Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/1009

Cette page n’a pas encore été corrigée

1939

    1. ESDRAS##

ESDRAS (PREMIER LIVRE D’)

1940

Pentateuque. Ces livres connaissent le Pentateuque ; ils lui sont donc postérieurs. Les arguments particuliers tirés de la liste des grands prêtres seront réfutés à l’article Paralipomènes. À ceux qui objectent que la chronologie admise par les rabbins fait descendre Esdras à l’époque d’Alexandre le Grand, on peut opposer à bon droit que l’ensemble des docteurs juifs la font remonter au temps de Zorobabel. On peut aussi reconnaître peu de valeur à cette chronologie, qui ne comptait que cent douze ans depuis la destruction de Jérusalem jusqu’au commencement de l’ère des Séleucides. Le livre d’Esdras a vraisemblablement été terminé peu après les événements qu’il raconte. Or il finit brusquement par l’affaire de la rupture des mariages mixtes, qui eut lieu la septième année du règne d’Artaxerxès, c’est-à-dire en 459 avant notre ère. Il paraît certain du moins que l’ouvrage a été composé avant l’arrivée de Néhémie à Jérusalem, la vingtième année du même règne, selon la computation ordinairement reçue ; car Esdras n’aurait pu omettre une circonstance si importante, si elle s’était déjà produite lorsqu’il écrivait.

VI. But de l’auteur. — Esdras ne s’est pas proposé d’écrire sa propre biographie, car il donne à peine quelques détails sur sa famille et ses antécédents. Il ne parle de lui-même qu’à l’occasion du rôle qu’il a joué dans la restauration de la communauté juive à Jérusalem. Il ne veut pas davantage faire l’histoire générale et politique de son temps, pas même l’histoire complète du judaïsme à cette époque. Il n’en raconte que de simples épisodes, en se plaçant exclusivement au point de vue religieux. Son plan est donc intentionnellement limité à deux ordres de faits, au rétablissement et à la réorganisation du culte mosaïque à Jérusalem après le retour de la captivité. Ce but explique la reproduction intégrale des décrets royaux qui autorisaient cette restauration, le silence de l’auteur sur les événements qui se sont passés pendant près de soixante ans, et l’importance donnée à des faits particuliers et à des questions de détails, qui seraient petits et mesquins dans une histoire générale. Relativement à la réorganisation du culte en conformité avec la loi mosaïque, tout ce qui concerne les prêtres et les lévites, les fêtes et les femmes étrangères, devient intéressant et attire l’attention de l’écrivain. J.-P.-P. Martin, Introduction à la critique générale de l’Ancien Testament. De l’origine du Pentateuque, Paris, 1887-1888, t. ii, p. 23-25.

Le but d’Esdras, en écrivant le livre qui porte son nom, était le même que celui qu’il avait eu en vue en composant les Paralipomènes. Ici, Esdras avait voulu stimuler le zèle de ses contemporains en faveur du Temple à reconstruire et du service divin à rétablir, et il avait rapporté dans ce dessein l’exemple des anciens et le souvenir des promesses et des bénédictions de Dieu relatives à son culte. Là, il rappelle dans quelles circonstances historiques et de quelle manière la religion nationale et l’état social des Juifs ont été restaurés ; il consigne pour la postérité ce qu’ont fait les exilés, de retour dans la patrie, en faveur de cette restauration ; il énumère les familles rapatriées et montre comment Dieu reste fidèle à ses engagements. La captivité de Babylone était une juste punition des péchés de Juda- ; mais elle n’a pas interrompu le cours régulier des bénédictions de Jéhovah sur son peuple. Dieu, par la bouche de Jérémie, avait prédit qu’elle prendrait fin un jour, et cette consolante prédiction a reçu son entier accomplissement. Dieu n’avait donc pas rejeté Israël ; il ne l’avait pas non plus abandonné pour toujours. Si à l’avenir les Juifs restent fidèles à Jéhovah, ils jouiront des promesses faites à leurs ancêtres. Les rois étrangers eux-mêmes concourent à réaliser, quand l’heure est venue, les desseins de Dieu sur son peuple, et les pieux Israélites qui ont travaillé à la réorganisation de leur religion ont heureusement surmonté tous les obstacles qu’on leur opposait, et ils

ont mené à bonne fin la grande entreprise dont la Providence les avait chargés. Jéhovah continue donc à protéger Israël, pourvu que de son côté le peuple soit fidèle à observer la volonté de son Dieu.

VII. Autorité historique du livre. — Le premier livre d’Esdras se composant en grande partie de documents officiels, de firmans des rois de Perse, de rapports de satrapes ou gouverneurs, de généalogies et de listes publiques, a généralement été tenu pour exact et véridique. Les relations qui reproduisent ces documents proviennent de témoins oculaires, dont la véracité n’est pas ordinairement contestée. D’ailleurs il existe entre elles et les renseignements certains que nous possédons sur l’histoire des Perses à cette époque une concordance complète. Voir Cyrus et Darius I", t. ii, col. 1191-1194 et 1299-1306 ; Artaxerxès I" et Artaxerxès II, t. i, col. 1039-1043. Cependant les critiques rationalistes ont contesté récemment le caractère historique de bien des faits racontés dans ce livre.

1° L’édit de Cyrus pour la liberté d’Israël et la reconstruction du Temple, ordonnant de restituer les vases sacrés que Nabuchodonosor avait fait enlever, est, dit-on, apocryphe. On l’a inventé d’après Isaïe, xliv, 28, et on a imaginé que le fondateur de la monarchie persane avait donné à Zorobabel la mission de rebâtir le Temple. Kosters, Het Herstel van Israël in het perzische tijdvak, Leyde, 1891, p. 30-32 ; Renan, Histoire du peuple d’Israël, t. iii, Paris, 1891, p. 518-519. — Les historiens peignaient Cyrus comme un monothéiste rigide, un sectateur sévère du zoroastrisme, un ennemi implacable des idoles. Or, dans les inscriptions de Babylone qui le concernent, Cyrus ne dit pas un mot d’Ahura-Mazda, le dieu suprême des Perses ; mais par application d’un principe politique tout à fait opposé à ceux des monarques assyriens qu’il remplaçait, il reconnaît l’autorité et la protection des dieux des peuples vaincus. Si donc Cyrus honorait Bel, Nébo, et rétablissait le sanctuaire de Marduk, il pouvait à plus forte raison honorer Jéhovah, l’unique Dieu des Juifs, reconnaître qu’il avait reçu des ordres de lui et concourir au rétablissement de son culte. Il nous apprend aussi qu’il assembla les peuples tributaires et les fit retourner dans leur pays. Cette affirmation confirme suffisamment le récit d’Esdras et rend plus vraisemblable le fait que Cyrus mit fin à la captivité des Juifs et les autorisa à retourner dans leur patrie. Sayce, La lumière nouvelle, trad. franc., Paris, 1888, p. 193-205 ; Vigourqux, La Bible et les découvertes modernes, 6° édit., Paris, 1896, t. iv, p. 404-419.

2° M. Kosters, professeur à Leyde, Het Herstel van Israël, p. 19-25, a été plus loin et a prétendu que le retour des Juifs dans leur patrie sous le règne de Cyrus était une pure fiction. Selon lui, Zorobabel et le grand prêtre Josué n’ont jamais été à Babylone, et les Juifs qu’ils commandaient n’étaient pas des captifs rapatriés, mais les descendants des habitants de la Palestine qui n’avaient pas été transportés hors de leur pays par Nabuchodonosor. Le critique néerlandais appuie ses affirmations sur les prophètes Aggée et Zacharie, qui ne considèrent pas Zorobabel et Josué comme les chefs d’une émigration, ni le peuple qui les entoure comme une colonie revenue en Palestine, mais comme un reste du peuple juif, comme la population qui n’avait jamais quitté le pays. Agg., i, 2, 12, 14 ; II, 2, 14 ; Zach., viii, 6, Il et 12. Mais les expressions le peuple, ce peuple, peuvent de soi s’appliquer aussi bien au peuple revenu de l’exil qu’à la population qui était restée dans le pays. De fait, elles désignent, Neh., viii, 3, 5, etc. ; x, 35, la communauté des rapatriés, et la caravane d’Esdras est indiquée, Esdr., x, 1, comme une partie du peuple. L’expression le reste du peuple convient aux Juifs, emmenés en captivité. I Esdr., ix, 13-15 ; II Esdr., vii, 72 ; Jer., xxui, 3 ; xxxi, 7. Quant au peuple de la terre, auquel s’adressent Aggée, n, 4, et Zacharie, vii, 5, ce n’est pas la population païenne