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ment de la mission que le Seigneur venait de leur confier. Moïse avait alors quatre-vingts ans et Aaron quatre-vingt-trois. Exod., vii, 7.

Ils convoquèrent d’abord les anciens d’Israël pour leur communiquer les instructions de Dieu à Moïse. La docilité avec laquelle on se rendit à cet appel, qui émanait d’Aaron aussi bien que de Moïse, ferait supposer qu’Aaron avait acquis pendant l’absence de son frère, Exod., ii, 15, une grande autorité parmi les Hébreux. Son éloquence, appuyée de miracles dont l’écrivain sacré ne nous dit pas la nature, les convainquit, eux et tout le peuple, que le Seigneur allait mettre fin à leur affliction. Exod., iv, 29-31. Les deux fils d’Amram se rendirent ensuite de la terre de Gessen, où étaient établis les Hébreux, Gen., xlvii, 6, 11, à Tanis, cf. Ps. lxxvii, 12, pour demander au pharaon, de la part de Jéhovah, de laisser les Hébreux aller lui offrir des sacrifices dans le désert. Le pharaon qui régnait alors était Ménephtah Ier ; il occupait le trône depuis peu de temps, car la mort de son père Ramsès II était récente. Exod., ii, 23-25, et iv, 19.

Ménephtah reçut mal les envoyés de Dieu, et leur démarche n’eut d’autre résultat que de l’irriter et de provoquer une aggravation de la corvée : il défendit de fournir dorénavant aux ouvriers hébreux la paille hachée qu’on mélangeait à l’argile pour la fabrication des briques, tout en exigeant la même quantité d’ouvrage journalier. Le peuple d’Israël, ne trouvant bientôt plus de paille, « se répandit dans toute la terre d’Égypte afin, dit le texte hébreu, d’y ramasser, au lieu de paille, tében, des roseaux, qaš, » Exod., v, 12, qui croissaient sur les bords des branches du Nil et des canaux. M. Naville a trouvé dans les murs de Pithom, en 1885, de ces briques renfermant des fragments de roseau. Voir Briques. Cependant les malheureux Israélites ne pouvaient parvenir à remplir leur tâche comme par le passé, et les chefs de chantier, les scribes (hébreu : šoterîm ; Septante : γραμματεῦσιν) furent soumis à la bastonnade, ce châtiment qu’on voit si souvent représenté sur les monuments de l’antique Égypte. De là un mécontentement général et des plaintes amères contre Moïse et Aaron. Moïse alors se plaignit à son tour au Seigneur, qui lui renouvela ses promesses de délivrance et lui confirma sa mission. Exod., v, 22-23 ; vi, 1-11. « Voilà, ajouta-t-il, que je t’ai constitué le Dieu du pharaon, et Aaron ton frère sera ton prophète, » c’est-à-dire ton interprète, pour lui faire connaître les ordres que je te donnerai. Exod., vii, 1-2.

Aaron accompagna donc son frère auprès de Ménephtah, et porta la parole pour Moïse. Dieu, qui avait résolu de l’appeler bientôt à la sublime dignité de souverain pontife, voulut le mettre en évidence et le grandir aux yeux du peuple, afin de préparer d’avance les esprits à la soumission et au respect envers lui. Voilà pourquoi Aaron fut non seulement « la bouche » de Moïse, Exod., iv, 16, mais encore son bras pour exécuter les ordres de Dieu, en produisant lui-même les premières plaies d’Égypte. Voir Plaies. Il commença par changer auparavant en serpent, sous les yeux du pharaon, la verge de Moïse, qui dévora celles des enchanteurs royaux, transformées par eux de la même manière. Exod., vii, 10-12. Puis il produisit la première plaie par le changement des eaux du Nil en sang, Exod., vii, 19-21 ; la seconde, par l’invasion des grenouilles, qui couvrirent tout le pays et remplirent toutes les maisons, Exod., viii, 2-6, et la troisième, par la transformation de la poussière en nuées de moustiques. C’est à la vue de cette plaie que les ḥartumĭm ou sages du pharaon, incapables de l’imiter d’aucune façon, comme ils l’avaient fait pour les deux précédentes, s’écrièrent : « Le doigt de Dieu est ici ! » Exod., viii, 16-19.

Ces prodiges confirmaient d’une manière éclatante les preuves qu’Aaron avait données de sa mission dès le premier jour, Exod., iv, 30, et rélevaient bien haut au-dessus du reste du peuple. Il pouvait donc maintenant s’effacer devant son frère, qui agit seul dans les plaies suivantes, sauf celle des ulcères, Exod., ix, 8-12 ; mais il n’en resta pas moins en réalité et aux yeux de tous l’auxiliaire de Moïse dans son rôle de libérateur. C’est à lui aussi bien qu’à Moïse que Dieu adresse ses derniers ordres en Égypte, Exod., xii, 1 ; Ménephtah les appelle toujours ensemble ; ensemble ils reçoivent ses prières, ses promesses, son regret, Exod., viii, 28 ; IX, 27-28, etc. ; et l’Esprit-Saint résumant d’un mot toute l’œuvre de la délivrance d’Israël, l’attribue à l’un comme à l’autre. Ps. lxxvi, 21. Aussi le peuple d’Israël ne les sépara-t-il jamais dans sa confiance ni dans ses murmures et ses révoltes ; nous en avons un exemple dès la première occasion où Aaron reparaît sur la scène, à la station du désert de Sin, après le passage de la mer Rouge.

Lorsque les Hébreux arrivèrent à cette station, dans la plaine actuelle d’El-Markha, le quinzième jour du second mois depuis la sortie d’Egypte, les provisions qu’ils avaient emportées se trouvèrent épuisées et ils commencèrent à souffrir du manque de vivres. Alors « ils murmurèrent : tous contre Moïse et Aaron ». Exod., xvi, 2. Dieu, de son côté, attesta une fois de plus en cette circonstance l’autorité et la mission d’Aaron, en le chargeant d’apporter au peuple, de concert avec Moïse, la nouvelle de deux bienfaits de sa bonté et de sa providence, à savoir : l’arrivée miraculeuse des cailles le soir même, et le lendemain le miracle plus étonnant encore de la manne, ce prodige qui devait se renouveler tous les jours, sauf le sabbat, pendant quarante ans. Il fit plus encore : il ordonna à Aaron, par l’intermédiaire de Moïse, de recueillir dans un vase la mesure d’un gomor de la manne lorsqu’elle serait tombée, afin qu’il la conservât plus tard dans le tabernacle en mémoire de ce prodige. Exod., xvi. C’était comme un gage des fonctions sacrées que le futur grand prêtre remplirait un jour dans le Saint des saints.

Ce qui se passa quelques jours après à Raphidim, la troisième station à partir de celle du désert de Sin, n’est pas moins digne d’attention au point de vue de la préparation d’Aaron à son ministère. Les Amalécites ayant attaqué les Hébreux, Moïse leur opposa les plus braves de son armée, commandés par Josué, tandis qu’il montait lui-même, accompagné d’Aaron et d’Hur, sur le sommet d’une colline pour y prier pendant la bataille. Or, tant qu’il tenait les mains levées vers le ciel, la victoire demeurait du côté des Israélites ; mais, quand il les abaissait, c’étaient les Amalécites qui l’emportaient. Lorsque, à la fin, la fatigue ne lui permit plus de lever les mains, Aaron et Hur le firent asseoir sur une pierre, et, se tenant à ses côtés, les lui soutinrent jusqu’à la complète défaite des ennemis d’Israël. Exod., xvii, 8-16. Les membres de l’Ordnance Survey ont trouvé en 1868, parmi les ruines de la ville chrétienne de Pharan, construite plus tard en cet endroit, des bas-reliefs représentant cette scène si propre à exciter la piété des fidèles. Elle dut contribuer bien plus puissamment à fortifier celle d’Aaron, qui venait de faire un pas de plus dans son initiation. Après avoir été établi par Dieu, en Égypte, l’intermédiaire entre son représentant d’une part, et le peuple et le pharaon de l’autre, et avoir reçu de lui au désert de Sin la garde de la manne, comme pour préluder à l’exercice de ses fonctions, il vient de voir à Raphidim la nécessité et la puissance de la prière, afin que plus tard, aux jours de son sacerdoce, il sache, en sa qualité d’intercesseur, tenir ses mains levées vers le ciel, pour offrir au Seigneur les supplications de son peuple et attirer sur Israël les bénédictions d’en haut.

Il manquait, dans les desseins de Dieu, quelque chose à cette formation ; elle reçut son dernier complément peu de temps après, au pied du Sinaï, par une chute d’Aaron aussi profonde qu’inattendue. Dieu voulait montrer au pontife de la loi ancienne, comme il le montra plus tard à Pierre, le pontife de la loi nouvelle, qu’il n’était et ne pouvait rien par lui-même, et lui faire sentir par l’expérience de sa faiblesse quelle compassion il devrait avoir