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ATHBASCH — ATHÈNES

moi », et saint Jérôme a bien traduit ici dans notre Vulgate : « les habitants de Babylone, qui ont élevé leur cœur contre moi ; » mais comme la tournure est un peu irrégulière, les anciens Juifs y ont vu une désignation cachée des Chaldéens, dont il est en effet question, et ils y ont trouvé le mot hébreu Kašdîm, « Chaldéens, » en remplaçant le lamed par caph, le beth par sin, le qoph par daleth, le mem par yod et le yod par mem, conformément aux règles de l’athbasch. Le résultat obtenu est certainement singulier, mais il ne prouve nullement qu’il ait été prévu par Jérémie, dont le texte s’explique en réalité facilement sans recourir à ce procédé aussi arbitraire que bizarre. Sur l’athbasch, voir J. Buxtorf, De abbreviaturis hebraicis, in-12, Bâle, 1613, p. 37-38 ; Id., Lexicon chaldaieum et talmudicum, édit. Fischer, t. I, p. 131, 137-138 ; Gesenius, Thesaurus linguæ hebrææ, p. 1486.

Les cabbalistes emploient aussi, pour expliquer l’Écriture, un autre procédé analogue, mais plus compliqué, l’atbach (אַטְבַּח, aṭbaḥ), qui consiste, comme le nom l’indique, à substituer à l’aleph, א, le teth, ט ; au beth, ב, le cheth, ח, etc. L’alphabet hébreu est divisé en trois séries, comprenant chacune quatre groupes de lettres ; chacune des lettres de chaque paire se met à la place l’une de l’autre ; les groupes de la première série font chacun dix, d’après leur valeur numérique ordinaire ; ceux de la seconde, cent, et ceux de la troisième, mille : 1o   אט, בח, גז, דוn= 10 ; 2o  יצ, כפ, לע, מםn= 100 ; 3o  קץ, רף, שן, תםn= 1000. On voit que des cinq lettres qui ont une forme particulière comme finales, quatre, le mem, le nun, le phé et le tsadé, entrent dans ce tableau ; le caph final, le nun dans sa forme ordinaire et le n’y figurent pas, parce qu’il n’y a point de lettre autre qu’elles-mêmes avec laquelle ils puissent se combiner pour former les nombres dix, cent ou mille, הה doublés équivalant, en effet, à dix ; ננ à cent, et ךְךְ à mille. Ces trois groupes, ne pouvant fournir aucun échange, sont supprimés. On suppose cependant le groupe נה existant, et l’on met ces deux lettres à la place l’une de l’autre, de sorte que le ךְ final reste seul solitaire et « veuf ». Voici un exemple de l’application de l’atbach. Le mot מָנוֹן ne se lit qu’une fois dans l’Écriture, Prov., xxix, 21, et le sens en est assez difficile à déterminer avec précision. Pour l’expliquer, les Talmudistes, tr. Succa, ꝟ. 52 b, ont eu recours à l’atbach et, au moyen des règles ci-dessus exposées, ils le transforment en סָהֲדָה, sâhădâh, « témoignage, » cf. Gen. xxxi, 47 ; de sorte que le sens de la maxime est : « Celui qui nourrit délicatement son esclave, la fin sera un témoignage, » c’est à dire lui montrera qu’une éducation molle ou une conduite faible rend l’esclave revêche. Le mem est changé en samech, d’après la combinaison מם ; nun en , d’après la combinaison supplémentaire הנ ; vav en daleth, d’après la combinaison דו, et nun de nouveau en , comme pour la seconde lettre. Voir J. Buxtorf, De abbreviaturis hebraicis, p. 24-26 ; Id., Lexicon chaldaicum, édit. Fischer, t. i, p. 36, 135.

Quelques rabbins ont fait aussi usage, dans l’interprétation de la Bible, d’une autre sorte d’anagramme, non moins arbitraire, appelé albam (אלבם), parce qu’on met le lamed à la place de l’aleph, le mem à la place du beth, et ainsi de suite, vice versa, en suivant l’ordre de l’alphabet hébreu. Cf. J. Buxtorf, De abbreviaturis, p. 27-28 ; Id., Lexicon chaldaicum, p. 136.

F. Vigouroux.

ATHÉNÉE (Ἀθηναῖος). C’est, d’après quelques commentateurs, le nom d’un vieillard, conseiller ou officier d’Antiochus IV Épiphane, qui l’envoya à Jérusalem pour obliger les Juifs à abandonner leur religion et à embrasser les rites du paganisme. II Mach., vi, 1 (texte grec). La Vulgate lit Antiochenum, « d’Antioche », au lieu d’Ἀθηναῖος, et la leçon de la Vulgate est adoptée par un certain nombre de critiques. Voir Grotius, Opera, 1679, p. 771. Mais rien n’empêche de conserver la leçon du texte original, qui est confirmée par tous les manuscrits grecs, par la version syriaque, par Théodoret, In Dan., xi, 31, t. lxxxi, col. 1521 ; par le Syncelle, Chronogr., édit. Dindorf, t. i, p. 531, etc. Parmi ceux qui adoptent la lecture du texte grec, la plupart entendent le mot Ἀθηναῖος dans le sens d’originaire d’Athènes, mais quelques-uns croient que le vieillard à qui le roi de Syrie confia la mission de détruire le judaïsme en Palestine s’appelait Athénée. Il est certain que ce nom était fréquemment employé comme nom propre chez les Grecs. Voir W. Pape, qui en énumère quatorze dans son Wörterbuch der griechischen Eigennamen, 3e édit., 2 in-8o, Brunswick, 1863-1870, p. 24. Diodore de Sicile, xxxiv, 17, 2, édit. Didot, t. ii, p. 543, mentionne un Athénée à la cour d’Antiochus VII Sidètes. Mais il est à croire que si l’auteur sacré avait voulu désigner le vieillard par son nom, il se serait exprimé autrement, et qu’au lieu de dire : γέροντα Ἀθηναῖος, il aurait dit par exemple : γέροντα τινα, Ἀθηναῖον ὀνόματι, pour éviter l’équivoque. L’histoire arabe des Machabées nomme ce vieillard Philkos, فيلقوس. II Mach. arab., 3, dans la Polyglotte de Walton, t. iv, p. 114. Josippon ben Gorion le confond sans raison avec le Philippe dont il est question II Mach., v, 22. Josephus Gorionides sive Josephus hebraicus, édit. Breithaupt, iii, 4, in-4o, Gotha, 1707, p. 179. Il n’y a rien d’étonnant d’ailleurs qu’Antiochus IV eût â sa cour un Athénien. Ce roi avait une grande affection pour Athènes (voir Antiochus IV, col. 694), et un officier originaire de cette ville avait pu lui sembler particulièrement propre à implanter le paganisme à Jérusalem.

F. Vigouroux.

ATHÈNES (Ἀθῆναι), primitivement Cécropia, du nom de son fondateur Cécrops, et Athènes depuis Érecthé, qui la voua au culte d’Athénè (Minerve), fut la capitale de l’Attique et la ville la plus célèbre de la Grèce (fig. 346).

Drachme d'Athènes
Drachme d'Athènes
846. — Drachme d’Athènes.
Tête casquée de Minerve (Athénè), à droite. — ℞. ΑΘΕ [des Athéniens]. ΔΑΜΩ. ΣΩΣΙΚΡΑΤΗΣ. ΚΑΕΙ… [noms de magistrats]. Chouette debout sur l’amphore renversée. Dans le champ, à droite, un arc et un carquois. Lettre d’amphore, Λ. Couronne de laurier au pourtour. — Monnaie frappée vers l’an 100 avant notre ère.

On ne peut redire ici son histoire et le rôle incomparable qu’elle a joué dans le développement de la civilisation antique, en philosophie, en littérature, dans les sciences et dans les arts. Elle ne se rapproche du cadre des études bibliques que parce que saint Paul, à la suite de son premier voyage en Macédoine, y prêcha et y séjourna quelque temps. Act., xvii, 15-34 ; I Thessal., iii, 1. À ce point de vue, il peut paraître intéressant de savoir ce qu’était alors cette grande cité, dont la vue excita chez lui un saint frémissement de compassion, par les cultes idolâtriques auxquels elle se livrait. Pétrone a dit très malicieusement, mais avec raison, qu’il était plus aisé d’y trouver des dieux que des hommes.

Après les désastres mal réparés de la guerre du Péloponèse, Athènes était passée de la domination macédonienne sous le joug des Romains. Plus récemment, Sylla l’avait saccagée. Il n’était pas jusqu’au courant de vie intellectuelle, seul reste de ses anciennes gloires, que des rivales comme Alexandrie et Tarse ne lui eussent ravi. Sa décadence était d’autant plus navrante, que la plupart de ses superbes monuments, toujours debout, rappelaient au visiteur son incomparable passé. Pausanias, qui la visita