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ÉVANGILES


tingue les faits semblables par la diversité des circonstances de personnes, de temps et de lieux, et par la manière un peu différente dont ils ont été accomplis. Le second excès serait de distinguer des faits identiques, dont les circonstances principales sont les mêmes, sous prétexte que les différents récits contiennent un nombre plus ou moins grand de détails. On ne multipliera pas les miracles et les discours de Jésus, dès que les relations ne présenteront qae de légères divergences. Un fait unique et identique peut, sans cesser d'être vrai dans tous ses détails, être diversement raconté par plusieurs écrivains. Or les évangélistes ne se sont pas généralement attachés à énumérer minutieusement toutes les circonstances des événements. Celui-ci s’est borné à noter le trait important, Matth., xxvi, 69-75 ; Luc, xxii, 55-62 ; Joa., xviii, 25-27 ; celui-là a précisé davantage les détails, Marc, xiv, 66-72 ; tel a relaté une circonstance, tel une autre, chacun d’eux écrivant d’après son but et selon ses souvenirs ou ses documents. Il est dès lors toujours possible de former de leurs diverses narrations un récit continu, réunissant en un tout homogène les détails en apparence discordants. Voir Évangiles (concorde des). VIII. Rapports des trois premiers Évangiles ou

<£JESTION SYNOPTIQUE. — I. ÉTAT DE LA QUESTION. — Un

fait saillant, qui frappe le regard des lecteurs les plus superficiels et qui du reste n’est contesté par personne, c’est la différence marquée qui existe entre les trois premiers Évangiles, d’une part, et le quatrième, d’autre part, et la ressemblance étonnante que présentent ceux du premier groupe. Bien qu’en réalité les quatre narrations évangéliques soient des biographies d’un seul et même personnage et qu’elles aient des matériaux communs, elles se ramènent cependant à deux récits : l’un en grande partie commun aux Évangiles de saint Matthieu, de saint Marc et de saint Luc ; l’autre propre à saint Jean. En effet, en dehors de la passion, dans la relation de laquelle les quatre Évangiles sont parallèles, les trois premiers n’ont presque rien de correspondant au quatrième. Celuici raconte le ministère de Jésus en Judée et à Jérusalem ; ceux-là, sa prédication et ses actes dans la Galilée et la Perce. Ce ne sont pas seulement les faits narrés qui diffèrent ; la physionomie elle-même de Jésus paraît tout aulre. Dans les trois premiers récits, ses actes et ses paroles ont un caractère plus simple, plus populaire, plus approprié au milieu où s’exerçait son activité. Le quatrième Évangile a une forme plus relevée, plus spirituelle, plus en rapport avec les docteurs et les chefs du peuple que Jésus rencontrait en Judée, qu’il instruisait et avec qui il discutait. Saint Matthieu, saint Marc et saint Luc sont surtout des historiens ; saint Jean est en même temps un théologien. Les anciens écrivains ecclésiastiques avaient remarqué cette différence, et tandis qu’ils appelaient les trois premiers Évangiles des Évangiles corporels, au>ia-ciy.â, ils qualifiaient le quatrième de spirituel, m£uu.aTixôv. Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 553. Néanmoins les quatre récits s’accordent, et le quatrième n’a pas de Jésus une idée qui soit en contradiction avec celle des trois autres. — Les ressemblances frappantes que présentent entre eux les trois premiers Évangiles ont fourni l’occasion d’imprimer les trois récils de la vie de Jésus en regard les uns des autres, sur des colonnes parallèles, afin qu’on pmt voir d’un seul coup d’oeil les passages semblables. Griesbach, Synopsis Evangeliorum Mattkxi, Marci et Lucx una cum Us Joannis pericopis qux historiam passionis et resurrectionis Jesu Christi complectuntur, 2e édit., Halle, 1797 ; deWette et Lucke, Synopsis Evangeliorum Matthœi, Marci et Lucx cum parallelis Joannis pericopis, Berlin, 1818 ; Rœdiger, Synopsis Evangeliorum Matthœi, Marci et Lucx cum Joannis pericopis parallelis, Halle, 1829 ; Rushbrooke, Synopticon, Londres, 1880-1881. Comme cette disposition typographique des ^récits parallèles a été nommée Synopse, SOvo'^l ; , « ce

que l’on contemple d’un seul coup d’oeil, » on a appelé Synoptiques, ou parallèles, les trois Évangiles qui fournissent les matériaux de la Synopse. La comparaison des textes parallèles, favorisée par les Synopses, a pu être faite jusque dans les moindres détails, et a révélé de plus en plus l'étonnante parenté littéraire des trois premiers Évangiles. Elle a donné lieu à un problème compliqué, dont la solution définitive n’est pas encore trouvée, et qui porte le nom de question des Évangiles ou question Synoptique. — S’il n’existait que des ressemblances entre les trois premiers Évangiles, le problème serait simple et la solution en serait facile. Les nombreux et continuels points de contact des narrations parallèles s’expliqueraient par l’hypothèse d’une dépendance mutuelle ou d’une source commune. Mais à côté d’une harmonie surprenante, dont on ne connaît pas d’autre exemple dans l’histoire littéraire, les Synoptiques présentent des divergences d’ensemble et de détail non moins étonnantes. Le problème se complique d’autant plus que ces différences réelles, claires et saillantes, se rencontrent dans les passages les plus ressemblants, qu’elles se mêlent, s’enchevêtrent, non pas partiellement, mais constamment, avec des ressemblances profondes et évidentes. Pour se faire une idée juste et complète de ce mélange de ressemblances et de divergences, il faut parcourir soi-même les Synoptiques et les comparer par le menu dans une Synopse. L’analyse pourtant si minutieuse que les critiques modernes ont faite des Synoptiques, et que nous allons reproduire, ne peut remplacer entièrement ce travail personnel. Comme les divergences et les ressemblances portent sur les mêmes points et coïncident partout, nous les constaterons simultanément soit dans le contenu, soit dans le plan général, soit dans la disposition des détails et jusque dans la forme littéraire des récits parallèles.

1° Ressemblances et divergences dans le contenu. — Il est dès l’abord singulier qu’au milieu de l’abondance et de la variété des faits, Joa., xxi, 25, les Synoptiques racontent tous trois la même partie de la vie de Jésus. Ils ne parlent pas du ministère en Judée, que saint Jean rapporte seul, et à les lire on se persuaderait facilement que la prédication de Notre -Seigneur, en dehors de la période de la passion, qui a été courle, n’a eu d’autre champ d’action que la Galilée. Dans l’ensemble, les trois historiens, Matthieu, Marc et Luc, racontent les mêmes faits et rapportent les mêmes paroles. Les discours et les paraboles sont pour la plupart les mêmes dans saint Matthieu et dans saint Luc ; les miracles sont à peu près identiques dans les trois Synoptiques ; ce sont les mêmes guérisons. — Toutefois, malgré cette communauté de fond, chaque évangéliste a ses récits propres ; chacun introduit dans sa narration des fragments plus ou moins considérables, parfois des épisodes complets, qu’on ne trouve pas chez les deux autres. Ils sont très peu nombreux en saint Marc, plus considérables en saint Matthieu et davantage encore en saint Luc. Ces fragments sans parallèle sont : en saint Matthieu, l’adoration des mages, la fuite en Egypte, le massacre des enfants de Bethléhem, ii, 1-17 ; les paraboles de l’ivraie, xiii, 24-30 ; du trésor caché, de la perle et du filet, xiii, 44-51 ; celles des deux débiteurs, xviii, 23-35 ; des deux fils, des vignerons homicides, xxi, 28-46, et des dix vierges, xxv, 1-13 ; le statère trouvé dans la bouche du poisson, xvii, 23-27 ; l’intervention de la femme de Pilate, xxvii, 12 ; l’ablution des mains du procurateur, xxvii, 24 et 25 ; la résurrection des morts, xxvii, 51-53 ; la garde du tombeau de Jésus, xxvii, 62-65 ; en saint Marc, les deux guérisons miraculeuses du sourdmuet de la Pentapole, vii, 31-37, et de l’aveugle de Bethsaïde, viii, 22-26 ; les deux paraboles de la semence qui croît sans qu’on s’en aperçoive, iv, 26-29, et du maître qui laisse sa maison à la garde de ses serviteurs, xiii, 34-37 ; la fuite d’un jeune homme qui suivait Jésus,