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ANTIOCHTJS III LE GRAND


en 192. Tite Live, xxxv, 13 ; Justin, xxxi, 1. Après avoir essuyé plusieurs revers, le roi de Syrie fut enfin complètement battu par Scipion l’Asiatique à la bataille de Magnésie du Sipyle, en Lydie (190). Il dut accepter un traité tort onéreux (189), qui nous fournit l’explication de plusieurs événements historiques, racontés dans les Machabées, et qui eurent lieu sous ses successeurs Séleucus IV Philopator et Antiochus IV Épiphane, sans parler de sa propre mort, qui en fut indirectement la conséquence. Cf. Appien, Syr., 33-39 ; Polybe, xxi, 14 ; Tite Live, xxxvii, 40, 43, 45, 55 ; Justin, xxxi, 8 ; Diodore, Fragrn., xxvi, 46.

Daniel avait prophétisé cette fin honteuse d’un règne .auparavant glorieux : « Et [le roi du nord, Antiochus III] tournera sa force vers les lies [il pénétrera en Europe], et il en prendra beaucoup ; mais un chef [le consul Lucius Scipion] fera cesser sa hauteur, et sa hauteur retombera sur lui. » Dan., xi, 18. Le premier livre des Machabées, vin, 6-8, rappelle quelques-unes des conditions humiliantes qui furent imposées par les vainqueurs à Antiochus. Ce fut d’abord « un grand tribut », consistant en la somme énorme de quinze mille talents euboïques, c’est-à-dire plus de quatre-vingt-trois millions : cinq cents talents devaient être payés à la conclusion des négociations, deux mille cinq cents à la ratification de la paix, et les douze mille restant pendant les douze années suivantes (Appien, Syr., 38) ; mais le roi de Syrie fut incapable de payer régulièrement ce qu’il avait été obligé de promettre, de sorte qu’Antiochus IV Épiphane, second successeur d’Antiochus III, avait encore à payer les arrérages, en 173. De plus, le malheureux vaincu de Magnésie dut donner aux Romains « des otages », I Mach., viii, 7, afin de garantir ainsi l’exécution des conditions de la paix. Parmi ces otages se trouvait son second fils, celui qui devait devenir Antiochus IV Épiphane. I Mach., i, 11. On le força aussi de céder à Eumène II, roi de Pergame, fils et successeur d’Attale I er, « la région des Indiens [il faut lire probablement Ioniens], et les Mèdes [à lire sans doute Mysiens] et les Lydiens, » I Mach., viii, 8, c’est-à-dire ses possessions à l’ouest du Tauius, la Mysie, la Lydie et la Phrygie. Ce fut la récompense du service qu’Eumène avait rendu aux Romains en combattant en personne, avec son contingent de troupes, contre les Syriens, à la bataille de Magnésie. L’auteur du premier livre des Machabées, viii, 7, nous apprend aussi comment Antiochus III avait été contraint de subir un traité si dur : c’est qu’il avait été « pris vivant » dans le combat. L’auteur sacré est le seul qui nous fasse connaître ce détail important de la lutte de l’Orient grec contre Rome.

Antiochus III ne survécut que deux ans à ce désastre. L’impossibilité de se procurer, par des levées ordinaires d’impôts, l’argent qui lui était nécessaire pour payer les sommes qu’il avait promises à ses impitoyables vainqueurs, le fit recourir à la rapine : il tenta de piller le trésor d’un temple d'Élymaïde ; mais le peuple, irrité, se révolta et massacra le sacrilège avec sa suite (187 avant J.-C). Strabon, xvi, 744 ; Justin, xxxii, 2 ; Diodore, Fragm., xxvi, 39, 40 ; Porphyre, dans Eusèbe, Chron. arm., i, t. xix, col. '261 ; S. Jérôme, In Dan., xi, 19, t. xxv, col. 573. Le prophète Daniel avait annoncé ces derniers événements en ces termes : « Il [Antiochus III] tournera sa face vers les places fortes de sa terre, et il se heurtera, et il tombera, et on ne le trouvera plus. » Dan., xi, 19.

Le premier livre des Machabées, qui n’a rappelé sa défaite à Magnésie que par voie d’allusion, en décrivant la puissance des Romains, I Mach., viii, 6-8, ne dit rien de sa mort ; mais le second livre des Machabées, i, 13-16, d’après plusieurs interprètes, et avec raison, croyons-nous, raconte la fin d’Antiochus le Grand. Comme, d’une part, i I’Antiochus dont parle l’auteur sacré n’est pas désigné dans son récit, comme nous le faisons aujourd’hui, par un nombre ordinal ou par une épithète ; comme, d’autre part, l’auteur du premier livre des Machabées, vi, 1-16, et aussi l’auteur du second, II Mach., ix, 1-28, nous apprennent

qu’Antiochus IV Épiphane mourut dans des circonstances qui ont une certaine ressemblance avec celles qui sont rapportées dans la lettre insérée II Mach., i, 13-16, la plupart des commentateurs pensent que I’Antiochus indéterminé de II Mach., i, 13-16, est I’Antiochus de I Mach., vi, 1-16 et II Mach., ix, 1-28, lequel est incontestablement Épiphane. Cette identification nous semble fausse, parce que les détails contenus dans les deux récits, malgré quelques traits analogues, sont si différents qu’ils ne peuvent s’appliquer au même personnage. En effet, I’Antiochus dont parle la lettre des Juifs, voulant piller le temple de Nanée, y fut introduit par les prêtres, avec un petit nombre de compagnons, et y fut tué, II Mach., i, 14-16, tandis que I’Antiochus dont I Mach., vi, 1-16, et II Mach., ix, 2-28, racontent la mort, fut repoussé du temple qu’il avait entrepris de piller, et ne périt pas de mort violente dans le temple, mais de maladie, en chemin, à son retour en Syrie. À cause de ces différences, quelques exégètes ont imaginé que I’Antiochus de II Mach., I, 13-16, est Antiochus VII Sidètes ; mais cette opinion n’est pas fondée. Voir Ahtiochus VII. Tout indique que cet Antiochus est le père d'Épiphane.

On ne voit point d’abord comment on pourrait soutenir que I’Antiochus qui est massacré dans le temple de Nanée, II Mach., i, 15-16, est le même que celui qui n’est que repoussé d’un temple et succombe en route au milieu des montagnes, non à ses blessures, mais à une maladie. II Mach., ix, 1, 5, 21, 28. Dès lors que la lettre des Juifs ne dit nullement que le roi, dont elle rappelle la mort, soit Antiochus IV Épiphane, et puisque celui dont elle parle a péri d’une autre manière que ce célèbre persécuteur des Juifs, la conclusion naturelle est qu’il s’agit d’un autre Antiochus. Comment admettre, en effet, qu’un écrivain, alors même qu’il ne serait pas inspiré, se serait contredit si formellement à quelques pages de distance ? C’est contraire à toutes les vraisemblances. Quand même nous n’aurions aucun moyen d’expliquer ces récits différents par des témoignages extrinsèques, à cause de la pénurie des renseignements parvenus jusqu'à nous sur ces époques reculées, la critique nous prescrirait de tirer cette conclusion : le roi que l’auteur du second livre des Machabées fait mourir, au commencement de son ouvrage, de mort violente, dans le temple de Nanée, qu’il est en train de piller, n’est pas le même que le roi dont il décrit la fin un peu plus loin, dans des circonstances tout à fait diverses. Tous les deux s’appellent Antiochus, mais il y a eu treize rois de Syrie qui ont porté ce nom ; tous les deux ont voulu piller un temple, mais ce n'était pas chose rare dans l’antiquité. Voir Strabon, xvi, 1, 4, édit. Didot, p. 634 ; Diodore de Sicile, xxviii, 3, t ; ii, p. 473. Il est d’ailleurs certain, par les témoignages profanes, rapportés plus haut, qu’Antiochus le Grand trouva la mort dans une tentative de ce genre ; il est certain aussi que son fils, Antiochus Épiphane, tenta une entreprise semblable, mais échappa à la mort et ne périt qu'à son retour, à Tabès, en Perse. Voir Antiochus IV. Pour plus de détails et pour la réponse aux autres objections qu’on peut faire à cette solution, cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iv, p. 628-641.

Antiochus le Grand ne persécuta pas les Juifs, comme devait le faire son second successeur, son fils Antiochus Épiphane ; mais ils eurent néanmoins beaucoup à souffrir, surtout pendant la première partie de son règne. « Pendant que ce prince, dit Josèphe, faisait la guerre contre Ptolémée Philopator et contre son fils surnommé Épiphane, les Juifs avaient à souffrir si Antiochus était vainqueur, et ils avaient à souffrir de même s’il était vaincu, de sorte qu’ils ressemblaient à un navire qui, au milieu d’une tempête, est battu de tous côtés par les Ilots, parce qu’ils se trouvaient au milieu des combattants. » Ant. jud., XII, iii, 3. C’est ce qui nous explique pourquoi Daniel parle longuement du règne d’Antiochus III. Et parce que c’est lui qui attaque l’Egypte, la responsabilité