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AUMONE

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devoir envers elles, afin, dit-il, que la communauté soit déchargée d’autant, et qu’elle puisse suffire aux veuves sans ressources ; c’est donc qu’à Éphèse, où était Timothée, la communauté chrétienne s’était chargée des veuves et les nourrissait régulièrement. À Joppé, nous voyons que la maison de Tabitha était comme le refuge de toutes les veuves de l’endroit, qui trouvaient chez elle la nourriture et le vêtement. Act., ix, 36, 39. Ces institutions charitables se développèrent rapidement et largement ; à Rome, nous voyons par une lettre du pape Corneille (*251-253) à Fabius d’Antioche, que l’Église romaine, au temps de ce pape, nourrissait chaque jour plus de mille cinq cents veuves ou indigents. Eusèbe, H. E., vi, 43, t. xx, col. 621.

3° Organisation des aumônes en faveur des pauvres de Jérusalem. — Ce que nous avons vu se pratiquer par les Juifs « de la dispersion », à l’avantage des Hébreux de la Palestine, fut imité par les chrétiens des différentes Églises en faveur de leurs frères de Jérusalem. Ceux-ci, en effet, avaient des besoins spéciaux ; dans les diverses persécutions qu’ils eurent à subir, surtout de la part des Juifs, ils furent dépouillés en grande partie de leurs biens, Heb., x, 34 ; vers l’an 42, une première collecte fut faite a Antioche et portée à Jérusalem, par les soins de Saul et de Barnabe. Act., xi, z9-30 ; xii, 25. La famine prédite par Agabus, Act., xi, 28, et qui arriva environ deux ans plus tard, en 44, sous l’empereur Claude (Act., xi, 28 ; Josèphe, Antiq. jud., XX, ii, 5 ; v, 2), ravagea la Judée, et particulièrement la ville de Jérusalem. Un secours inattendu, que les chrétiens partagèrent avec les Juifs, leur vint des princes de l’Adiabène, et surtout d’Hélène, mère de ces princes, qui fut, en ces temps malheureux, la providence de Jérusalem, où elle vint même se fixer. Josèphe, Ant. jud., XX, ii, 5. Cette assistance écarta le danger présent ; mais après la famine les besoins ordinaires reparurent, et les pauvres furent plus nombreux que jamais. Au concile de Jérusalem, en 52, les Apôtres, en congédiant saint Paul, lui recommandèrent de ne pas oublier les pauvres de la ville sainte. Gal., ii, 10. Saint Paul fut fidèle à cette recommandation ; dans la plupart des villes où il fonda des Églises, il organisa des collectes pour les pauvres de Jérusalem. Voici ce qu’il fit pour Corinthe, 1 Cor., xvi, 1-4. Il devait se rendre dans cette ville au bout de quelques mois ; il veut que les collectes se fassent avant son arrivée, afin qu’elles soient plus spontanées ; le premier jour de chaque semaine, c’est-à-dire tous les dimanches, chaque fidèle doit mettre à part ce que sa charité lui inspirera ; de cette manière tout sera prêt lorsque Paul sera dans les murs de Corinthe ; alors on choisira des délégués pour porter les collectes à Jérusalem, saint Paul leur remettra des lettres de recommandation, et, si la somme est considérable, lui-même présidera la députation. Saint Paul avait agi de la même manière en Macédoine, II Cor., viii, 1-6, et en Galatie,

I Cor., xvi, 1 ; c’est ce qu’il fit encore en beaucoup d’autres villes, et sans difficulté, paraît-il ; car, de l’aveu de saint Paul lui-même, la charité des Corinthiens, que l’Apôtre savait vanter à l’occasion, « provoqua l’émulation chez un très grand nombre. » II Cor., ix, 2 ; Rom., xv, 25-27, 31. Ces collectes pour les pauvres de Jérusalem étaient devenues, grâce au zèle de saint Paul, une chose commune et connue partout, qu’on appelait « le service pour les saints ».

II Cor., viii, 4 ; ix, 1.

4° Recommandation et développement de toutes les (ouvres charitables. — 1. La visite et le rachat des prisonniers et des captifs, Matth., xxv, 34-35 ; Heb., x, 34 ; xiii, 3 ; Philip., iv, 18 ; dès la fin du I er siècle, saint Clément, pape, disait « qu’il en connaissait beaucoup parmi les chrétiens qui s’étaient eux-mêmes jetés dans les fers pour délivrer leurs frères, ou qui s’étaient vendus en esclavage pour avoir de quoi nourrir les pauvres ». S. Clément, I ad Coi : , lv, 2, édit. Funk, Opéra Patrum apo-Uolicorum, Tubingue, 1881, p. 129. Cf. Lucien, De morte

peregrini, Opéra, Paris, 1615, p. 995-997. — 2. Le soin des étrangers, l’hospitalité, Matth., xxv, 34-45 ; I Tim., m, 2 ; v, 10 ; Tit., i, 8 ; III Joa., 5. Cf. S. Clément, I ad Cor., x, 7 ; xi, xii, édit. Funk, p. 75 et suiv. ; S. Justin, I Apol., 67, t. vi, col. 429 ; Tertullien, II ad uxorem, iv, t. i, col. 1294 ; Eusèbe, H. E., iv, 23 ; t. xx, col. 388. — 3. Le soin des orphelins et de toutes les personnes sans ressources, Luc, iii, 11 ; VI, 35 ; Jac, i, 27 ; il, 15 ; cf. S. Ignace, Ad Polycarpum, IV, édit. Funk, p. 249 ; Doctrina duodecim apostolorum, iv, 5, édit. Funk, Tubingue, 1887, p. 15-17 ; Hermas, Mand^. ii, édit. Funk, p. 390 ; Acta SS. Perpétuée et Felicitatis, v, 2, dans Migne, t. iii, col. 47 ; Tertullien, Apologet., 39, t. i, col. 470 et suiv. ; Eusèbe, H. E., iv, 23 ; v, 2, t. xx, col. 388, 436. — 4. Le soin des malades, des infirmes, des vieillards pauvres, etc., Matth., xxv, 36 ; Luc., x, 30-37. Cf. S. Justin, loc. cit. et n° 14, t. vi, col. 348 ; Tertullien, loc. cit. ; Eusèbe, H. E., vii, 22, t. xx, col. 689. — 5. Bonté spéciale pour les pauvres. Jésus-Christ va jusqu’à recommander, à l’égard des pauvres ; des témoignages spéciaux de bienveillance, d’amabilité. « Lorsque vous ferez un festin, appelez les pauvres, les petits, les boiteux, les aveugles, etc. » Luc, xiv, 3. Ceci rappelle les festins des Juifs où ils devaient inviter les pauvres, comme nous l’avons dit plus haut, col. 1246. Le conseil de Jésus-Christ fut mis en pratique dans les agapes chrétiennes, où se réunissaient à des tables communes les riches et les pauvres. Nous en voyons l’origine, malgré des abus-, 1 Cor., xi, 20-22. Saint Ignace signale ces agapes dans sa lettre Ad Smyrn., viii, édit. Funk, p. 240 ; Pline les mentionne dans sa lettre à Trajan, x, 97 ; elles se maintiennent longtemps dans l’Église. Cf. Bingham, Origines ecclesiastiese, XV, viij 6, Halle, 1727, t. vi, p. 504 et suiv. 1U. Résumé doctrinal sur l’aumône, d’après la Bible. — 1° Elle est vivement recommandée ; il est peu de bonnes œuvres qui soient autant conseillées, recommandées et louées que l’aumône, dans la Sainte Écriture ; voir surtout Deut., xv, 7 ; Ps. XL, 1 ; lxxxi, 4 ; exi, 9 ; Prov., xiv, 21, Eccli., iv, 1-2 ; Luc, iii, 11 ; xii, 33. — 2° Elle n’est pas seulement de conseil, mais de précepte. Plusieurs textes de l’Ancien Testament le prouveraient suffisamment, par exemple, Deut., xv, 11 ; mais comme on pourrait dire, ou qu’ils souffrent des exceptions, ou qu’ils ne regardent que les Juifs, nous n’y insistons pas. Trois textes du Nouveau Testament prouvent péremptoirement l’existence du précepte de l’aumône : Matth., xxv, 41-46, où le souverain Juge condamne à la peine éternelle, pour le fait d’avoir refusé l’aumône ; 1 Joa., m, 17, où l’apôtre déclare que la charité de Dieu ne peut demeurer dans l’àme du riche qui néglige de secourir son prochain indigent, cf. Jac, ii, 15 ; enfin I Tim., vi, 17-19, où saint Paul veut que Timothée « commande » aux riches, entre autres choses, de donner leurs biens aux pauvres. Cf. S. Thomas, 2 a 2’", q. xxxii, art. 5. — 3° Effets de l’aumône. Comme toute bonne œuvre, l’aumône a une triple valeur, méritoire, impétratoire, satisfactoire ; mais comme elle est l’exercice de la vertu la plus parfaite, qui est la divine charité, elle a cette triple valeur à un degré éminent. Aussi la Sainte Écriture ne tarit pas sur les effets de l’aumône. La plus petite aumône mérite le ciel, Matth., x, 42 ; xix, 21 ; xxv, 35 ; Luc, xiv, 13 ; l’aumône nous obtient de Dieu les grâces les plus précieuses, et surtout la grâce de la contrition qui efface les péchés, Dan., iv, 24 ; Tob., iv, 7-9 ; xii, 9 ; Luc, xi, 41 ; elle satisfait à la justice de Dieu pour nos offenses, Tob., xii, 9 ; Eccli., iii, 33 ; vii, 36. Elle a même des promesses pour la vie présente, non seulement dans l’Ancien Testament, Prov., iii, 9 ; xix, 17 ; xxii, 9 ; xxviii, 27 ; Tob. T iv, 9 ; Is., lviii, 7 ; mais encore sous le Nouveau, Luc, VI, 38 ; II Cor., viii, IX. —4° Qualités de l’aumône. Pour qu’elle produise ces effets, l’aumône doit avoir plusieurs qualités ; elle doit être faite, non pour la vanité ou l’ostentation, Matth., vi, 1-4, mais pour l’amour de Dieu ei