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BŒUF
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comme nom collectif désignant les troupeaux de gros bétail ; la Vulgate le traduit alors par armentum. Ces cinq noms en usage chez les Hébreux désignent tous le même animal, qu’il soit mâle ou femelle. Dans nos pays, le bœuf est le taureau neutralisé par la castration. Cette opération, pratiquée de toute antiquité, n’était point inconnue des Hébreux, mais la loi la leur interdisait expressément : « Ne faites point cela dans votre pays. » Lev., xxii, 24. Josèphe, Ant. jud., IV, tmi, 40, témoigne que ses compatriotes prenaient cette interdiction à la lettre. Selon plusieurs interprètes, la loi ne proscrivait la castration que pour les bœufs offerts en sacrifice. La plupart des modernes croient cependant qu’à l’occasion de la défense d’offrir au Seigneur des animaux ainsi mutilés, la loi formule ensuite une interdiction générale. L’importation de bœufs étrangers pouvait donc être tolérée à la rigueur ; mais les Hébreux n’avaient pas de nom spécial pour désigner ces animaux, et quand il est quesion de bœufs dans la Sainte Écriture, il s’agit toujours de taureaux. Voir Vache, Veau.

Le bœuf est un ruminant de l’ordre des bisulques ou fourchus, et de la famille des bovidés, dont il est le type. Il comprend six groupes différents, parmi lesquels l’espèce domestique fournit un assez grand nombre de races. Le bœuf vit une quinzaine d’années ; dès l’âge de trois ans, il peut être dressé au travail du labour ou du trait ; à dix ans, il ne peut plus guère rendre de services. C’est un animal doux et patient, quoique très robuste. Il n’est généralement redoutable que quand on l’irrite ; alors il ne recule devant aucun danger et, grâce à ses cornes puissantes, tient tête à toute espèce d’ennemis. Ces cornes sont un prolongement de l’os du front, revêtu d’une gaine cornée. Elles se dirigent latéralement à leur naissance, puis se recourbent en haut et en avant en forme de croissant. Le bœuf est susceptible d’attachement envers ceux qui le soignent. Il reconnaît leur voix et sait obéir à l’appel du nom auquel on l’a accoutumé. Vivant, il est utile par son travail et par son lait ; mort, il sert à l’alimentation, et l’industrie actuelle utilise sa peau, ses cornes, sa graisse, son poil, ses os, etc.

I. La race bovine de Palestine. — Les bœufs de Palestine sont généralement de petite taille, velus, à jambes courtes et assez frêles (fig. 554). Leur couleur est noire, brune, quelquefois rouge, très rarement mêlée de noir et de blanc, et presque jamais blanche. La plus belle race se rencontre dans les plaines voisines du bord de la mer ; c’est là surtout que ces animaux sont employés aux divers travaux de l’agriculture. La race qui peuple le sud de la Judée et les régions à l’est et au sud de Bersabée parait être une dégénérescence de la précédente. Les bœufs sont très nombreux dans les plaines dénudées de cette partie du pays, mais on ne se sert d’eux que très rarement pour les travaux agricoles. Aussi errent-ils à demi sauvages presque toute l’année. La presqu’île sinaïtique n’a ni bœufs ni chevaux. Dans la région montagneuse, d’Hébronau Liban, les bœufs sont rares, sauf dans quelques plaines, comme celles de Dothaîn et de Sichem. Les pâturages font presque entièrement défaut dans ces montagnes, et les bœufs ne pourraient guère être utilisés pour la culture de collines aménagées en terrasses. Les riches plaines de la Galilée entretiennent une belle race de bœufs arméniens, les mêmes qui paraissent représentés dans les monuments égyptiens (fig. 555). Ils sont noirs et rappellent d’assez près les bœufs toscans. Le pays de Basan, au nord-est du lac de Génésareth, produisait autrefois de magnifiques taureaux. Dans les contrées qui sont au sud de ce pays, les bœufs de Galaad et de Moab font encore la principale richesse des Arabes. Ils s’y développent à l’ombre des forêts, et trouvent dans ces parages d’abondants pâturages. La vallée du Jourdain, le Ghor, ne nourrissait pas de bœufs autrefois. Les Arabes y ont introduit depuis le Bos bubalus indien, dont ils ontgrand’peine à tirer quelque parti. Voir Buffle.

Les taureaux palestiniens n’ont pas la férocité que donnent à ceux de nos contrées l’abondance de la nourriture et la réclusion. Ils portent paisiblement le joug et labourent avec une grande docilité. Néanmoins, quand ils s’en retournent paître en liberté ou qu’ils ont joui longtemps de leur indépendance dans les forêts ou dans lesplaines, leur rencontre est loin d’être agréable pour le voyageur isolé. À l’apparition d’un homme ou d’un animal qui les trouble. ou les surprend, les bœufs entrent facilement en fureur, forment cercle autour de l’ennemi et le chargent avec leurs cornes. Le psalmiste fait allusion à cette dangereuse attaque quand il dit : « Des bœufs nombreux m’entourent, les taureaux de Basan m’environnent. » Ps. xxi, 13. D’autres fois, quand ils ont à se défendre dans le désert contre les loups, les hyènes ou

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564. — Bœuf de Palestine. D’après une photographie.

d’autres bêtes féroces, ils font encore cercle, mais lescornes en dehors. Les veaux et les vaches sont alors mis. à l’abri derrière eux. Cf. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 67 ; Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 101.

II. Les bœufs a l’époque patriarcale. — Les patriarches étaient possesseurs de grands troupeaux de bœufs. Ils vivaient du produit de leur bétail, mais, menant la vie nomade, ils ne l’utilisaient pas pour les travaux de l’agriculture. La Sainte Écriture parle des grandes richesses bovines d’Abraham, Gen., xii, 16 ; xxiv, 35 ; d’Isaac, Gen., xxvi, 14 ; d’Ésaù, Gen., xxxvi, 6 ; de Jacob, Gen., xxxii, 5 ; xxxiii, 13 ; xlv, 10 ; xlvi, 32 ; xlvii, 1. Les troupeaux d’Abraham et de Lot devinrent même si nombreux, que les deux patriarches se virent dans la nécessité de se séparer. Gen., xiii, 5. Job posséda cinq cents paires de bœufs avant ses malheurs, et mille après sa délivrance. Job, i, 3 ; xui, 12. On se faisait des présents de bœufs. Abimélech en offrit à Abraham, et en reçut de lui à son tour, Gen., XX, 14 ; xxi, 27 ; Jacob en envoya à son frère Ésaû pour l’apaiser. Gen., xxxii, 15. En cas de guerre, on détruisait ou l’on enlevait les troupeaux de l’ennemi, comme les fils de Jacob le firent dans leur lutte contre Hémor. Gen., xxxiv, 28.

En Egypte, les enfants de Jacob continuèrent à mener la vie pastorale dans la terre de Gessen. Mais peu à peu leur contact plus fréquent avec le peuple qui leur donnait l’hospitalité leur permit de constater la manière dont les bœufs étaient traités sur les bords du Nil, et les différents usages auxquels on les employait. Il y avait là de grands fermiers, possesseurs de troupeaux de bœufs. Us en confiaient la garde à des pasteurs dont quelques-uns sont représentés comme des nains (fig. 556). Ceux-ci rendaient compte au scribe de l’état de leur troupeau (fig. 557), comme le montre une peinture dans laquelle les bœufs noirs se