Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/810

Cette page n’a pas encore été corrigée

1465 BARNABE (ÉPITRE DE SAINT) — BARNABE (ÉVANGILE DE SAINT) 1466

l’Église d’Alexandrie, qu’on la trouve à la suite des livres du Nouveau Testament dans le Codex Sinaiticus. Mais le sentiment de Clément et d’Origène ne leur survécut guère, même à Alexandrie. Saint Athanase et saint Cyrille ne mentionnent jamais l’Épître de saint Barnabe ; en Orient, elle ne fut pas lue dans les églises ; Eusèbe la range parmi les œuvres apocryphes, H. E., iii, 25, t. xx, col. 269, quoiqu’il constate ailleurs, H. E., vi, 14, t. xx, col. 549, l’usage qu’en faisait Clément d’Alexandrie. Ni l’auteur des Canons apostoliques, 85, t. cxxxvii, col. 212, ni saint Cyrille de Jérusalem, ni saint Jean Chrysostome, ni saint Épiphane n’en disent mot. Saint Jérôme, tout en croyant qu’elle a saint Barnabe pour auteur, ne veut pas qu’elle soit mise parmi les écrits canoniques, De Vir. illust., 6, t. xxiii, col. 619. L’Église d’Occident, à Rome et en Afrique, semble en avoir longtemps ignoré le texte et même l’existence ; il n’en est pas question dans le Canon de Muratori. Tertullien, qui a entendu parler d’une lettre de saint Barnabe, croit qu’il s’agit de l’Épître aux Hébreux, De Pudicit., 20, t. ii, col. 1020. Saint Philastre, Bser., 89, t. xii, col. 1200, partage ce sentiment. Le concile d’Hippone, tenu en 393, can. 36 ; ceux de Carthage en 397, can. 47, et en 419, can. 29 (Mansi, Conc, , t. iii, p. 891 ; t. iv, p. 430) ; Rufln, Expos. Symb. apost., 37, t. xxi, col. 1200 ; Innocent I er, Epist. ri ad Exup. Tolos., 7, t. lxxxiv, col. 652 ; saint Augustin, Cassiodore, Inst. div. litt., 14, t. lxx, col. 1125 ; saint Isidore de Séville, Etymol., vi, 2, t. lxxxii, col. 230, n’ont rien dit de sa lettre. L’opinion de Clément d’Alexandrie et d’Origène resta donc un fait isolé, et l’Église n’admit jamais ni l’inspiration ni l’authenticité de l’Épître attribuée à saint Barnabe.

II. Lé contenu de cette Épltre montre d’ailleurs qu’elle n’est pas l’œuvre du compagnon de saint Paul. — 1° L’auteur a été païen et parle à des païens : « Avant de croire en Dieu, dit-il, xvi, 7, t. ii, col. 772, notre cœur était plein d’idolâtrie. » Cf. ch. v, col. 734. — 2° Il apprécie des cérémonies de la loi ancienne comme ne l’aurait pas fait un Juif, ch. m ; ix, 4, col. 729, 749 ; il est même peu au courant des rites du temple, quand il parle, vii, 4, col. 744, des prêtres qui devaient seuls manger les entrailles du bouc offert pour le péché ; la plupart des choses qu’il raconte sur le bouc émissaire sont en contradiction avec le texte même du Lévitique, xvi. — 3° Au moment où il écrit, saint Barnabe ne vivait plus : le parti juif est à peu près mort dans l’Église ; les armées romaines ont déjà exercé la vengeance du ciel sur le peuple déicide, comme l’indique IV, 14, col. 731, où. les lecteurs sont invités à considérer comment Dieu a traité Israël, et xvi, 4, col. 772, où il est parlé du temple détruit pendant la guerre. Il est donc certain que la lettre est postérieure à l’an 71, Or à cette époque saint Barnabe était mort : il n’avait pas vu la ruine du temple ; la dernière fois qu’il est mentionné, et encore très probablement dans un regard vers le passé, c’est I Cor., ix, 5-6 (an 57), et nous savons que, dès l’an 62, Marc, ce parent tant aimé, à l’occasion duquel il s’était séparé de saint Paul, n’était plus avec lui, mais qu’il suivait l’Apôtre des nations, Col., iv, 10, ou même saint Pierre, I Petr., v, 3, ce qui serait très étonnant si Barnabe avait vécu encore. — 5°. La date de l’Épître reste néanmoins incertaine. Les traits de ressemblance qu’on remarque entre cette lettre et la Doctrine des douze apôtres ne peuvent servir à résoudre le pro T blême, car il n’est pas facile de décider lequel de ces deux écrits est le plus ancien. On conjecture que l’auteur de la Doctrine a connu l’Épître de saint Barnabe, mais que J’auteur de l’Épître a connu les Duse viee, source juive de la Doctrine. Certains critiques font remonter l’Épître au temps de Vespasien (70-79), d’autres la font descendre jusqu’au temps d’Adrien (117-138). L’opinion des premiers paraît la mieux fondée.

III. Quoi qu’il en soit, l’Épître de saint Barnabe n’est ni sans valeur ni sans importance. Elle est d’abord d’une

assez belle ordonnance logique et d’une élévation d’idées incontestable. L’auteur, quel qu’il soit, touchait à la génération apostolique et vivait au plus tard vers le commencement du second siècle. Or il rend témoignage aux principaux faits de l’histoire évangélique ; il cite saint Matthieu, xxii, 14, comme Écriture ; il fait des emprunts aux Évangiles et aussi aux Épltres de saint Paul et de saint Pierre. Le défaut principal de l’auteur de cet écrit est son goût exagéré pour l’allégorie. Son ardeur pour le symbolisme l’emporte jusqu’à oublier que le grec n’était pas la langue d’Abraham, et il voit une prophétie de Jésus-Christ et de son crucifiement dans le nombre des serviteurs d’Abraham, qui était de 318 : « Car, dit-il, la lettre I signifie dix, la lettre H signifie huit, et enfin la lettre ï trois cents ; or, de ces trois lettres, les deux premières indiquent le nom de Jésus, et la dernière, sa croix. » Epist. Barn., 9, t. ii, col. 751. Mais cet allégorisme outré fut lui-même une des causes du succès de la lettre à Alexandrie, où la méthode allégorique était en si grande faveur. Voir col. 361.

Voir Hefele, Das Sendschreiben des Apostels Barnabas, Tubingue, 1840 ; Hilgenfeld, Die apostoliscken Wâter, Halle, 1863 ; Kayser, Ueber den sogenannten Barnabasbrief, Paderborn, 1866 ; Weizâcher, Zur Krilik des Barnabasbriefes aus dem Codex Sinaiticus, Tubingue, 1863 ; J. G. Mûller, Erhlârung des Barnabasbriefes, Leipzig, 1869 ; "W. Cunningham, À Dissertation of the Epistle of saint Bamabas, in-8°, Londres, 1877 ; Westcott, Canon of the New Testament, t. ï, rv ; de Gebhardt et Harnack, Bamabse Epistula, dans les Patrum Apostolicorum Opéra, Leipzig, 1875, t. ï, p. xiii-xlvi ; Funk, Opéra Patrum apostolicorum, in-8°, Tubingue, 1881, t. i, p. i-xvii ; Harnack, Eeal-Encyklopâdie, 2e édit., t. ii, 1878, p. 104 ; Id., Geschichte der altchristliehen Literatur, Leipzig, 1893, t. ï, p. 58-62 ; Salmon, Historical Introduction to the Books of New Testament, in-8°, Londres, 1889, p. 565-572.

E. Le Camus.

3. BARNABE (ÉVANGILE DE SAINT). L’article APO-CRYPHES, col. 768, signale dans le catalogue gélasien un « Évangile au nom de Barnabe, apocryphe », et ce même évangile est aussi mentionné par le catalogue grec publié par le cardinal Pitra. Au vi° siècle, à Rome et dans l’Église grecque, on avait donc gardé le souvenir d’un évangile mis sous le nom de saint Barnabe, évangile hérétique, probablement gnostique. D’autre part, l’auteur grec de VInventio reliquiarum S. Barnabse, lequel écrivait à la fin du Ve siècle ou au commencement du vie, rapporte que, lors de l’invention du corps de saint Barnabe, en Chypre, sous l’empereur Zenon, on trouva dans le tombeau de l’apôtre un exemplaire écrit de sa main de l’Évangile de saint Matthieu, Évangile que l’empereur fit déposer à Constantinople, dans le trésor de la chapelle palatine. Bolland, Acla sanctorum, junii t. ii, (1698), p. 450-451. Cet Évangile n’a rien à voir avec notre évangile apocryphe de Barnabe. Enfin on trouve dans Fabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, Hambourg, 1719, t. iii, p. 378-384, quelques échantillons d’un Évangile de saint Barnabe, traduction italienne, reproduits d’après Bernard de la Monnoye, Animadversiones ad Menagiana, Amsterdam, 1716, t. IV, p. 321, qui les avait extraits d’un manuscrit italien du xv » siècle, dit- ii, appartenant au prince Eugène de Savoie. La Monnoye conjecture que ce texte italien est une traduction de l’arabe. Mais, à notre connaissance, cet original arabe n’a pas été trouvé : en toute hypothèse, il ne serait qu’une œuvre mahométane de basse époque et sans relation avec l’évangile grec apocryphe mentionné par le catalogue gélasien. Grabe, Spicilegium sanctorum Patrum, Oxford, 1698, t. i, p. 302, a recueilli dans un manuscrit grec de la bibliothèque Bodléienne, Baroccianus 39, un fragment grec de deux lignes attribué à saint Barnabe : « Dans les mauvais combats, celui-là est le plus malheureux qui est