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que ces deux créations n’ont point été séparées par un très long intervalle, ou, en d’autres termes, qu’elles ont été moralement simultanées. Il importe donc assez peu qu’on entende le mot simul dans le sens que lui attribue saint Thomas, ou dans celui que leur donnent Suarez et Mazzella. Il est d’ailleurs indubitable que les Pères du Vatican ne regardaient point leur déclaration comme inconciliable avec la théorie des jours-périodes ; car la plupart d’entre eux admettaient cette théorie, et tous la considéraient au moins comme soutenable.

VI. Élévation surnaturelle des anges. — Les anges furent-ils créés dans l'état de pure nature, c’est-à-dire avec les seuls dons auxquels leur nature leur donnait droit, ou bien furent-ils élevés dès le premier moment de leur existence à l'état surnaturel, c’est-à-dire à la participation de la vie divine, à laquelle ils n’avaient aucun droit ? Hugues et Richard de Saint - Victor, Pierre Lombard, saint Bonaventure et beaucoup de leurs contemporains, ont pensé que l'élévation des anges à l'état surnaturel ne s'était produite qu’après qu’ils eurent été laissés quelque temps à leurs seules ressources naturelles. Saint Thomas a soutenu, au contraire, qu’elle avait eu lieu au moment même de leur création, et cette opinion a été adoptée par la grande majorité des théologiens. Les jansénistes l’outrèrent en prétendant que les anges non plus que l’homme n’auraient pu vivre dans l'état de pure nature. Les théologiens ont réfuté cette erreur ; car qui dit état de nature, dit un état dans lequel une créature possède tout ce à quoi elle a droit, et par conséquent un état possible. Mais quoi qu’il en soit de l'état dans lequel furent créés les anges, il est certain qu’au moment de leur épreuve ils avaient été élevés à l'état surnaturel. L’Ecriture les appelle, en effet, anges de lumière, II Cor., xi, "14 ; fils de Dieu, Job, xxxviii, 7 ; saints, Dan., viii, "13 ; Marc, viii, 38. Ces noms indiquent que les anges participent à la vue de Dieu, à sa vie et à la sainteté surnaturelle. Ils jouissent aujourd’hui au ciel de la vision intuitive de Dieu. Matth., xvill, 10. Ils possèdent par conséquent un bonheur surnaturel, qui est une récompense pour eux, comme l’enfer est un châtiment pour les démons. Or une récompense surnaturelle suppose des actes de vertu surnaturelle, et par conséquent une élévation surnaturelle dans ceux qui ont accompli ces actes. Parmi les théologiens, les scotistes pensent que la grâce fut donnée aux anges en vue des mérites futurs de Jésus-Christ ; mais les thomistes combattent ce sentiment.

VII. Épreuve des anges. — L'épreuve des anges n’est pas racontée expressément dans l'Écriture ; mais son existence n’est point douteuse, car la tradition l’affirme unanimement. Il est en outre certain que les démons ont été créés bons, et qu’ils étaient primitivement comme les anges. Or saint Pierre nous dit que les démons ont été précipités en enfer à cause de leur péché, II Petr., ii, 4 ; cf. Matth., xxv, 41 ; Judæ 6, d’où il résulte que les bons anges auraient pu pécher comme eux, et qu’ils ont été soumis à une épreuve.

En quoi consiste cette épreuve ? Nous pouvons le conclure encore de la nature du premier péché des démons, qui, suivant l’opinion commune, fut une faute d’orgueil. Eccli., x, 15 ; Tob., iv, 14 ; I Tim., iii, 6. Il semble probable que cette épreuve ne fut pas de longue durée, car l'Écriture ne laisse pas entendre qu’aucun des bons anges ait péché ; elle suppose, au contraire, que les démons furent précipités en enfer dès leur première faute. II Petr., ii, 4.

Quel fut le nombre des anges qui tombèrent et celui des anges qui persévérèrent ? Nous l’ignorons. Plusieurs auteurs ont cru que les démons sont deux fois moins nombreux que les anges, parce que l’Apocalypse, xii, 4, nous représente le dragon entraînant avec sa queue le tiers des étoiles du ciel et les précipitant sur la terre ; mais, outre que ces étoiles du ciel paraissent être les saints persécutés, on ne doit pas regarder le chiffre donné ici comme avant une précision mathématique.

VIII. État actuel des bons anges. — Les bons anges depuis leur épreuve jouissent du bonheur du ciel. L'Écriture les appelle non seulement, comme nous l’avons vii, anges de lumière, fils de Dieu, saints, mais encore anges élus, II Mach., xi, 6 ; xv, 23 ; anges du ciel, Matth., xxii, 30. Elle dit qu’ils sont en la présence de Dieu, Tob., xii, 15 ; Dan., vii, 10 ; qu’ils habitent le ciel, Marc, xii, 25 ; qu’ils sont citoyens de la Jérusalem céleste, Hebr., xii, 22 ; qu’ils ont le sort qui sera donné aux élus, Luc, XX, 36 ; que ceux même qui nous gardent sur la terre voient sans cesse au ciel la face de Dieu. Matth., xviii, 10. Puisque les anges du ciel ont le sort que Dieu réserve aux saints ses élus, ils ne perdront jamais le bonheur dont ils jouissent. Du reste Notre-Seigneur dit expressément qu’ils voient toujours et pour toujours (51à iravcôç) la face de Dieu.

La gloire des anges n’est pas égale. Nous avons déjà parlé de leur hiérarchie. L'Écriture nous apprend en outre qu’il y en a sept d’entre eux qui se tiennent devant le trône de Dieu. Tob., xii, 15. Tout ce qui est vrai du bonheur des saints dans le ciel, de leur connaissance de Dieu, de la manière dont ils l’aiment et le louent, de leur impeccabilité, de leur connaissance surnaturelle du monde, est également vrai des anges. Aussi n’en parlerons-nous point ici. Mais nous devons nous occuper des fonctions qu’ils exercent vis-à-vis des hommes et qui leur ont fait donner le nom d’anges ou députés.

IX. Fonctions des anges. Les anges gardiens. — Dieu se sert de ses créatures pour accomplir ses desseins. Ce n’est point qu’il ait besoin d’elles ; mais, dans sa bonté, il veut leur donner une part à ses œuvres. C’est pour cela qu’il a accordé à tous les êtres une certaine puissance naturelle. C’est aussi pour ce motif qu’il se sert du ministère des hommes pour nous instruire des vérités révélées et pour nous communiquer la grâce des sacrements. Il n’y a donc rien d'étonnant qu’il emploie le ministère des anges pour exécuter les plans de sa providence, soit dans l’ordre naturel, soit surtout dans l’ordre surnaturel. Il a chargé ces esprits bienheureux de protéger le juste, Ps. xc, 11-13 ; Hebr., i, 14 ; d'écarter de lui les dangers, ibid., et Judith, xiii, 20 ; de le défendre contre les embûches du démon, Tob., viii, 3 ; de présenter ses prières à Dieu, Tob., xii, 12 ; de conduire son âme en l’autre vie, Luc, xvi, 22 ; il leur réserve aussi le soin de séparer les bons des méchants au jour du jugement général. Matth., xm, 49. Un ange est même député auprès de chacun de nous pour nous aider. On l’appelle pour ce motif ange gardien. C’est une doctrine certaine et qu’il serait téméraire de contredire en ce qui regarde les fidèles prédestinés ; elle est communément admise dans l'Église pour les autres hommes. Elle était déjà crue par les premiers chrétiens ; car lorsque saint Pierre, tiré miraculeusement de la prison, frappait à la porte de Marie, mère de Jean, les chrétiens stupéfaits se disaient les uns aux autres que c'était son ange. Aet, xii, 15. Notre-Seigneur avait, du reste, confirmé cette croyance en disant, Matth., xviii, 10, que les anges des petits enfants voient sans cesse la face de Dieu ; et elle s’appuyait sur les paroles du patriarche Jacob, Gen., xlviii, 16, et de Judith, Judith, xiii, 20, qui affirment que l’ange de Dieu les avait gardés.

Chaque peuple a aussi un ange spécialement chargé de lui, suivant un sentiment admis par les saints Pères et par les théologiens catholiques. Le livre de Daniel, x, 13, 21, fait en effet mention de l’ange des Grecs et de celui des Perses. En outre, la traduction des Septante, Deut., xxxii, 8, porte que Dieu a partagé la terre aux nations suivant le nombre de ses anges. Et plusieurs auteurs en ont coriclu que chaque nation a son ange gardien. L’ange du peuple juif était Michel, Dan., x, 13, 21 ; xii, i ; Judæ 9, qui est maintenant le protecteur spécial de l'Église universelle, Apoc, xii, 7, pour laquelle il combat. Il était assez naturel de penser que les Églises particulières ont aussi leur ange gardien. C’est donc un sentiment fort