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ADOPTION — ADORATION

enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus-Christ. » Rom., viii, 17. Cf. Gal., m, 29 ; iv, 7 ; Tit., iii, 7 ; I Pet., iii, 22 ; Jac, ii, 5. Aussi, dans la Sainte Écriture, la gloire du ciel, consistant dans la vision intuitive, l’amour et la possession de Dieu, nous est souvent proposée comme un héritage : « Béni soit Dieu, Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui, selon la grandeur de sa miséricorde, nous a, par la résurrection de Jésus-Christ, régénérés, pour nous donner la vive espérance de cet héritage, où rien ne peut ni se détruire, ni se corrompre, ni se flétrir, » etc. I Pet., i, 3-4. Cf. Eph., i, -18 ; v, 5 ; Col., iii, 24 ; Heb., I, t 14 ; ix, 15. Sans doute les mots hæres, hæreditare, hæreditas (en grec, κληρονομoς, κληρονομέω, κληρονομία ; en hébreu, radical nâḥal) ne signifient pas toujours un héritage proprement dit, c’est-à-dire le mode spécial d’acquisition par succession ou testament ; mais signifient quelquefois, en général, la prise de possession d’un bien, quel que soit d’ailleurs le mode d’acquisition ; mais cette distinction est ici sans importance, puisqu’il nous suffit de faire remarquer qu’en vertu de sa naissance divine, le juste acquiert un certain droit sur les biens divins préparés dans le ciel ; or ce droit, qui constitue précisément l’héritier, est prouvé par la plupart des textes cités ; cela est tellement vrai, que saint Paul, dans un des quatre textes où il emploie le mot υἱοθεσία, identifie notre adoption divine avec notre héritage céleste : « Nous gémissons en nous-mêmes, attendant l’adoption divine, la délivrance de nos corps. » Rom., viii, 23.

Ce que nous venons de dire de ce privilège admirable de l’adoption divine, ou de la filiation divine adoptive, conféré à tous les justes, ne peut s’appliquer à Jésus-Christ, qui, étant Dieu et homme, est purement et simplement Fils naturel de Dieu, et non pas Fils adoptif. Comme la filiation ne peut convenir qu'à une personne, et qu’en Jésus-Christ il n’y a qu’une personne, celle du Verbe, il ne peut y avoir en lui qu’une seule filiation, la filiation naturelle, en vertu de laquelle Jésus-Christ est Fils naturel de Dieu. S. Thom., iii, q. 23, a. 4. Ainsi, d’un seul mot, se trouve réfutée l’erreur ou plutôt l’hérésie des Adoptianistes, Félix, évêque d’Urgel, et Élipand, archevêque de Tolède, qui, dans la seconde moitié du viiie siècle, enseignaient que Jésus-Christ, comme homme, peut être dit Fils adoptif de Dieu. Cette erreur, qui n'était qu’un rejeton du nestorianisme, fut condamnée au concile de Francfort (794).

S. Many.

ADOR, ville de Palestine. I Mach., xi : i, 20. Voir Aduram 1.

ADORAM. Hébreu : Hădôrâm.

1. ADORAM (Septante : Ὀδοῥῤά), cinquième fils de Jectan. Il s'établit aux extrémités méridionales de l’Arabie. Ses descendants sont les Adramites des géographes classiques. I Par., i, 21. Il est nommé Aduram dans la Vulgate. Gen., x, 27.

2. ADORAM (Septante : Ἀδουράμ), fils de Thoü, roi d’Hémath, vint de la part de son père féliciter David de la victoire qu’il avait remportée sur Adarézer, roi de Soba, et lui offrir en présent des vases d’or, d’argent et d’airain. I Par., xviii, 10 ; II Reg., viii, 10. Dans ce dernier endroit, il est nommé Joram.

ADORATION (Vulgate : adorare ; Septante et Nouveau Testament : προσκυνεῖν ; hébreu : hišṭaḥavâh, hithpalel du radical šaḥâh) désigne dans la Bible un témoignage particulier de vénération, que les Hébreux rendaient à la divinité et aux grands personnages. Il consiste en ce que l’adorateur se jette à deux genoux et se prosterne jusqu'à terre devant la personne qu’il vénère, lui baisant les pieds ou touchant le sol de son front devant elle. C’est le sens naturel du verbe hišṭaḥavâh, qui signifie proprement « se prosterner jusqu'à toucher du front la terre » ; aussi on le voit souvent suivi des mots appayîm ʾarṣâh, « la face contre terre, » ou autres équivalents. Gen., xix, 1 ; xiii, 6 ; xlviii, 12, etc. Gesenius, Thesaurus, p. 1387. Telle était chez les Hébreux la démonstration la plus éclatante de vénération, qu’ils distinguaient soigneusement des autres marques de respect ; ils avaient d’autres mots pour signifier la simple génuflexion (kâraʾ, bârak, traduits ordinairement dans les Septante : le premier, par κλίνειν ἐπὶ τὰ γόνατα ; le second, par πίπτειν ἐπὶ τὰ γόνατα) ou l’inclination modérée du corps (qâdad, traduit habituellement dans les Septante par κύπτω) ; le terme hišṭaḥavâh était réservé pour signifier la prosternation complète.

Cette marque de vénération était du reste en usage, comme elle l’est encore aujourd’hui, dans les pays orientaux.

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36. — Eol d’Egypte adorant la déesse Isis.

Le Musée britannique possède une peinture murale, contemporaine de la XVIIIe dynastie égyptienne, qui représente des personnages offrant des présents à un roi ; les plus rapprochés de lui sont prosternés devant lui, le front courbé jusqu’au sol ; ceux qui viennent ensuite sont à genoux, attendant probablement le moment de se prosterner ; enfin il y en a qui sont encore debout, jusqu'à ce que leur tour vienne de s’approcher. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1889, t. ii, p. 146. Nous reproduisons ici (fig. 36) un roi d’Égypte qui adore prosterné la déesse Isis. Les Perses distinguaient soigneusement entre la salutation et l’adoration. Alexandre, ayant vaincu les Perses, voulut, dit Justin, XII, vii, « non pas être salué, mais être adoré, » suivant l’usage des rois persans ; cet usage, dit Quinte-Curce, consistait en ce que les sujets se prosternaient à terre, et frappaient du front le sol devant leur souverain. Quint. Curt., VI, vi. Une coutume semblable existait en Assyrie. ( Fig. 37.) C’est l’hommage que l’orgueilleux Aman, premier ministre du roi Xercès (l’Assuérus de la Bible), voulut qu’on lui rendit : « Et tous les serviteurs du roi, qui étaient à la porte du palais (à Suse), fléchissaient le genou devant Aman, et l’adoraient. Il n’y avait que Mardochée qui ne fléchit pas les genoux devant lui, et ne l’adorât pas. » Esth., iii, 2. Ici le texte hébraïque présente les deux mots signalés : kâra', « fléchir le genou, » et hišṭaḥavâh, « adorer. »

Les Hébreux rendaient cette adoration à Jéhovah, comme on le voit Gen., xxiv, 2C, 48 ; Exod., xx, 5, etc. Gesenius, Thesaurus, p. 1387. Dans ce cas, le verbe hébraïque hišṭaḥavâh est quelquefois seul, sans régime, le nom de Jéhovah restant sous-entendu. C’est aussi de cette manière que Notre-Seigneur, au jardin des Oliviers, adora son Père : « Il se prosterna contre terre, » Marc, xiv, 35 ; « il tomba la face contre terre. » Matth., xxvi, 39. Les Hébreux rendaient aussi l’adoration ou l’hommage du profond respect par la prostration aux grands personnages, comme les rois et les princes : ainsi Miphiboseth, fils de Jonathas, adora David, II Reg., ix, 6, 8 ; Joab et Absalom adorèrent le même prince, II Reg., xiv, 22, 33, etc. Dans le Nouveau Testament, Notre-Seigneur fut souvent l’objet de cette marque de vénération : les mages l’adorèrent prosternés devant lui, Matth., ii, 11 ; l’aveugle-