuses variantes dans les substantifs synonymes, dans les divers temps des verbes, dans les prépositions et conjonctions, dans certaines explications ajoutées au récit. Fillion, Introduction générale aux Évangiles, Paris, 1889, p. 30-37.

Cet exposé du problème synoptique est loin d’en contenir tous les éléments. Nous n’avons allégué que quelques exemples ; pour être complet, il eût fallu reproduire une Synopse grecque. On peut consulter des ouvrages spéciaux : J. À.. Scholten, Das Paulinische Evancjelium, Elberfeld, 1881 ; G. d’Eichthal, Les Évangiles. Première partie. Examen critique et comparatif des trois premiers Évangiles, 2 in-8°, Paris, 1863 ; A. Loisy, Les Évangiles synoptiques, traduction et commentaire, dans X Enseignement biblique, Paris, 1893, dans la Revue des religions, et tirage à part, 1896, et dans la Revue biblique, 1896, p. 173-198 et 335-359. De bons tableaux comparatifs des relations mutuelles des Évangiles se trouvent dans Hug, Einleilung in die Schriften des Neuen Testaments, 2e édit., 1821, t. ii, p. 66-70, 101-106, 136-141, 152-158 ; Fillion, Introduction générale aux Évangiles, Paris, 1889, p. 130-134, d’après Davidson, An Introduction to the Study of the New Testament, Londres, 1868, 1. 1, p. 456-461. Le problème consiste donc à rechercher les causes de ce mélange si étonnant de variété et d’harmonie, de différences et de ressemblances. Il est essentiel d’insister sur ces deux éléments, dont la réunion constitue le problème et dont la solution cherchée doit rendre compte. Les ressemblances, si elles n’étaient pas associées à de si grandes divergences, n’offriraient aucune difficulté ; on les expliquerait aisément en disant que les trois premiers évangélistes se sont copiés les uns les autres ou qu’ils ont puisé à une source commune. D’un autre côté, sans leur association avec de telles coïncidences de fond et de forme, les divergences prouveraient que les Synoptiques, en racontant substantiellement la vie de Jésus-Christ, ont été absolument indépendants les uns des autres. Leur combinaison ne peut être non plus l’effet du hasard. À quelle cause donc attribuer cette simultanéité de ressemblances allant souvent jusqu’à l’identité et de ditférences frisant presque la contradiction ?

II. diverses SOLUTIONS pboposées. — Les Pères de l’Église avaient remarqué ce mélange curieux de conformité et de différence entre les trois premiers Évangiles, et ils se sont demandé pour quelle raison Dieu l’a permis, mais sans rechercher les moyens par lesquels Dieu le produisit. Or le problème synoptique est tout entier dans la recherche de ces moyens. On peut donc conclure que l’antiquité ecclésiastique a ignoré ce problème, qui n’a été posé que dans le cours du xviiie siècle. Dès qu’on eut constaté, au moins partiellement, les faits littéraires qui ont été précédemment exposés, on se demanda par quelle voie tles éléments historiques si homogènes sont parvenus aux mains des trois premiers évangélistes, comment il se fait qu’ils ont tous trois choisi et adopté une disposition et une forme si analogues et en même temps si différentes. Depuis cent ans, ce problème scientifique a préoccupé et passionné les exégètes, surtout ceux de

l’Allemagne et de l’Angleterre. Toutes les hypothèses possibles, toutes les formes possibles de chaque hypothèse ont été successivement émises. Les trois écrits dépendent ou bien l’un de l’autre, ou bien d’une source commune et antérieure, qui a pu être écrite ou orale. On peut ramener à l’une de ces explications toutes les solutions du problème synoptique qui ont été proposées et adoptées par les savants.

1° Hypothèse de la dépendance mutuelle ou de l’usage.

— Elle consiste, dans son ensemble, à dire que les évangélistes les plus récents ont utilisé l’œuvre de leurs prédécesseurs. Si les trois premiers Évangiles se ressemblent, c’est que les auteurs des derniers parus ont connu et copié, au moins partiellement, les Évangiles antérieurs. L’un des écrivains a composé son Évangile seul, à l’aide de ses souvenirs personnels ou des souvenirs d’autrui ; le second dans l’ordre de la publication s’est servi de la narration du premier, qu’il a complétée, modifiée et retravaillée d’après son but particulier ; le troisième a utilisé les deux précédentes pour rédiger la sienne. — Cette hypothèse s’est modifiée dans tous les sens possibles et a donné lieu à six combinaisons différentes. Les premiers qui l’énoncèrejitne firent qu’indiqueren quelques mots leur sentiment, en disant que saint Marc avait emprunté à saint Matthieu et saint Luc à saint Matthieu et à saint Marc les récits qui leur sont communs, et qu’il les avait souvent cités mot à mot. Grotius, Annolationes in N. T., Halle, 1769, Malth., i ; Luc, i ; Mill, Novum Testamentum grsecum, 2e édit., Leipzig, 1723, Prolegomena, §109, p. 13, et § 116, p. 14 ; Wetstein, Nov. Test, grsecum, Amsterdam, 1761, Prsef. ad Marc, ad Lucatn. Gl. Ch. Storr, Ueber den Zweck der evangelischen Geschichle und der Briefe Johannis, in-8°, Tubingue, 1780, § 58-62 ; De fonte Evangeliorum Matthsei et Lucie, dans Velthusen, Kuinoel et Rupert, Coinmentationes tlieologicæ, t. iii, Tubingue, 1794, soutint que saint Marc n’était pas l’abréviateur de saint Matthieu, mais un écrivain original et indépendant, le plus ancien des évangélistes. Par suite, saint Matthieu et saint Luc s’étaient servis de son récit, et le traducteur grec de saint Matthieu s’aida aussi de saint Marc et de saint Luc. Busching, Vorrede zum Harmonie der vier Evangelien, 1766, p. 109, et Evanson, The Dissonance of the four generally received Evangelies, Ipswich, 1792, tinrent l’Évangile de saint Luc pour le fondement de celui de saint Matthieu, et placèrent les deux précédents à la base de celui de saint Marc. Vogel, Ueber die Entstehung der drey ersten Evangelien, dans Gabier, Journal fur auserlandische theologische Litteratur, 1804, t. i, p. 1, faisait de saint Luc la source de saint Marc, et de saint Luc et de saint Marc celles de saint Matthieu. Griesbach, Commentatio qua Marci Evangelium totume Matthsei et Lucie commentariis decerptum esse monstratur, Iéna, 1789 et 1790, approfondit davantage le sujet et essaya de montrer par une exacte comparaison des passages semblables que Marc avait copié Matthieu et Luc. Il laissa indécise la question de savoir si Luc s’était servi de Matthieu. — Hug, Einleitung in die Schriften des Neuen Testament, 2e édit., Stuttgart et Tubingue, 1821, t. ii, p. 70-173, combattit tous les systèmes qui étaient en vogue de son temps. Puis il démontra que saint Matthieu était un écrivain original, le témoin oculaire des faits qu’il raconte ; que l’Évangile de Marc avait été composé d’après celui de Matthieu ; enfin que Luc avait connu Matthieu et Marc, mais s’était aussi servi d’autres écrits pour les récits qui lui sont propres. Ce système, qui laissait les Évangiles dans l’ordre de leur succession historique et qui expliquait leurs ressemblances par leur dépendance mutuelle, a joui d’une certaine vogue, et il a été adopté par un assez grand nombre d’exégètes catholiques, Danko, Historia revelationis Novi Testamenti, Vienne, 1867, p. 279-281 ; Reithmayr, Einleitung in die canonischen Bûcher des Neuen Blindes, Ratisbonne, 1852, p. 316 ; Patrizi, De Evangeliis libri très, Fribourg-en-Brisgau,