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BRI

à sa sollicitation, changerent cette barbarie, & donnerent, moyennant quelque taxe, des brefs ou congés qu’ils obligeoient de prendre à tous ceux qui vouloient naviguer sur leurs côtes : & pour cela les Ducs tenoient des Bureaux, des Secrétaires, & des Receveurs à Bourdeaux, à la Rochelle & aux autres ports, comme témoignent d’Argentré, les Bénédictins dans la nouvelle Hist. de Bretagne, & Garcie de Ferrande en son Grand Routier. Voyez aussi ci-dessus au mot Bref.

Au Concile de Nantes tenu en 1127, le Duc de Bretagne, Conan III, surnommé le Gros, se dépouilla généreusement du droit de bris, priant les Peres de prononcer anathème contre ceux qui voudroient en user dans la suite. Les Evêques prononcerent avec joie cet anathème. Mais ce Concile travailla en vain à abroger cette barbare coutume. Les Seigneurs de Leon & de Penthévre écouterent plus leurs intérêts que les loix du Concile. Ils se firent un droit de cette barbarie, & l’appelèrent droit de bris ou de lagam. Guiomar de Léon disoit à ce propos qu’il avoit dans ses Etats une pierre plus précieuse, que toutes les pierres précieuses du monde, qui lui valoit tous les ans dix mille sous. Il entendoit parler d’un écueil fameux par les naufrages. Lobineau. Tom I, p. 202, 204. On appeloit aussi de droit Peçoi de mer. Id pag. 308. En 1430, le Duc de Bretagne se plaignit au Pape que l’Evêque de S. Malo prétendoit le droit de bris en sa ville. Lobin. T. I, p. 583. Il y a eu des Chapitres d’Eglises Cathédrales qui ont prétendu avoir le droit de bris. Il y a eu aussi des Abbayes qui ont prétendu ce droit de bris, & qui en jouissoient par la concession des princes. Id. p. 846.

En France, en Italie, en Espagne, en Angleterre & en Allemagne, le bris n’a plus lieu, si ce n’est à l’égard des pirates & des ennemis de l’Etat & de la Foi. L’Empereur Andronic fut le premier qui fit exécuter un Edit portant défenses de piller les vaisseaux échoués ou brisés : ce qu’on faisoit auparavant avec grand rigueur sur toutes les côtes de l’Empire, nonobstant les défenses des Princes précédens, comme témoigne Mireta Sénateur de Constantinople en son histoire. Chez les Auteurs ce droit s’appelle lagam, que Spelmannus dit être un mot saxon sui signifie jacere, ejectus, & qui est fort différent du droit de varech.

Bris, en termes de Blâson, se dit de ces longues happes de fer à queue patée, dont on se sert pour soutenir les portes sur leurs pivots, & pour les faire rouler sur leurs gonds. Quand on représente sur un ecu ces pivots sur lesquels se meuvent les portes ou fenêtres brisées, on les appelle bris d’huis.

Bris de marché, est le vol des marchandises que l’on porte au marché, ou le monopole, afin d’empêcher la bonne vente au marché, ou quand quelqu’un avec port d’armes empêche les Marchands d’aller au marché ou à la foire, ou bien quand on empêche le payement du péage.

BRISACH. Ville d’Allemagne dans le Brisgaw, Brisacum. Elle est sur le bord oriental du Rhin. Le neuf-Brisach est une ville très-forte, bâtie par le Roi de l’autre côté du Rhin. Brisach, qui avoit été cédé à la France par la paix de Munster en 1649, fut rendu à l’Empereur par celle de Riswich en 1697, & ensuite par celle d’Utrecht & de Rastadt.

BRISANS. s. m. pl. Terme de Marine. Rochez à fleur d’eau où se brisent les vaisseaux, ou sur lequel se viennent briser les flots de la mer. Scopulus. Ils sont représentés sur les cartes marines par de petites croisettes. On appelle aussi brisans, le rejaillissement des vagues que la violence des vents pousse avec impétuosité contre les rochers ou les côtes.

☞ BRISCA, BRISCHA ou Brexar. Petite ville du Royaume d’Alger dans la Province de Tenez.

BRISE, s. f. ou vent d’à bas. Favionus, ventus flans ab æquinoctiali occasu. Terme de Marine : c’est un vent d’aval qu’il faut attendre pour revenir des Îles de l’Amérique en Europe ; parce qu’on ne peut faie le trajet de la mer Atlantique vers l’Afrique en revenant, comme on fait en y allant, à cause du flux trop violent de la mer, qui va d’Orient en Occident par un mouvement contraire à celui de la terre ; & il faut quelquefois remonter avec ces brises jusqu’au 40e ou 50e degré.

On appelle brise carabinée, une brise forcée, ou un vent qui souffle avec grande violence.

On appelle aussi brises, de petits vents alisés qui viennent de terre sur le soir, & qui ne sont guère sensibles qu’aux bâtimens qui rangent la côte. Sur la rivière des Amazones, il se leve tous les jours certains vents Orientaux qu’on nomme brises, qui durent trois ou quatre heures, & qui repoussent les eaux contre mont.

Brise, terme de Charpenterie. Poutre posée en bascule sur la tête d’un gros pieu, sur lequel elle tourne, & qui sert à appuyer par le haut les aiguilles des pertuis.

BRISE-COU. s. m. Pas difficile, marche dans un escalier qui est plus haute ou plus étroite que les autres, qui donne occasion de tomber & se blesser, de se briser le cou. Locus lubricus, difficilis.

On appelle aussi un escalier étroit & obscur, un brise-cou, par la même raiosn. Les Baladins Italiens appellent aussi un saut dangereux, un rompicollo, aussi-bien que tels escaliers. Ce mot est du style familier.

Brise-cou. On appelle ainsi, en termes de Manège, un jeune homme hardi & de bonne volonté, à qui on fait monter les jeunes chevaux, pour les accoutumer à souffrir l’homme.

BRISE-GLACE. s. m. Rang de pieux posés devant une palée de pont du côté d’amont, pour briser les glaces & conserver la palée. Ces pieux sont de grandeur inégale, & recouverts d’un chapeau.

BRISE-IMAGE, s. m. & f. Nom de secte. C’est la même chose qu’Iconoclaste, & Iconomaque. Voyez ces mots en leur place.

BRISE-VENT. s. m. Nom que les Jardiniers donnent à une clôture en forme de petit mur, faite de paille, & soutenue par des pieux fichés en terre. Foricula straminea. Les brises-vents sont hauts de six ou sept pieds, & la longue paille ou les échalas dont ils sont composés, sont liés ensemble avec de l’osier, ou avec du fil de fer. Ces brises-vents servent à mettre les couches de melons à l’abri des vents froids. Voyez La Quint. Les Jardiniers qui n’ont pas de véritables murailles qui les défendent du nord, se servent avec succès de ces brises-vents.

BRISÉES. s. f. Terme de Chasse. Marques que laisse un Chasseur dans un chemin où a passé le gibier, qui sont ordinairement des branches d’arbres qu’il brise ou qu’il coupe, & qu’il ☞ seme dans son chemin pour reconnoître l’endroit où est la bête, & où on l’a détournée. Rami à venatore feram indagante sparsi. On dit, frapper aux brisées, quand le Veneur qui a fait son rapport va laisser courre.

Brisée, se dit aussi des branches qu’on coupe dans un taillis, ou à de grands arbres, pour marquer les bornes des coupes.

Brisées. s. f. pl. Route, chemin. Via.

Que des enfers sortiras les brisées,
Pour t’en aller aux beaux champs Elisées. Marot

On dit figurément, marcher sur les brisées de quelqu’un ; pour dire, suivre ses traces, imiter son exemple. Vestigia. On le dit aussi de ceux qui entreprennent le même dessin, qui écrivent sur le même sujet, quoiqu’ils le traitent diversement.

De quel front aujourd’hui vient-il sur nos brisées,
Se revêtir encor de nos phrases usées ? Boil.

On dit aussi, reprendre ses premières brisées,