Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/838

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
830
CON

vellée à chaque instant, comme le prétendent quelques Philosophes, soit que dès la création même, Dieu ait donné à chaque être la faculté de conserver son existence, dans laquelle il le laisse persévérer, jusqu’à ce qu’il juge à propos de le détruire par un acte aussi positif que celui de la création ; opinion qui ne répond pas assez à l’idée que nous avons de la Souveraine puissance de Dieu, & paroît rendre l’homme indépendant, & anéantir la providence. Quelle que soit cette action, les créatures n’existent que parce que Dieu les a tirées du néant, elles ne perséverent dans leur existence que par une volonté efficace de Dieu, de par une opération qui influe directement sur leur existence continuée. Conservare.

Conserver, par rapport aux créatures, c’est apporter tout le soin nécessaire pour soûtenir son existence, ne rien faire qui puisse la détruire ou l’altérer, & faire de son mieux pour exister le plus long temps qu’il est possible. Nous avons tous un desir naturel de nous conserver, S. Evr. C’est une des loix principales de la nature. C’est un traité que nous avons fait avec la Société par les rapports que nous avons contractés avec elle, rapport que nous ne pouvons plus dissoudre sans injustice. Conserver, par rapport aux choses qui sont à notre usage, c’est apporter tout le soin nécessaire pour empêcher qu’une chose ne se gâte, ne dépérisse. Conserver ses habits, ses meubles, des fruits. On le dit avec le nom personnel ; pour dire, que les choses durent, ou ne durent pas beaucoup ; qu’elles périssent ou se corrompent bien vite. Les vins fumeux se conservent long temps. Les fruits d’été ne se conservent pas. Vin qui se conserve long temps. Vinum perenne.

On dit d’une femme qui est encore belle, quoiqu’un peu âgée, qu’elle se conserve bien, qu’elle a bien conservé son teint ; & au contraire d’un homme qui est malade pour faire souvent des excès, qu’il ne se conserve point. La santé est un bien si précieux, qu’on ne sauroit trop se conserver, ni trop se ménager. Curare valetudinem.

On dit, conserver ses terres, les terres des autres, son pays, &c. c’est en général les garantir de tout ce qui peut y apporter quelque dommage.

Conserver se dit aussi en choses morales & spirituelles. Servare, conservare, tueri. Cet homme a conservé son bon sens, sa mémoire jusqu’à sa dernière vieillesse. Il a conservé son crédit, son autorité, les droits, &c. empêcher qu’on y donne atteinte : il a conservé son amour, sa colère, sa vengeance, son orgueil, &c. Conserver son honneur, sa réputation, maintenir sans aucune tâche.

Je ne m’étonne point, qu’en ma tendre jeunesse,
Mon cœur des passions ait suivi la fureur ;
Mais ce qui me surprend, c’est de voir mon erreur
Se conserver dans ma vieillesse. L’Ab. Tetu.

On dit aussi, qu’un homme s’est conservé entre deux partis pour dire, qu’il est demeuré neutre, également ami de l’un & de l’autre.

Conserver, en passant des troupes, est opposé à licentier : à la paix on licentia tels & tels régimens, on n’en conserva que tant. Voyez Licentier.

Conserver. En termes de Marine. On appelle conserver un vaisseau, le suivre de près, ne le point perdre de vue. Le grand vent & l’agitation des vagues m’obligèrent de conserver ces trois vaisseaux pendant deux jours ; au bout desquels j’étois sur le point de hazarder un combat inégal. Du Guay-Trouin. Nous découvrîmes pendant la nuit une flotte de trente voiles, nous la conservâmes jusqu’au jour. Id. Pendant la nuit un vaisseau passa entre mon camarade & moi : nous revirâmes sur lui, & le conservâmes jusqu’à la pointe du jour. Id.

Conserver, au jeu de Trictrac, c’est pouvoir jouer son coup sans dégarnir aucune des cases qui forment le plein. Autant de fois qu’on conserve, on doit marquer quatre ou six points avant que de jouer son coup. On marque six points, quand on conserve par doublet, & quatre, quand on conserve par simple. Conserver par impuissance. On conserve par impuissance le plein du petit ou du grand jan, du jan de retour, & de la pile de misère, quand on ne rompt pas faute de pouvoir jouer. On marque également comme si l’on conservoit en jouant, mais l’adversaire marque deux points pour chaque dame non jouée. Conserver par privilège. Quand un joueur a son jan de retour plein, & toutes ses dames dedans, s’il fait un coup qui pourroit être joué par les dames surnuméraires, si le tablier avoit une fiche de plus, il conserve par privilège, il prend le bord du tablier pour une flèche, & y met la dame ou les dames surnuméraires. C’est le privilège du jan de retour.

CONSERVÉ, ÉE. part. Conservatus, servatus. Il a les usages & la signification de son verbe.

Outre cela conservé est un terme de Médailliste, qui se dit des médailles antiques, que le temps n’a point usées, rongées, gâtées, qui sont entières, dont les figures sont bien marquées, se distinguent bien. Il est opposé à fruste. Integer, incorruptus, illæsus. Cette médaille est rare, c’est dommage qu’elle soit si mal conservée. Cette autre plus commune est aussi mieux conservée. Il y a des Empereurs, dont les médailles sont presque toujours bien conservées, & d’autres dont les médailles le sont communément très-mal. Cela vient apparemment de la qualité & de la fonte du métal. L’or est toujours bien conservé, & l’argent presque toujours ; mais le bronze est souvent fruste. On le dit de même des tableaux qui ont encore tout leur éclat.

CONSÉVIUS. s. m. terme de Mythologie. Nom d’un Dieu des Romains. Consivius. C’étoit le Dieu qui présidoit à la conception des hommes, dit Tertullien, ad Nation. L. II, c. 11. C’étoit le même que Janus ; car Macrobe, Saturn, L. I, c. 9, dit que Janus s’appeloit Consivius, & que ce nom lui venoit à conferendo, parce qu’il présidoit à la conception, conferendo, id est, à propagine generis humani quæ Jano auctore conferitur ; ou comme parle Tertullien, qui consationibus concubitalibus præsit.

CONSIDENCE, s. f. terme dogmatique, qui se dit de l’affaissement, & de l’abaissement des choses appuyées les unes sur les autres. Sedimentum. Perr. Ess. de Phys. Ainsi lorsque les parties de l’eau qui sont élevées dans les vagues s’abaissent pour revenir à leur niveau, on dit que cela se fait par considence.

CONSIDÉRABLE. adj. m. & f. ☞ Clarus, spectatus, insignis, qui mérite d’être considéré ; qui mérite de l’attention par sa qualité ou par sa quantité ; dans l’usage il paroît synonime à grand ; mais il y a des occasions où ils ne pourroient pas figurer l’un pour l’autre. Un Prince est un homme considérable, tient un rang considérable. Voltaire est un grand Poëte, sa Henriade est un grand ouvrage. Voyez Grand. Il y a des gens qui ne cherchent à s’élever, que pour se rendre considérables par le mal qu’ils pourront faire. S. Real. Cette somme n’est pas assez considérable pour entreprendre un procès. Les mauvais succès de l’Amiral de Chastillon ne le rendoient pas moins redoutable à ses ennemis, ni moins considerable à ceux de sa faction. Cail. Si les hommes défendent l’innocence opprimée, ce n’est que pour se rendre considérables par la profession apparente de quelque vertu que tout le monde révère. Maleb. Cet homme est chargé de tant d’or, qu’il est la partie la moins considérable de lui-même. Id.

CONSIDÉRABLEMENT. adv. d’une manière considérable. Valdè, maximè. Il a été lésé considérablement en ce traité. Il augmenta considérablement le prix des monnoyes. Maucroix.

CONSIDÉRANT, ANTE. adj. qui est circonspect,