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ARMÉNIENNE (VERSION) DE LA. BIBLE


même livre, publiée à Marseille. En 1677, une autre imprimerie fut fondée à Constantinople ; elle a publié une seconde édition de la Bible complète d’Uscan en 1705.

L'édition de la Bible par Uscan passe justement pour inexacte. Tout le monde est d’accord sur ce point, tous conviennent aussi qu’elle a été considérablement retouchée et complétée sur la Vulgate. Les éloges qu’en a faits R. Simon, Histoire critique des versions du Nouveau Testament, p. 106, ne sont donc pas fondés. Ainsi il est certain qu’Uscan y inséra le verset des Trois Témoins, Uoa., v, 7. Le quatrième livre d’Esdras et l’Ecclésiastique furent traduits par lui-même du texte de la Vulgate, et l’Apocalypse, quoique publiée d’après un manuscrit d’un certain âge, n’en est pas moins une traduction de la Vulgate. Malgré cela, Uscan ne méritait point les censures que La Croze et d’autres lui ont prodiguées. À l'époque où il vivait, les exemplaires de la Bible étaient excessivement rares en Arménie ; ils se vendaient au poids de l’or, bien qu’ils ne fussent pas toujours des meilleurs. Imprimer la Bible sans plus de retard était de première nécessité. Certains livres étaient perdus, ne valait-il pas mieux les traduire de la Vulgate que de ne pas les publier ? D’ailleurs il ne faut pas oublier qu’Uscan était l'élève du dominicain Paul Piromalli, qui enseignait la théologie au couvent d’Etchmiazin. Il avait appris à son école à recourir à l’autorité de l'Église de Rome, toutes les fois qu’il n'était pas sur de la vérité ; on ne saurait l’en blâmer. En somme, on peut l’accuser d’avoir manqué de sens critique, mais non d’avoir montré de l’ignorance ou de la superstition, et encore moins de la malice, comme l’insinue Michælis, ouvr. et édlt. cités, t. ii, p. 104 ; cf. R. Simon, ouvr. et lieu cités ; Scholz, Einleitung, t. i, p. 501.

L’oeuvre commencée par Uscan fut continuée et perfectionnée par les Méchitaristes, ainsi nommés de Méchitar (1676-1749), leur fondateur, et formellement reconnus comme congrégation religieuse par le pape Clément XI, en 1712. En 1717, ils s'établirent à Venise, dans l'île Saint-Lazare. Leurs premières publications furent imprimées chez Antonio Bortoli ; de ce nombre est une troisième édition de la Bible d’Uscan, revue et corrigée par Méchitar lui-même. Elle parut en 1733, in-folio, avec gravures. Plus tard, Zohrab, un de leurs hommes les plus distingués, qui dès 1789 avait donné une édition du Nouveau Testament d’après un manuscrit de bonne recension, entreprit une édition critique de l’Ancien et du Nouveau Testament, d’après un manuscrit cilicien de 1319, avec des variantes tirées de huit manuscrits pour l’Ancien Testament, et de vingt-cinq pour le Nouveau. Il relégua dans un appendice tout ce qui lui parut avoir été traduit en arménien postérieurement au reste de la version arménienne : le livre de l’Ecclésiastique, le troisième (quatrième de la Vulgate) livre d’Esdras, la prière de Manassé, la lettre des Corinthiens à saint Paul avec la réponse de celui-ci, le testament de saint Jean et la prière d’Euthale. Voir Scholz, Einleitung, p. 212 et 502. Cette édition fut imprimée chez les Méchitaristes et parut en 1805, in-4o. Les Méchitaristes découvrirent plus tard « une traduction classique du Ve siècle » de l’Ecclésiastique ; elle fut d’abord publiée séparément en 1833 et 1853, in-24, et puis insérée dans une nouvelle édition critique de toute la Bible, qui parut en 1859 en un volume in-4°, avec et sans gravures. Dans cette édition, comme dans celle de 1805, le verset des Trois Témoins fut omis, comme ne se trouvant dans aucun manuscrit dé bonne époque.

Nous ne pouvons donner ici le détail de toutes les éditions, qui sont fort nombreuses, surtout celles des Psaumes et du Nouveau Testament ; nous l’envoyons les amateurs à la nouvelle Bibliographie arménienne [en arménien], par P. Karekin, un des ouvrages les plus utiles et les plus intéressants qu’ait produits l’imprimerie de Saint-Lazare. Voir aussi, du même auteur, le Catalogue des anciennes traductions arméniennes, m-8°, Venise, 1889, p. 82-245. où toutes les questions relatives à

la version de la Bible en arménien sont traitées in extenso. — Les sociétés bibliques protestantes ont également publié un certain nombre d'éditions de la Bible, ou de parties de la Bible, en langue littéraire. Voici les principales : 1. Bible complète, Saint-Pétersbourg, 1814 (Société biblique de Russie) ; 2. Ancien Testament et Nouveau Testament, séparément, Saint-Pétersbourg, 1817 (même société) : ces deux éditions ont été surveillées par Jean, archevêque arménien d’Astrakhan ; 3. toutela Bible, Calcutta, 1817 (par les soins d’Heber, archevêque anglican de Calcutta) ; 4. Nouveau Testament complet et Évangiles seulement, Constantinople, 1823 (British and Foreign Bible Society) ; 5. Nouveau Testament, Smyrne, 1838 (American Bible Society). Enfin, pour compléter cet article, nous mentionnerons quelques-unes des éditions qui ont été publiées, principalement par les sociétés protestantes, ou à leurs frais, dans les deux dialectes modernes de Constantinople et d’Ararat. Plusieurs de ces éditions ont la langue littéraire en regard du dialecte vulgaire. 1. La Bible complète, Moscou, 1835, éditée par Dittrich, de la Société des missionnaires de Basle, à Schouscha ; publiée par la British and Foreign Bible Society ( dialecte d’Ararat) ; 2. le Psautier, 1844, publié par la Société des missionnaires de Basle (langue littéraire et dialecte d’Ararat) ; 3. Nouveau Testament, préparé à Constantinople, 1860, par la British and Foreign Bible Society (langue littéraire et dialecte d’Ararat) ; 4. Nouveau Testament, édité par le P. Zohrab, revisé par Saint - Martin, Paris, 1825, publié par la British and Foreign Bible Society (langue littéraire et dialecte de Constantinople) ; 5. Nouveau Testament, revisé par Adger, Smyrne, 1842, publié par les soins de V American Bible Society, aux frais de la British and Foreign Bible Society (dialecte de Constantinople) ; 6. Ancien et Nouveau Testaments, séparés, Constantinople, 1857, par les soins de V American Bible Society, aux frais de la British and Foreign Bible Society (dialecte de Constantinople). — (Le P. Élie Toomadjan, méchitariste de Venise (1777-1848), a traduit la Bible arménienne en latin, mais son travail reste manuscrit.)

III. Nature et importance de la version arménienne. — La version arménienne suit de très près le texte grec reçu, pour l’Ancien comme pour le Nouveau Testament. Elle n’appartient à aucune recension connue, ce qui s’explique peut-être par le fait mentionné plus haut, que quelques-uns des manuscrits grecs dont se servirent les traducteurs venaient de Constantinople ou d'Éphèse, tandis que d’autres venaient d’Alexandrie. Bertholdt, Einleitung, t. ii, p. 560, croit que les premiers appartenaient à la recension de Lucien, et les derniers à celle d’IIésychius. D’ailleurs la version arménienne est assez peu connue. La plupart des savants qui se sont occupes de la critique du texte grec de la Bible ne savaient pas l’arménien. Us ont dû travailler sur des variantes en nombre insuffisant, qu’ils tenaient des arménisants, et, pour comble de malheur, ces variantes ont souvent été tirées de l'édition fort peu critique d’Uscan. Trégelles fut plus heureux. M. Charles Rieu, chef du département des manuscrits orientaux au British Muséum, collationna pour lui le texte du Nouveau Testament des éditions d’Uscan et de Zohrab, et traduisit aussi toutes les variantes que le savant méchitariste avait réunies. Le travail de M. Rieu a été publié dans le Greek New Testament, de Trégelles. j Voir Scrivener, À plain introduction to the criticism of ' the New Testament, 3e édit., Cambridge, 1883, p. 408.

! Kaulen a donné, dans son Einleitung in die heilige Schrift, 

I un certain nombre de passages de la version arménienne (Ancien et Nouveau Testaments), qui montrent : 1° que cette version suit le grec fidèlement, quoique non servilement, ibid., § 176, p. 144 ; 2° que cette version concorde avec les textes reçus non seulement au point de vue du dogme, mais encore au point de vue de la critique, . substantiellement au moins, ibid., § 177, p. 145.