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ANIMAUX IMPURS

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plus intimes qui nous font admirer la sagacité de ses observations et la sagesse de ses préceptes. Pour l’alimentation, il indique avec soin les animaux dont il sera permis de faire usage. Cette idée des maladies parasitaires et infectieuses, qui a conquis une si grande place dans la pathologie moderne, paraît l’avoir vivement préoccupé ; on peut dire qu’elle domine toutes ses prescriptions hygiéniques. Il exclut du régime hébraïque les animaux qui sont particulièrement envahis par des parasites, et spécialement le porc. Le lièvre et le lapin seraient passibles du même reproche, d’après le D r Leven ; ils sont interdits ; c’est dans le sang que circulent les germes ou les spores d’un grand nombre de maladies infectieuses : les animaux doivent être saignés avant d'être apprêtés pour servir à l’alimentation. » Étude sur l’hygiène de Moïse, dans F. Visouroux, Livres Saints et la critique, Paris, 1887, t. iii, p. 617.

Ces observations sont confirmées par le D r Isambert : « En Orient surtout, les règles de l’hygiène ont été formulées, dès les temps les plus anciens, par les législateurs religieux, Moïse et Mahomet. La purification personnelle, la fréquence des ablutions, l’abstinence de vin et de certaines viandes, érigées en préceptes religieux, sont des règles hygiéniques dont la valeur est incontestable… L’alimentation ne demande pas des précautions moins grandes. C’est pour n’avoir rien voulu changer à leurs habitudes européennes, pour n’avoir pas voulu renoncer à l’usage des viandes fortes et des graisses, à l’usage des boissons fermentées, que tant d’Européens succombent en Afrique et dans les Indes. Boire du vin pur, manger des viandes fortes avant que les chaleurs de la journée soient passées, c’est s’exposer à rester tout le jour dans un état d’apathie, de torpeur, de dyspepsie et de congestion qui amènera les accidents les plus graves, s’il se prolonge ; bientôt les digestions s’altéreront ; les diarrhées, les entérites et les maladies du foie surviendront. Manger très légèrement le matin, des œufs, des viandes blanches, ne boire que de l’eau, ou du vin coupé en petite quantité, sont des règles dont il ne faudra pas se départir quand on voyage dans la saison chaude… Quant aux aliments gras, quant à la viande de porc, quant aux alcooliques proprement dits, nous croyons qu’il faut positivement y renoncer dans les pays chauds. » D r Isambert, itinéraire de l’Orient, t. iii, Syrie. Palestine, édit. 1887, introd., p. xxx-xxxi.

Du reste, la seule expérience confirme la vérité de notre proposition. Aujourd’hui encore, après tant de siècles, quelle conduite tient-on, par rapport à la nourriture animale, dans ce même pays pour lequel Moïse a donné ses lois ? Les Juifs n’y comptent plus que pour une très faible minorité ; mais à leur place sont les Arabes ou Syriens, qui composent la plus grande partie de la population. Que font les Arabes au point de vue de la nourriture ? Ils suivent à peu près les mêmes règles qu’a tracées Moïse ; leur nourriture est surtout végétale : ils ne mangent guère que les animaux que mangeaient les Hébreux du temps de Moïse et des Juges, c’est-à-dire la chèvre, le mouton, le poulet, le bœuf ; ils s’abstiennent en général des animaux que Moïse avait déclarés impurs. Le porc surtout, sous toutes ses formes, est banni de leur table ; s’ils touchent quelquefois à la chair du chameau et du lièvre (prohibés par Moïse), c’est de loin en loin et tout à fait exceptionnellement. Tel est le régime qu’une expérience plus de quarante fois séculaire a fait adopter aux Arabes comme étant le mieux approprié aux conditions elhnatériques de la Syrie ; c’est, dans ses lignes principales, et même dans la plupart des détails, le même qu’a prescrit Moïse aux Hébreux.

Il est tellement évident que Moïse a tenu grand compte de l’hygiène dans ses prescriptions, que ce point a été reconnu et affirmé depuis de longs siècles par les meilleurs auteurs. Cf. Anastase le Sinaïte, Qusest. de variis argutn., q. 26, t. i.xxxix, col. 55 ; Maimonide, More Kiibochim, traduction latine de Buxtorf, Bàle, 1629,

part, iii, c. xlviii, p. 495 ; Grotius, In Lev., xi, 2 ; Michælis, Mosaisches Becht, § 203, t. iv, p. 197-198 ; Rosenmûller, In Lev., xi. Saalschùtz, Dos Mosaische Redit, k. 28, p. 251-253, donne à cette raison une telle importance, qu’il la regarde comme la seule qui ait dirigé Moïse ; ce sentiment est exagéré. Moïse, nous l’avons dit, a été guidé par d’autres motifs ; cf. Bloch, La foi d’Israiil, Paris, 1859, p. 262 et suiv. ; toutefois l’opinion de cet auteur protestant montre que, dans son esprit, les prescriptions alimentaires de Moïse sont en parfaite harmonie avec les règles de l’hygiène.

La raison hygiénique est plus manifeste encore pour certains animaux ; par exemple, pour le porc. Les médecins, et les explorateurs s’accordent à dire que la viande de porc est très insalubre en Orient, et spécialement dans la Syrie et la Palestine. Depuis de longs siècles, les auteurs, parmi les raisons qu’ils allèguent de la prohibition de la chair de porc, signalent, comme une des principales, l’insalubrité de cette viande. Tous les rabbins juifs assignent cette cause ; ils disent que la chair de porc favorise le développement de la lèpre, qui est endémique en Syrie, ou oppose à sa guérison un obstacle insurmontable ; de là, chez eux, l’axiome hygiénique : « Qui mange du porc, s’expose à la lèpre » (cité dans Bochart, Hierozoicon, Leyde, 1692, t. î, p. 699). Maimonide assigne aussi cette cause, More Nebochim, p. 495. Les auteurs plus récents, sont du même avis : Michælis, Mosaisches Bechl, § 203, t. iv, p. 197-198 ; Rosenmûller, In Lev., xi, 1, 7, etc. Aussi la plupart des peuples orientaux s’abstiennent de la chair de cet animal. Pour les Égyptiens, nous avons comme témoins : Hérodote, ii, 47 ; Élien, De animal., x, 16, Opéra, Zurich, 1556, p. 214 ; Josèphe, Cont. Apion., n ; pour les Arabes, Pline, H. N., viii, 52 ; S. Jérôme, Cont. Jovin., ii, 7, t. xxiii, col. 294 ; le Koran, vi, 146, etc. ; voir aussi, pour les Arabes avant Mahomet, G. Sale, Observations sur le mahométisme, sect. v, dans Pauthier, Les livres sacrés de l’Orient, Paris, 1841, p. 515 ; pour les Phéniciens, Hérodien, Hist., v, In Heliogabalum, édit. H. Estienne, 1581, p. 122 ; pour les Indiens, les lois de Manou, v, 4, dans Pauthier, Les livres sacrés de l’Orient, p. 379.

IV. Contact prohibé du cadavre des animaux impurs. — Nous avons dit que la loi sur les animaux impurs regardait surtout l’alimentation ; elle visait encore, accessoirement, le contact du cadavre de ces animaux. Voici le résumé de ces prohibitions : 1° Pour les quadrupèdes impurs, le contact de leur cadavre est défendu, Lev., xi, 26-28 ; quiconque viole cette loi est souillé (d’une impureté légale) ; si on touche simplement le cadavre, l’impureté cesse d’elle-même le soir du même jour ; mais, si on l’a porté, un lavage des vêtements est, de plus, nécessaire. 2° Pour les poissons et les oiseaux, le législateur ne dit que deux mots, Lev., xi, 11, 13 : « Vous éviterez, leurs cadavres ; » ce qui s’entend, comme ci-dessus, sous peine de souillure légale. 3° Pour les insectes ailés, dont il est question Lev., xi, 20-23, le législateur s'étend plus longuement, 24-25 ; ce sont, du reste, les mêmes sanctions que pour les cadavres des quadrupèdes, avec la distinction entre celui qui les touche et celui qui les porte. 4° Moïse insiste sur les reptiles, Lev., xi, 31-38 ; le contact de leurs cadavres souille, non seulement les personnes, dans le sens déjà signalé, mais encore les choses ; ici le législateur énumère : les instruments de ménage, surtout s’ils sont d’argile ; les aliments et les boissons, l’eau, le lait, l’huile, etc. ; les fours, c’est-à-dire ces petits fours portatifs si communs en Orient ; toutefois les fontaines, citernes et autres masses d’eau considérables n'étaient pas souillées ; quant aux grains des céréales, destinés à servir de semence, s’ils étaieut secs, ils n'étaient pas souillés par le contact en question ; s’ils étaient mouillés, ils étaient souillés. Comme on le voit par ce seul énoncé, ce sont là surtout, sans exclure le but moral que se propose Moïse, des prescriptions d’hygiène et de propreté ; tous les iuler-