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ÉTHIOPIENNE (VERSION) DE LA BIBLE


au même résultat.. Personne ne Ta mieux prouvé que le savant éthiopisant, dans les Apparatus critici joints au texte de son édition de l’Ancien Testament ghe’ez.

Quant à la version du Nouveau Testament, elle a été faite également sur le grec, qui est ici le texte original. La critique aussi bien que l’histoire en tombent d’accord. Voir Michælis, § x Prxfationis Evangèlii seeunduni Matth. ex versione setliiopici interpretis a Bode editi, Halle, 1749. Tout récemment M. Hackspill l’a spécialement démontré pour les dix premiers chapitres de saint Matthieu, en prenant pour base de son travail le manuscrit ghe’ez 32 de la Bibliothèque Nationale. L. Hackspill, Die àlhiopische Evangelienûbersetzung (Matth., i-ix), dans la Zeitschrift fur Assyriologie, t. xi, 1897, p. 127-131. Ce que le jeune savant nous dit de quelques chapitres de saint Matthieu, on peut l’étendre au Nouveau Testament tout entier. C’est du reste aujourd’hui la conclusion admise par tous les critiques, à l’exception de Paul de Lagarde. La controverse ne peut plus porter désormais que sur la question de savoir quel est au juste le texte grec que suivirent les traducteurs. Le problème devient alors plus ardu, plus délicat, et il demanderait pour être tranché des études qui ne nous paraissent pas encore faites.

V. La version éthiopienne est l’œuvre de plusieurs auteurs. — C’est l’opinion la plus généralement suivie et la plus probable. Ludolf, qui l’a soutenue, appuie son sentiment sur cette raison, que les mots rares et difficiles, comme sont les noms de pierres précieuses, sont rendus de différentes manières dans les divers livres, et il en fournit des exemples. La topaze, dans Ps. cxviii, 127, est rendue par le mot grec pazjon, le ^a étant rejeté

comme article ; dans Job, xxviii, 19, par "I*"}llG s tancar ; dans Apoc, xxi, 20, par G) £*(&& s ivaraurè. Ludolf, Hist. jEthiop., 1. iii, c. IV, n. 6. Dillmann, le meilleur juge de notre temps dans ces questions, ne croit pas, il est vrai, malgré quantité de variantes de ce genre par lui observées, qu’il faille conclure à des traducteurs différents en ce qui concerne la Genèse, l’Exode, les Nombres, le Lévitique, Josué, les Juges et Ruth, dont il nous a donné le texte dans son premier volume de l’Ancien Testament ghe’ez. Il pense que l’inconstance d’un traducteur primaire et unique suffit à expliquer ces variations. Octateuchus suthiopicus. Pars posterior, p. 22, 58, 101, 139, 189, 195, 216. Le docte critique cependant (loc. cit., p. 58-61) fait une exception pour les chap. xiv et suivants de l’Exode, qu’il attribue à un second traducteur ; et, s’il s’agit de l’ensemble de la Bible, c’est l’avis de Ludolf qu’il nous recommande. (Loc. cit., p. 58.) Telle est, croyons-nous aussi, la seule opinion vraiment solide. On verra du reste plus loin, abstraction faite des raisons intrinsèques tirées de l’examen des textes, que, selon les données très vraisemblables des écrivains d’Ethiopie, plusieurs auteurs ont concouru à la traduction des Livres Saints.

VI. EXISTE-T-IL EN ÉTHIOPIEN PLUSIEUBS.VERSIONS

pour les mêmes livres de l’Écriture ? — Nous parlons ici de versions proprement dites et non pas de simples recensions d’une même version. Plusieurs éthiopisants, en effet, et des plus considérables, tels que Ludolf et Dillmann, n’ont peut-être pas toujours sur ce point suffisamment précisé leur langage, et, — si nous les entendons bien, — ils se servent parfois, au grand détriment de la clarté, du mot « version » dans le sens de « recension ». Voir Ludolf, Comment., 1. iii, c. IV, n. xxviii ; Dillmann, Vet. Test, setliiopici, t. ii, pars poster., p. 3-5, et Lexicon, Præfatio, col. v-vi. Cette remarque faite, nous répondons que la thèse de la pluralité des versions éthiopiennes pourrait trouver en sa faveur quelques arguments plausibles. Les variantes sont sans nombre dans les exemplaires manuscrits d’un même livre. Additions, omissions, expressions différentes, gloses, rien ne manque des variantes accoutumées. Qu’il me suffise de renvoyer

aux exemples innombrables que nous en donne Dillmann dans ses notes critiques aux livres de l’Ancien Testament. Toutefois ces variantes ne prouvent pas nécessairement la multiplicité des versions. Les mêmes divergences se rencontrent partout, dès qu’on possède un certain nombre de manuscrits d’un même ouvrage, et surtout d’un ouvrage fort répandu dans l’usage et le commerce des hommes. Du reste, quand on sait l’étonnante facilité avec laquelle les copistes éthiopiens ont cru pouvoir rendre par des mots plus clairs ce qui leur semblait obscur, glisser certaines gloses destinées à compléter le sens, ou supprimer ce qui leur paraissait redondant (voir Dillmann, Vet. Test., t. i, pars poster., p. 13-16, 64, 99, 119, 141-143, 172-173, 192-193, 215-216 ; t. ii, fasc. i, pars poster., p. 6-7, 36-39 ; fasc. ii, pars poster., p. 3-4, 47-49), sans parler des révisions qui ont été faites au cours des temps, et dont nous parlerons tout à l’heure, on comprend sans peine qu’il ne suffit pas de variantes même nombreuses pour conclure à la pluralité des versions. Il faudrait, à notre avis, pour admettre cette conclusion, des divergences plus profondes que celles qu’on connaît jusqu’ici. S’agit-il des livres du Nouveau Testament, nous n’oserions plus, avec Michælis, formuler le même jugement. Michælis, § n Prsefationis ad Evangelium secundum Matthseum ex versione xthiopici interpretis, editum a Bode, Halle, 1749. Car il se pourrait faire que le progrès des études ghe’ez imposât quelque jour une solution différente pour quelques-uns de ces livres, pour les Évangiles, par exemple. Cf. Ludolf, loc. cit. ; Dillmann, Lexicon, loc. cit. ; Aethiopische Bibelubersetzung, dans Herzog’s Real Encyklopàdie.

VII. EXISTENCE DE PLUSIEURS RECENSIONS DE LA VER-SION éthiopienne primitive. — 1° Ancien Testament.

— Il dut être revisé sur l’une ou l’autre des trois recensions des Septante, qui furent faites dans l’Eglise grecque au ni" siècle, à savoir : par Origène, à Césarée ; par saint Lucien, à Antioche, et par Hésychius, en Egypte. Voir, dans les Études religieuses, La critique biblique au ni" siècle, 1891, octobre ; 1892, mars et octobre. Dillmann, en effet (Vet. Test, sethiop., t. ii, fasc. i, pars poster., p. 3-5), a nettement distingué de la version ancienne ou primitive un texte ghe’ez remanié à une date et par des auteurs inconnus, d’après un texte grec qui avait été lui-même revisé. Quelle était cette recension grecque, qui servit ainsi de base à la recension éthiopienne ? Probablement celle d’Egypte, la recension d’Hésychius. L’Église d’Ethiopie, dès ses origines, a été en continuelle dépendance de l’Eglise d’Alexandrie. Il est donc très vraisemblable qu’elle aura pris encore en Egypte les textes qui servirent de base à sa revision ; malheureusement le texte hésychien est jusqu’à présent peu connu. Mais, en attendant qu’on l’ait sûrement retrouvé, on sera fondé à croire que la recension éthiopienne en dépend. Espérons que M. Bachmann résoudra ce problème, qu’il nous a promis d’aborder. Dodekapropheton jEthiopum, Heft i, Der Prop/iet Obadia, Halle, 1892, p. 9. Cf. Études, mars 1892, p. 451-453. Quoi qu’il en soit, nous voici déjà en présence de deux textes de l’Ancien Testament : celui que Dillmann, dans ses notes critiques sur les livres des Rois (ibid.) et dans Aethiopische Bibelubersetzung (Herzog’s Real Encyklopàdie), a nommé « la version ancienne ou primitive », et qui ne porte pas trace de revision ( = Francofurtensis 604 paginas continens et 57 Abbadianus) ; puis le second, qui fut revisé et qu’il nomme « la version Vulgate ou seconde » (= Oxon. 3 ; Abbad. 137 et 197 ; Brit. Mus., Dillmann, Catal., p, 1 ; Francoꝟ. 382 paginas complectens). Ce dernier texte est de beaucoup le plus répandu en Ethiopie. Pour quelques livres au moins de la Bible, nous devons également reconnaître une seconde recension, faite cette fois sur le texte hébreu. M. Zotenberg, dans son Catalogue des mss. éthiopiens de la Bibl. Nationale, n » 7, a reconnu un texte de ce génie pour les livres de Job et de Daniel,