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ADAM (PALÉONTOLOGIE)

les sépultures mérovingiennes que dans les sépultures modernes. Il est donc faux de dire avec le commun des transformistes qu’elle est d’autant plus fréquente, qu’on se rapproche davantage de l’origine de l’homme. Comme les phases de la vie embryonnaire, les organes rudimentaires prouvent une fois de plus qu’un plan général a présidé à la création. Ils ne prouvent pas autre chose.

On voit que de tous les arguments invoqués par Darwin à l’appui de sa thèse, aucun n’a la portée que leur attribue leur auteur. On ne saurait donc être surpris que l’ouvrage qui en contenait le développement, le traité de la Descendance de l’homme, ait causé un certain désappointement parmi les transformistes. « Nous nous étions imaginé que ce livre était d’une beaucoup plus grande importance, » écrivait peu après son apparition un admirateur du naturaliste anglais. « Nous ne serions pas impartial vis-à-vis de nos lecteurs, si nous ne confessions que ces volumes ne sont sous aucun rapport comparables à n’importe lequel des livres précédents de M. Darwin… En ce qui concerne l’origine de l’homme, ils contiennent moins que nous n’en avions attendu, et les preuves qu’ils apportent à l’appui de cette thèse sont à peine plus fortes que celles que nous connaissions auparavant. » The popular science Review, juillet 1871, p. 292 ; cf. Lecomte, Le darwinisme et l’origine de l’homme, p. 222.

Il y aurait eu pour Darwin un autre moyen de prouver sa thèse : c’eût été de nous montrer dans les couches superficielles du globe le squelette fossile de l’un de ces anthropoïdes qui furent, dans sa théorie, les précurseurs de notre espèce. Le célèbre naturaliste n’a garde de recourir à cet argument. Il sait bien que la paléontologie n’a rien révélé de cette sorte. Il n’ose même poser la question, dans la crainte que la réponse ne soit fatale à son système. N’est-il pas étrange, en effet, qu’aucun des nombreux chaînons qui dans ce système doivent relier l’homme aux animaux inférieurs n’ait pu encore être retrouvé, et que les partisans de l’origine animale de notre espèce soient réduits à faire vivre nos précurseurs plus ou moins simiens sur un continent aujourd’hui submergé ! Que penser d’une théorie qui, obligée pour se soutenir de faire appel à l’inconnu, ne repose que sur des conjectures et des hypothèses aussi gratuites ?

Les transformistes ont pu croire un moment qu’ils avaient mis la main sur un de ces précieux chaînons si ardemment, mais si vainement cherchés. Les restes très incomplets d’un grand singe avaient été découverts en 1856 dans le midi de la France. Le paléontologiste Édouard Lartet trouva à cet anthropoïde, qu’on baptisa du nom de Dryopithèque, des caractères supérieurs à ceux des anthropoïdes actuels. On se hâta d’en conclure qu’on avait enfin découvert l’un des ancêtres de l’homme. Malheureusement pour les théoriciens de l'école transformiste, une nouvelle mâchoire du même animal, plus complète et mieux conservée que la précédente, a été découverte récemment dans les terrains miocènes de Saint-Gaudens. M. Albert Gaudry, auquel elle a été communiquée, et qui l’a minutieusement décrite dans un savant mémoire lu à la Société géologique de France, n’hésite pas à reconnaître que l’animal auquel elle a appartenu était très inférieur aux grands singes actuels. M. Gaudry a d’autant plus de mérite à en faire l’aveu, que dans une publication antérieure il avait émis l’idée que c'était peut-être au Dryopithèque qu’on devait la taille des silex, en apparence travaillés, qu’on a découverts dans les terrains tertiaires. « Aujourd’hui, devenu un peu moins ignorant, ajoute avec une franchise qui l’honore le savant paléontologiste, je ne tiendrais plus le même langage. À en juger par l'état de nos connaissances, il n’y avait en Europe, dans les temps tertiaires, ni un homme ni aucune créature qui se rapprochât de lui. Puisque le Dryopithèque est le plus élevé des grands singes fossiles découverts jusqu'à ce jour, nous devons reconnaître que la paléontologie n’a pas encore fourni d’indice d’enchaînement entre l’homme et les animaux. »

On le voit, l’anneau qui doit relier l’homme à l’animal est toujours à trouver. Les progrès de l’anthropologie, loin de mettre sur la voie de ce précieux chaînon, autorisent de plus en plus à douter de son existence. Quelques-uns des anthropologistes les plus favorables à la thèse darwinienne ne font pas difficulté de le reconnaître. « Il semblait en 1869, dit l’un d’eux, que rien ne serait plus facile que de démontrer la descendance de l’homme du singe ou d’un autre mammifère. Il a fallu beaucoup rabattre de ces espérances, et à l’heure actuelle nous ne voyons même pas la possibilité d'établir la filiation des races les unes des autres. Quant au précurseur de l’homme, il reste plus que jamais à l'état d’hypothèse ; et nous savons actuellement que les hommes des âges préhistoriques ne se rapprochaient pas davantage des singes que les races actuelles. » Léon Laloy, dans l’Anthropologie, août 1890.

La logique demanderait peut-être que l’on renonçât une fois pour toutes à appliquer à notre espèce l’hypothèse darwinienne ; mais alors il faudrait s’incliner devant le fait de la création, et cette concession répugne au rationalisme moderne. Qu’on n’aille pas du moins nous imposer au nom de la science une théorie que la science condamne !

Ce n’est pas seulement la paléontologie qui vient à l’encontre du système évolutionniste appliqué à notre espèce, c’est le principe même du transformisme darwinien. Un ami de Darwin, Wallace, l’a reconnu. À elle seule, dit-il, la sélection naturelle, qui est la base de ce système, est impuissante à expliquer l’origine animale de l’homme. Et il le prouve. La sélection explique sans doute le développement et la conservation des caractères d’une utilité immédiate et personnelle ; mais toutes les variations qu’a éprouvées l’homme, dans l’hypothèse darwinienne, pour passer de l'état simien à l'état actuel, n'étaient pas de cette nature. Quelques-uns étaient inutiles ou même nuisibles. Quel avantage avait, par exemple, l’anthropopithèque qui donna naissance à l’homme à se défaire du tégument pileux qui le recouvrait ? « Le pelage protège l’individu contre le froid et contre la pluie… Il aurait été très utile au sauvage d'être protégé de même. Cela est si vrai, que les populations infimes ont toutes imaginé quelque vêtement pour se couvrir… La sélection naturelle n’a donc pu produire la nudité du corps de l’homme. » Revue scientifique, 23 août 1890 ; cf. de Valroger, La genèse des espèces, p. 108-123.

On en peut dire autant, d’après Wallace, de la main et du larynx, qui présentent chez le sauvage une perfection qui n’est point en rapport avec le parti qu’il en tire, et ne peut dès lors s’expliquer par la sélection naturelle. Même observation au sujet de la transformation de la main postérieure du singe en pied. Cette transformation est loin d'être un progrès. « Il eût été très utile au sauvage de conserver cette main postérieure, dont la disparition est bien difficile à expliquer par la sélection naturelle. »

Pour rendre compte de l’acquisition de caractères de cette nature, Wallace est obligé de recourir à une sélection artificielle, dont l’agent eût été un « être supérieur », sur le compte duquel il ne s’explique pas clairement, mais qui eût « guidé la marche de l’espèce humaine dans une direction définie et pour un but spécial, tout comme l’homme guide celle de beaucoup de formes animales et végétales. » La sélection naturelle, trad. franc., p. 377. C’est reconnaître avec M. de Quatrefages qu’il est impossible d’expliquer l’apparition de notre espèce « sans sortir du domaine exclusivement scientifique, c’est-à-dire en s’en tenant à ce qu’enseignent l’expérience et l’observation ». L’espèce humaine, p. 65. Quand on en est là, le mieux n’est-il pas de revenir à la croyance traditionnelle, basée sur le récit biblique de la création ?

II. État social du premier homme. — La science ne prouve point que l’homme provient d’une forme inférieure. Elle ne prouve pas même, quoi qu’en dise l'école évolutionniste, que les premiers hommes aient été des sau-