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ESPAGNOLES (VERSIONS) DE LA BIBLE


du canon juif. Voir Eguren, Memoria descriptiva de los Codices mas notables de Espaûa, in-4°, Madrid, 1859, p. 8.

3° On peut regarder également comme faite en partie sur l’hébreu, en raison de l’ordre qu’occupent les livres, une troisième version de l’Ancien Testament, qui se conserve â l’Escurial. Le manuscrit est partie en parchemin, partie en simple papier, mais avec lettres ornées ^et autres illustrations. Il se compose de 258 feuillets. Il commence par les trois grands prophètes Isaïe, Jérémie et Ézéchiel. Viennent ensuite les douze petits (ordre de la Vulgate), Ruth, les Psaumes, Job, les Proverbes, l’Ecclésiaste, le Cantique de Salomon, les Lamentations de Jérémie, Daniel, Esther, et enfin pour conclure les deux livres des Paralipomènes. R. de Castro, Biblioteca, p. 434 et 435 ; Eguren, Memoria, p. 45.

4° La bibliothèque de l’Escurial possède aussi, sous le n° 8, une autre version de l’Ancien Testament, différente des précédentes. Elle pourrait bien être l’oeuvre de plusieurs auteurs. On lit dans une note-qui se trouve au folio 224, en tête du Psautier : « Cette traduction est l’œuvre dé maître Hermonel, Allemand de naissance, et elle a été faite sur l’hébreu. » Ce manuscrit est incomplet au commencement et à là fin ; car tout ce qui précède le chapitre vu du Lévitique y fait défaut, comme aussi tout ce qui suit le Psaume lxx. Ce manuscrit fut offert en don à Philippe II par le cardinal Quiroga, d’après une note du bas de la première page. Castro, Biblioteca, p. 438.

5° La même bibliothèque dé l’Escurial possède encore, sous le n° 17 des codices bibliques, un manuscrit qui parait assez analogue au précédent. Il s’étend de la Genèse au IV 8 livre des Rois inclusivement et se compose de 450 feuillets ; mais les vingt-quatre premiers chapitres de la Genèse y font absolument défaut. Il a pour début un chapitre qu’on appelle chapitre huitième, bien qu’il ait trait à la naissance des deux jumeaux Ésaû et Jacob. Or cet événement occupe le chapitre xxv dans nos Bibles. De là on est porté à croire que cette version est faite au moins en partie sur l’hébreu, puisqu’elle en a adopté une manière de sectionner les Saints Livres qui n’est en rien celle de la Vulgate.

6° Une dernière version de l’Ancien Testament faite sur l’hébreu est connue sous le nom de Bible du duc d’Albe, du nom de son possesseur actuel. Elle a pour auteur le rabbin Mosé Arrajel (de Tolède), qui l’acheva le 2 juillet 1430, après huit années d’un travail persévérant. Elle lui avait été commandée et chèrement payée (80000 francs de notre monnaie) par don Louis de Guzman, grand maître de l’ordre de Calatrava. Étant faite sur l’hébreu, elle ne renferme naturellement que les livres protocanoniques. Ce qui lui donne un nouveau prix, c’est qu’elle est enrichie de nombreuses miniatures ainsi que de gloses. Celles-ci sont dues partie au traducteur, partie au P. Arias de Encéna, alors gardien du couvent des Frères Mineurs de Tolède. Voir Joachim Vilanueva, De la leccion de la Sagrada Escritura, Appendice, Valencia, 1791, p. 137-228.

II. VEBSIOlfS FAITES SUS LA VULQATB LATINE. — 1° Bible

de Quiroga, n° 4 de l’Escurial. Le cardinal et grand inquisiteur Quiroga donna au roi Philippe II une seconde version complète de l’Ancien Testament. On a parfois considéré cette version comme faite sur l’hébreu (Eguren, Memoria, p. 45), sans doute parce que l’auteur était un Juif converti. Mais l’ordre dans lequel sont placés les livres est celui de notre Vulgate, et on y trouve les livres deutérocanoniques. Le manuscrit se compose de 468 feuillets en parchemin, avec enluminures, lettres ornées, etc. Castro, Biblioteca, p. 433 et 434. — 2° C’est encore l’Escurial qui nous fournit une seconde version analogue à la précédente. Elle passe pour avoir été commandée par Alphonse V, roi d’Aragon (1416-1458). -Castro, Biblioteca, p. 437. Le manuscrit qui nous l’a conservée ne commence qu’aux

Proverbes ; mais à dater de ce livre il embrasse tout ce qui suit dans nos Bibles jusqu’à l’Apocalypse inclusivement. Il se compose de 358 feuillets grand in-f°. — 3° Un manuscrit, qui est inscrit à l’Escurial sous le n° 7 et ne se compose que de 155 feuillets, contient une traduction incomplète. Il ne s’étend que du chapitre vu du Lévitique au IV » livre des Rois. Castro, Biblioteca, p. 438. — 4° Martin de Lucena, surnommé le Machabée, était un Juif converti, mais très instruit et très versé dans les langues latine et grecque. Il traduisit en castillan, vers 1450, les Évangiles et les Épltres de saint Paul, à la prière d’Inigo Lopez de Mendoza, marquis de Santillane (S. Julianus). Cette version paraissait digne de beaucoup d’estime aux yeux de Nicolas Antonio et de Rodriguez de Castro. Voir ce dernier, Biblioteca, p. 439. Le manuscrit autographe s’est conservé à l’Escurial, sous le n° 11, jusqu’à la fin du siècle dernier ; mais aujourd’hui il ne se retrouve plus. (Lettre du P. Fernandez, bibliothécaire, en date du 3 février 1896.)

Par tout ce qui précède, on voit que, durant le moyen âge, la lecture de l’Écriture Sainte en langue vulgaire avait été encouragée et facilitée en Espagne, à part trente ou quarante années pendant lesquelles on fut obligé de se prémunir contre les Albigeois. À la fin du XVe siècle, on s’occupait même d’imprimer les Livres Saints traduits en espagnol, témoin le Pentateuque espagnol, qui parut à Venise, en 1497, par les soins des Juifs expulsés de leur patrie (Castro, Biblioteca, t. i, p. 448-449), et le Psautier espagnol, qui fut édité à Tolède, vers le même temps, selon toute apparence. Ibid., p. 449. Mais l’hérésie de Luther et l’abus qu’il fit du texte sacré vinrent arrêter ce mouvement.

III. Versions publiées de 1500 à 1780. — i. vebsioxs catholiques. — Les fondateurs du protestantisme se servirent des versions de la Bible en langue vulgaire, arrangées à leur guise, pour propager leurs erreurs. Afin de remédier au mal, le concile de Trente interdit la lecture de ces versions. Cependant cette prohibition, telle qu’elle fut décrétée à Trente, puis formulée dans la règle iv de l’Index romain, n’était point absolue, mais simplement conditionnelle ; elle n’atteignait que ceux qui ne voulaient pas solliciter une permission auprès des supérieurs légitimes. L’Inquisition espagnole alla plus loin et aggrava la défense. Elle prohiba purement et simplement, pour des motifs plutôt politiques que religieux, « l’impression et la lecture des Livres Saints en langue vulgaire, » en comprenant même dans cette prohibition les Heures du bréviaire, l’Office de la Sainte Vierge, celui des défunts et les choses analogues. ( Voir la règle v de l’Index espagnol des livres prohibés.) On sait avec quelle vigilance et même quelle rigueur l’autorité temporelle s’employa en Espagne, pendant les xvie, xviie et xviiie siècles, à procurer l’exacte observance d’un pareil décret. Les usages d’alors et l’intolérance au moins aussi grande de Luther, de Calvin et d’Henri VIII expliquent ces mesures, si elles ne les justifient pas. On ne saurait d’ailleurs s’empêcher de reconnaître que ce fut cette sévérité même qui préserva la péninsule ibérique du double fléau de l’hérésie et des guerres de religion, qui firent couler des flots de sang dans d’autres pays.

Sous le coup des menaces de l’Inquisition, les catholiques espagnols se bornèrent à essayer de traduire quelques-unes des parties des Ecritures qui entrent dans la liturgie ou quelques livres sapientiaux, et ils ne réussirent pas toujours à les publier. Voici rémunération de ces tentatives.

1° Versions des Évangiles. — 1° La première de toutes eut pour objet la version des évangiles et des épîtres de l’année. Elle a pour auteur le franciscain Ambroise de Montésino, prédicateur des rois catholiques Ferdinand et Isabelle. Son travail fut édité à Madrid, en 1512, longtemps avant la publication explicite faite en 1554 des Règles de l’Inquisition, qui prohibaient la lecture des