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ARMÉNIENNE (VERSION) DE LA BIBLE


emportant dans leur bagage littéraire les actes du concile et « des copies authentiques des Saintes Ecritures ». Gorioun, ibid. Isaac et Mesrob cherchèrent immédiatement à mettre ces dernières à profit pour faire remanier l’ancienne version faite sur le syriaque, en la confrontant exactement avec « les copies authentiques qu’on leur avait apportées ». Gorioun, ibid. Mais les traducteurs qui travaillaient sous leurs ordres n’avaient pas une connaissance suffisante de la langue grecque, et leur travail fut jugé par trop imparfait. On envoya donc d’autres jeunes gens étudier le grec à Alexandrie. Moïse de Khorène était du nombre de ceux-ci (Moïse de Khorène, iii, 61). Ils rapportèrent sans doute d’Egypte d’autres exemplaires grecs de la Bible, dont ils se servirent pour perfectionner le travail de leurs prédécesseurs, en traduisant fidèlement sur le texte des Septante, d’après les Hexaples d’Origène ; car les mêmes signes et astérisques se trouvent dans les anciens manuscrits arméniens de la Bible. Cf. P. Zohrab, Bible arménienne, 4 in-8°, Venise, 1805, introd., p. 6, 7. Voyez Gorioun, Biographie de Mesrob, p. Il et 12 ; Moïse de Khorène, iii, 61 ; Tchamitehian, Ilistory of Armenia, t. i, p. 239. Langlois, Collection, t. ii, p. 168, note, dit que cette version fut officiellement adoptée par les Pères du concile d’Aschdischad, en 434. Si le fait et la date sont exacts, l’approbation des Pères ne pouvait guère se rapporter qu’à la première rédaction de la version faite sur le grec. Voir P. Donat-Vernier, Histoire du patriarcat arménien catholique, in-8°, Paris, 1891, p. 128-129.

Quelques auteurs, s’appuyant sur un passage de B, ir-Hébrœus, ont avancé que la version arménienne avait été retouchée sur la Peschito. Mais l’opinion de Bar-Hébrœus est une pure conjecture, que ne confirme aucun document arménien ou syriaque. Pour les paroles de Bar-Hébrœus, voir Wallon, Prolegomena, xiii, 16 ; Wiseman, Horse syriacse, p. 142. Cf. Rhode, Gregorii Bar Hebrxi scholia in Ps. v et xviii, p. 74 ; Bredenkamp, Ueberdiearmenische Uebersetzung desvlten Testaments, dans Eichhorn, Allgemeine Bibliolheh, t. iv, p. 634 et suiv. On a aussi prétendu que la version arménienne avait été retouchée sur la Vulgate par le roi Haiton ii, à la fin du XIIIe siècle. La Groze, Thésaurus epistolicus, iii, 3 et suiv., 69 ; Michælis, Introduction to tlie New Testament, édit. Marsh, 1823, t. ii, p. 103. C’est là une affirmation qui n’est rien moins que fondée. Voyez Alter, Philologischkritische Miscell., Vienne, p. 140 et suiv. ; Holmes, Prsefalio in edit. LXX, cap. rv. L’histoire politique (Tchamitchian, History of Armenia, t. ii, p. 263 et suiv.) et l’histoire littéraire (Somal, Quaâro délia storia litteraria di Armenia, in-8°, Venise, 1829, p. 126) ignorent ce remaniement de la version arménienne. L’une et l’autre se contentent de dire que Haiton avait fait de la Bible son compagnon favori : qu’il s’en était fait faire une très belle copie, et que, ayant abdiqué la royauté, il se retira dans un couvent, où il revêtit, par esprit d’humilité, l’habit des franciscains. Il n’en a pas fallu davantage à certains esprits pour l’accuser d’avoir « corrompu » la version arménienne. D’ailleurs, parmi les nombreux manuscrits que l’on connaît, aucun ne justifie cette accusation.

II. Principales éditions. — En 1563, Séfer Abgar, d’une noble famille arménienne et secrétaire du patriarche Michel, fut envoyé comme ambassadeur à Rome par celui-ci, pour traiter des affaires ecclésiastiques de son pays avec le pape Pie IV. Il profita de son séjour à Rome pour faire graver et fondre les premiers caractères arméniens. Il se transporta ensuite à Venise, et c’est là, et non pas à Rome, comme on le dit généralement, qu’il publia le Psautier, 1565. Cette édition princeps de la littérature arménienne est enrichie de gravures. Quant à l’édition de 1515, dont parle Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift, § 174, p. 143, d’après Scholz, sans doute, Einleitung in die heilige Schrift, p. 500, elle n’a jamais existé. Pendant les cent années qui suivirent l’édition de 1505, rien ne parut de la Bible, sinon quelques autres éditions des

Psaumes (Venise, 1587 ; Lemberg, 1616 ; Venise, 1642 ; Amsterdam, 1661 [édit. Avedis] et 1664 redit. Garabed]), bien que plusieurs imprimeries arméniennes eussent été établies, notamment à Rome, 1584 ; à Lemberg, 1616 ; à Milan, 1624 ; à Paris, 1633 ; au nouveau Djoulfa, en Perse, 1640, et à Livourne aussi en 1640. D’ailleurs toutes ces imprimeries étaient assez mal montées. En 1656, le patriarche Jacques IV, sincère catholique, envoya en Europe un de ses diacres, Matthieu de Dsar, pour y fonder un établissement plus parfait. Matthieu s’établit à Amsterdam en 1660 ; mais il ne publia rien des Saintes Écritures, et mourut presque aussitôt. À la suite d’un concile tenu en 1662, le patriarche envoya Uscan, évêque d’Ouschovank (dans la province d’Érivan ; voir le sieur de Moni [Rich. Simon], Histoire critique de la créance et des coutumes des nations du Levant, in-12, Francfort, 1693, p. 219), pour remplacer Matthieu, et lui fixa comme mission spéciale le soin de publier une édition complète de la Bible. Il vint d’abord à Rome, où il séjourna quinze mois. Moréri, Dictionnaire, édit. de 1759, t. x, p. 737, dit qu’il fut fort bien reçu du pape Alexandre VII. Plusieurs auteurs (Herbst, Histor.-kritkche Einleitung, 1. 1, p. 225 ; Coniely, ffis fonça et critica Introduclio, t. i, p. 388, etc.) prétendent qu’Uscan voulait d’abord établir son imprimerie à Rome, mais qu’on ne le lui permit pas. Kaulen, Einleitung, § 174, p. 143, ajoute que ce fut « parce qu’il avait retouché sur la Vulgate l’ancien manuscrit qu’il avait apporté d’Arménie ». Cette raison peut être la vraie ; mais il ne faut pas oublier que sept ans plus tard la Propagande, pour des raisons que nous sommes loin de censurer comme Richard Simon, Histoire critique des versions, ch. xviii, p. 215, faisait imprimer une version arabe retouchée sur la Vulgate. Nous croirions plutôt que la congrégation de la Propagande n’avait pas des preuves suffisantes de l’orthodoxie d’Uscan ; car ce n’est que quelque temps avant de mourir (1680) que Jacques IV rédigea sa profession de foi catholique. Somal, Quadro, p. 156. Michælis, Introduction, édit. Marsh, t. ii, p. 103, s’appuyant sur « l’édition complète de Chardin », affirme qu’Uscan voulut imprimer la Bible arménienne en France, mais qu’il ne put en obtenir l’autorisation ; je n’ai pu trouver ce détail dans l’édition de Langlès, 1811, qui passe pourtant pour l’édition la plus complète des œuvres de Chardin. Quoi qu’il en soit, Uscan s’établit à Amsterdam, où il publia une édition complète de la Bible, in-4°, 1666, et une édition du Nouveau Testament, in-8°, 1668. En 1669, il obtint la permission de transporter son imprimerie à Marseille. Une nouvelle édition du Psautier parut dans cette ville en 1677, sous le nom d’Uscan et C ie, bien qu’Uscan fût déjà mort à cette époque. J. Townley, Biblical Anecdotes, illustrative of the History of the Sacred Scriplures and of theearly Translations of them inlo various languages, in-12, Londres, 1813, p. 136. Toujours est-il qu’après la mort d’Uscan, ses successeurs furent en butte à mille difficultés de la part des autorités ecclésiastiques de Rome et de Paris, auprès desquelles d’autres Arméniens avaient, par pure jalousie, décrié leurs intentions. Voyez R. Simon, Histoire critique des versions du Nouveau Testament, p. 196-203. Ces vexations poussèrent celui qui dès l’origine avait été le principal collaborateur d’Uscan, Matthieu de Vanaud, à retourner à Amstejrdam, 1683. Il y fondit de nouveaux caractères, qui furent acquis plus tard par les Méchitaristes de Venise. Il publia une édition du Nouveau Testament en 1698, et une des Psaumes en 1714. On cite encore (Lelong, Bibliolheca sacra, part, ii, t. i, Halle, 1781, p. 179) deux éditions du Psautier, Amsterdam, 1672 et 1677, dont il est difficile de se rendre compte, à moins de supposer qu’Uscan, tout en s’établissant à Marseille, avait laissé une succursale à Amsterdam. D’ailleurs ces deux éditions ne sont pas mentionnées dans la Bibliographie arménienne des pères Méchitaristes, Venise, 1883. D’un autre côté, l’auteur de cet ouvrage place en 1684 un Psautier publié à Venise, et en 1710 une autre édition du